Les éleveurs sont dans la rue

par Trelawney
mardi 21 juillet 2015

Depuis plus de 10 ans, la crise de la viande ne fait que perdurer, enfonçant inexorablement les éleveurs de porcs, de moutons ou de bœufs dans la misère. Les agriculteurs sont dans la rue et nous gratifient d’un spectacle habituel en déversant du lisier, bloquant les routes, ou incendiant des édifices publics.

Les politiques temporisent, délèguent des médiateurs et reprochent à la grande distribution et accessoirement aux intermédiaires de s’en mettre plein les poches au détriment de l’exploitant.

Cette fois ci, un chiffre a été lancé à la vindicte : si rien n’est fait pour conjurer cette crise, 25000 exploitations agricoles fermeront définitivement. Samedi, François Hollande a exhorté la grande distribution à « faire un effort sur les prix » et a demandé aux français d’être plus « patriotes » en matière de consommation de produits alimentaires. Les responsables sont trouvés : les grandes surfaces qui se gavent et les consommateurs qui achètent au moins cher même si c’est étranger.

 

Le problème n’est pas si simple, aussi j’ai fait mon tour dans les grandes surfaces et les magasins discount et j’ai constaté de visu ce qui s’y passe.

Donc à carrefour market j’ai vu des côtes d’agneau de Nouvelle Zélande à 7.5 € du kilo et une rouelle de port à 3.5 € du kilo. J’ai vu chez Lidl des entrecôtes à 12 € du kilo et des merguez à 9 €. Vous comprenez qu’avec des prix pareils, l’éleveur ne peut pas s’y retrouver, mais il est évident que même si l’éleveur donne son bétail, les intermédiaires ainsi que le magasin ne rentreront pas dans leur frais.

Après enquête, quand le bœuf est vendu à la boucherie 12 € du kilo, l’éleveur a vendu la bête vivante 6.5 euro et avec le prix des aliments et tout le reste il accuse une perte d’environ 20 centimes du kilo. Il vend donc à perte. L’intermédiaire (abattoir, grossistes, frigo, transports etc.) touche 3.3 euro du kilo et fait un bénéfice cumulé de 6 centimes au kilo. La grande surface touche 2.2 euro et avec les couts en personnel (boucher, vendeur, caissière) et en indirect (électricité rayon réfrigéré) il accuse une perte de 3 centimes. Cette dernière s’en fiche, car la viande est un produit d’appel pour attirer le chaland qui achètera en plus des produits plus rémunérateurs. En résumé : personne ne se gave sur la viande et tout le monde perd de l’argent.

 

A cela vient s’ajouter un autre phénomène : nous consommons de moins en moins de viande et la part des viandes blanches, particulièrement de volailles, s'accroît au détriment des viandes chevaline, ovine et bovine. La consommation individuelle de viande bovine est passée en 1970 de 30,1 kg par an et par habitant à 25,4 kg en 2009, alors que celle de volailles de 12,2 kg à 24,2 kg. Donc si vous augmentez les prix de la viande pour que la filière s’y retrouve, vous allez faire le bonheur des producteurs de volailles qui est, il faut le rappeler, la viande la plus importée dans notre pays.

 

Entre 1996 et 2000, la maladie de la vache folle a fait 204 victimes et a détruit l’économie bovine en Grande Bretagne. 15 ans après, la Grande Bretagne a détruit ses élevages intensifs, et a remis au goût du jour ses anciennes races de vaches comme la hereford, l’Angus, la shorthorn ou la Highland. Ce pays est devenu qualitativement et en moins de 10 ans, le premier pays au monde en matière de viande bovine. Ils vendent très cher un produit de qualité. L’éleveur français a vécu pendant longtemps sur les subventions européennes, ce qui a contribué à démolir la filière viande et à centraliser les abattoirs au point d’en faire des monopoles. Il ne peut pas toujours attendre d’un état incompétent et impuissant en la matière qu’il trouve une solution à un problème qu’il a lui-même créé.


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