Les charmes de Bâle, du « compromis à la Belge » et de la (dé)réglementation

par ploutopia
mercredi 19 mai 2010

Petit extrait (en Italique) d’un article du GRESEA asbl sur les prétendus et médiatiques efforts de régulation du secteur bancaire et financier par le comité de Bâle, suivi d’une réflexion sur la fourberie égotique du politique.

Dès le 19ème siècle, à la suite de quelques retentissantes banqueroutes, les pouvoirs publics nationaux ont voulu inciter les banques à la prudence en matière de politique de prêt. En France, les règles de prudence imposaient aux banques d’affecter 80% des dépôts à vue à des actifs que la Banque de France acceptait de réescompter, c’est-à-dire de prendre en dépôt moyennant le versement d’avances aux banques privées. Moins dirigistes, les autorités britanniques laissaient les banquiers libres de leurs choix en matière de politiques d’investissement mais fixaient des plafonds drastiques en matière de liquidité.

Ainsi, dans les années cinquante et soixante, les banques anglaises devaient conserver un ratio de liquidité de 30%. Aujourd’hui, les banques anglaises se contentent d’une couverture par leurs fonds propres de l’ordre de 1% : 1 euro en poche permet d’octroyer 100 euros de crédits (Wall Street Journal, 22 février 2008).

En 1988, le travail d’homogénéisation des règles prudentielles va aboutir dans le cadre des accords dits de Bâle I. L’idée est de garantir la solvabilité des banques par des ratios de fonds propres (les ratios Cooke). Les ratios de base imposaient la couverture des crédits à raison de 8% de fonds propres pour les catégories d’emprunteurs les plus risqués (entreprises privées, banques hors OCDE, Etats et collectivités locales hors OCDE). Pour les Etats de l’OCDE, aucune couverture par les fonds propres n’était imposée. Pour les autres catégories d’emprunteurs, la couverture devait équivaloir à 1,6% des fonds propres. Comme on peut le constater, les règles que le Comité de Bâle a substituées aux vieux usages prudentiels nationaux laissaient davantage la bride sur le cou aux établissements financiers.

A l’origine, les autres actifs n’étaient pas concernés. A partir de 1996, toutefois, les établissements de crédit dont le portefeuille de négociation (jouer sur le court et long terme avec les taux d’intérêts) excédait 5% du bilan ont été soumis à des obligations de fonds propres complémentaires du ratio Cooke de solvabilité. Cette obligation de couverture par des fonds propres sera évaluée par les seules institutions financières sur base de modèles internes. L’ère de la liberté, de la créativité et de l’autorégulation des marchés venait de sonner. Le Comité de Bâle n’allait pas s’arrêter en si bon chemin.

A partir de 2007, la dérégulation avance encore d’un pas. Les ratios Cooke sont remplacés par les ratios Mac Donough. On signalera la conservation en principe de la norme de 8% de fonds propres maximum pour les catégories d’actifs les plus risqués. Changement majeur. Vingt ans auparavant, le Comité de Bâle définissait sans aucune espèce d’ambiguïté la politique de risque en fonction de l’identité de l’emprunteur. Bâle II va balayer tout cela en accordant une importance accrue aux agences de notation. Par exemple, sous le régime des accords Bâle I, accorder un prêt à une entreprise (par exemple, de crédits hypothécaires) nécessitait une couverture en fonds propres de l’ordre de 8% dans tous les cas. Avec Bâle II, si cette entreprise est cotée AAA (soit la meilleure note), la banque ne devra plus réunir que 1,6% de fonds propres pour couvrir ces actifs.

Qui paie les agences de notation ? Les banques elles-mêmes, pardi ! Au total, on peut estimer qu’avec le temps, la politique d’évaluation du risque et de financement des actifs a été, lentement mais sûrement, privatisée.

