Le temps des vaches maigres pour la Suisse

par Michel Santi
samedi 21 mars 2009

Ne nous berçons pas d’illusions : En cédant sur le point crucial de la coopération avec les pays demandeurs de renseignements relatifs à leurs ressortissants soupçonnés d’évasion fiscale, les autorités Suisses abolissent de facto le secret bancaire.

Le premier acte du drame touchant ce secret bancaire Suisse s’est du reste joué à l’initiative de l’UBS ayant unilatéralement décidé, le 18 Février dernier, de divulguer aux autorités Américaines le nom de 300 de ses titulaires de compte. La première banque Helvétique a effectivement préféré violer la loi Suisse face à la menace bien réelle de devoir être poursuivie pénalement aux Etats-Unis sachant que, en toute logique, les établissements bancaires Suisses ne pourront à l’avenir refuser aux autorités Européennes ce qu’elles ont accordé aux autorités US.

Les chiffres parlent tous seuls et permettent d’expliquer ce mépris démontré par les grandes Banques Suisses de leur propre légalité : L’UBS et le Crédit Suisse ont réalisé entre 2004 et 2007 plus de profits en Amérique du Nord que dans leur propre pays. Les concessions majeures des autorités Helvétiques - a posteriori et mises devant le fait accompli - risquent néanmoins d’ébranler un secteur bancaire qui emploie quelque 5% de la masse salariale du pays, qui gère 2’000 milliards de dollars détenus par des clients étrangers et qui constitue le quart de sa croissance économique.

La Confédération, qui coopérait déjà avec l’international en matière de fraude fiscale, a ainsi plié face aux intenses pressions et lèvera donc également le secret pour tout titulaire étranger de compte soupçonné d’évasion fiscale. Les exigences Européennes et Américaines iront à coup sûr en se multipliant, la boîte de Pandore ayant été ouverte par un Gouvernement Suisse qui manque cruellement d’initiative depuis de nombreuses années et qui aurait pu adopter il y a déjà une dizaine d’années des mesures stratégiques visant à pérenniser la place financière Helvétique tout en anticipant sur des pressions internationales dont on savait bien qu’elles déboucheraient tôt ou tard sur l’assouplissement du secret bancaire. 

L’exécutif Suisse, qui s’est complu à s’enfermer dans sa tour d’ivoire, a effectivement fait preuve d’une passivité et d’une négligence inexplicables face à une intensification des pressions internationales prévisibles eu égard au manque à gagner de 100 milliards de dollars du fisc US ( selon les chiffres du Sénateur Américain Levin ). Le Gouvernement Suisse a-t-il à ce point manqué de bon sens pour croire que son pays serait épargné dans une conjoncture mondiale dramatique où Etats-Unis et Europe tentent par tous les moyens de se procurer des liquidités afin de sauver leurs systèmes financiers respectifs ?

A présent réduite à se justifier et à se défendre piteusement dans l’espoir de ne pas figurer sur une liste infamante la reléguant au ban des nations, la Suisse aurait été mieux inspirée de prendre les devants et de monnayer à bon escient cet inéluctable assouplissement de son secret bancaire, fossile dinosauresque appartenant à des temps bel et bien révolus. D’obstacle, la Suisse aurait eu en effet tout à gagner en se comportant en moteur de la transparence internationale tout en ouvrant la voie à une nouvelle réglementation mondiale. Aujourd’hui forcée de plier afin de ne pas casser, ce manque de lucidité des autorités Helvétiques risque de coûter très cher à une Suisse désormais qualifiée de " République Bananière " ( Blick ) pour avoir violé ses propres lois !

L’importance cruciale de l’enjeu pour l’économie de la Suisse - qui gère à elle seule près de 30% des comptes étrangers de ce monde et ce loin devant le Luxembourg qui n’en abrite que 14% - aurait pourtant dû maintenir en alerte un Conseil Fédéral qui a préféré faire l’autruche, perdant ainsi de précieuses années qui auraient pu êtres mises à profit afin de repositionner le pays dans l’échiquier Européen et mondial. 


Lire l'article complet, et les commentaires