Le vrai visage des parasites fiscaux

par Laurent Herblay
vendredi 16 février 2018

Depuis près de dix ans, les dirigeants de la planète se moquent du monde sur les parasites fiscaux, de Nicolas Sarkozy promettant leur fin à l’OCDE proposant des mesurettes en passant par des listes ridicules et totalement myopes. Heureusement, l’association Tax Justice Network propose un panorama bien plus réaliste de la réalité de cette maladie de nos sociétés modernes.

 

Une épidémie parasitaire mondiale
 
Le rapport de cette association méritante, qui nous alerte depuis des années, est à des années-lumières des sornettes de l’UE, et ses listes de complaisance illusoires, ou de l’OCDELe paysage décrit par le Tax Justice Network semble indiquer au contraire une dégradation de la situation depuis 10 ans. Non seulement les parasites se répartissent de manière de plus en plus homogènes dans le monde avec trois centres en Asie (Hongkong, Singapour et Taïwan) et l’émergence de Dubaï au Moyen Orient, mais les pratiques de plusieurs pays se dégradent, au premier rang desquels les Etats-Unis, passés de la 6ème à la 2nde place depuis 2013, et, plus étonnamment, l’Allemagne, classée 7ème.
 
Pire encore, l’analyse de l’association montre également la duplicité des grandes économies mondiales. Les Etats-Unis sont épinglés pour leur comportement à géométrie variable, l’ouverture à l’argent sale venu des pays dits en voie de développement, le comportement de certains états particulièrement opaques : Nevada, Wyoming et Delaware, qualifiés de « far west fiscal  ». Washington « se défend contre les parasites fiscaux étrangers, tout en en étant un pour les étrangers  ». La duplicité du Royaume Uni n’est pas épargnée, avec ses dépendances et territoires semi-autonomes, Guernesey figurant dans la liste des dix premiers parasites fiscaux de la planète selon le classement 2018 de l’association.
 
Au global, la situation de l’Europe apparaît toujours aussi préoccupante avec 4 pays parmi les dix premiers, au premier rang desquels la Suisse. Le Luxembourg pointe en 6ème position, au cœur de cette piraterie fiscale, un temps dirigé par Jean-Claude Juncker, avant qu’il ne devienne président de la Commission. Voilà un signe terrifiant de la complaisance de cette Europe à l’égard du vol pseudo-légal des ressources fiscales de ses Etats, au grand bénéfice des plus riches, et au détriment de l’immense majorité. Au final, on constate que les trois grandes puissances économiques du monde ont en leur sein des parasites fiscaux, comme s’ils faisaient partie de l’organisation naturelle de notre monde…
 
Pourtant, ce n’est pas comme si nous ne savions pas comment faire pour y mettre fin. Ce n’est pas moins que le « prix Nobel d’économie » Joseph Stiglitz qui a très clairement expliqué qu’il faut placer ces pays « en quarantaine » pour mettre fin à ces pratiques, comme le Général de Gaulle l’avait fait avec Monaco. Après dix longues années de palabres dérisoires qui n’ont mené à rien, on devine que nos dirigeants ne souhaitent rien faire contre ces sangsues fiscales modernes. Plus qu’une complicité active, je crois malheureusement davantage à une résignation produite par l’association d’une paresse intellectuelle et d’un conformisme qui leur interdisent d’envisager les moyens nécessaires à cette lutte.
 
 
Malheureusement, il faut bien constater que malgré tous les scandales et les déclarations des uns et des autres, loin de s’améliorer, la situation se déteriore, comme le montre bien le Tax Justice Network. Voilà pourquoi il est essentiel de poursuivre le combat intellectuel contre ces bien mal-nommés parasites fiscaux. Tôt ou tard, ils finiront par être mis en quarantaine et au pas.

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