Privatisée au point de prévoir la possibilité d’une évaluation intégrale du risque par les banques elles-mêmes. Cette procédure dite IRB a été adoptée par l’ensemble des grands établissements bancaires de la planète. Le système de notation interne envisage cinq types distincts de portefeuilles : les entreprises, les dettes souveraines, les banques, les actions, les particuliers. Pour chacun de ces portefeuilles, un système de notation interne est mis en œuvre à partir de bases de données couvrant 5 à 7 années d’observation selon les portefeuilles. La grande faiblesse de ce système réside dans le fait que l’hypothèse d’une crise financière majeure est, dès le départ, exclue du modèle retenu pour évaluer le comportement des actifs.

Si l’on ajoute à cette mauvaise évaluation du risque de crédit, le fait que les agences nationales de contrôle des banques ne disposaient pas du personnel nécessaire pour encadrer la mise en œuvre de l’IRB par leurs champions bancaires, on obtient là un cocktail détonnant dont nous payons aujourd’hui la facture.

40% des transactions en Europe sont effectuées hors bilan ! (l’Echo, 12 janvier 2010).

Pour Bâle II, silence radio complet. A la place, Bâle nous propose toute une série de formules, de statistiques et de ratios tous aussi tarabiscotés les uns que les autres (que la société informatique privée SAS de statistique de haut niveau et d’aide à la décision, lorgne avec convoitise). Le comité de Bâle nous noie dans les chiffres et les tournures de phrases pour que tout le monde sache qu’il fait un travail de pro que le minable citoyen n’est pas en mesure de comprendre. A défaut de comprendre, le minable citoyen Grec subit. Jusqu’à quand ? Faut-il rappeler que la guerre 40-45 et ses atrocités, n’étaient pas sans rapport avec la crise de 29 ?

Coincé entre le marteau d’une grogne citoyenne grandissante et l’enclume d’un pouvoir monétaire privatisé, le politique pourra pleinement jouer son rôle d’anguille louvoyante qui lui sied si bien. Un rôle porté aux nues par une société qui est parvenue à faire de l’ego un culte, une doctrine, une religion. Un rôle médiateur à connotation monétaire, un rôle fédérateur à consonance d’oseille, un rôle pacificateur au doux bruit du froissement de billets « sans odeurs ».

Un rôle tellement bien joué qu’il pourra nous faire avaler une couleuvre sans qu’on s’en rende compte, sauf une fois à la rue. Un rôle de maître de la négociation qui vous montrera du blanc en vous disant que c’est en fait du gris clair foncé qui tend vers le noir. Un rôle certainement mieux joué par Obama que Bush Jr.

Un rôle obligatoire en Belgique, « pays » de l’oseille, du compromis, du TOP 10 des paradis fiscaux et où la densité de ministres par tête d’habitant et par hectare est la plus élevée au monde.

Un rôle que le flegmatique et fourbe ministre des finances Belge (Didier REYNDERS) sait si bien jouer qu’il pourrait même être chef d’escadrille de la classe politique la plus douée. Didier REYNDERS pacificateur et négociateur, récemment désigné urgentiste de la crise belge 2010. Il faut dire qu’il a un beau palmarès à son actif. C’est tout de même l’homme qui a su sauver la face de l’économie Belge en donnant les plus beaux morceaux de FORTIS (ex-CEGER Caisse Générale d’Epargne et de Retraite – banque publique) à son pote Baudouin PROT (BNP Paris-Bas) sans même mouiller son beau costume. Présent et discret quand il faut, il n’est pas du genre à oublier d’éteindre un micro quand il rentre dans sa voiture…

Didier REYNDERS, c’est aussi l’homme des intérêts notionnels. Didier REYNDERS, c’est également l’homme qui après 3 ans, n’a toujours pas publié la liste des entreprises concernées une loi qui interdit le financement de mines antipersonnel, de bombes à sous-munitions et des armes à uranium appauvri. Cette loi est une grande première au niveau mondial mais elle reste théorique tant que cette liste n’est pas publiée.

Ah, c’est sûr, en voilà un qui mérite bien plus que la légion d’honneur, un prix Nobel de la paix ou un parachute doré. En voilà un qui mérite certainement un des plus beaux prix que le grand Capital serait prêt à lui décerner. Des actions Fortis ?


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