Les États-Unis devront attendre

par Alain-Patrick Umucyo
samedi 16 février 2013

Le soir du 12 février 2013, le Président des États-Unis d'Amérique délivre son discours sur l'état de l'Union. Ce moment n'est pas seulement une occasion de rendre compte de la situation de la nation mais c'est aussi un temps pour introduire les grandes lignes de l'agenda législatif à venir. Barack Obama le choisit pour dévoiler un futur accord avec l'Union européenne : « Et ce soir, j'annonce que nous commencerons des pourparlers concernant un solide Partenariat sur le Commerce et l'Investissement Transatlantiques avec l'Union européenne, car un commerce juste et libre à travers l'Atlantique soutient des millions d'emplois américains bien rémunérés.* »

Si la Constitution des États-Unis oblige le Président à rendre compte de l'état de l'Union « de temps en temps », il est d'usage qu'il s'exprime une fois par an. Barack Obama a donc appuyé la promesse d'un meilleur marché du travail pour l'année à venir sur des pourparlers d'accord avec l'Union européenne. Cela est révélateur de toute l'impuissance du Président face à l'érosion des emplois aux États-Unis. Cela est d'autant plus captieux que l'accord évoqué est loin d'être adopté, il ne le sera certainement pas sous la présidence Obama.

Le 13 février 2013, l'Union européenne et les États-Unis commençaient chacun « les procédures internes nécessaires pour lancer les négociations concernant un Partenariat sur le Commerce et l'Investissement Transatlantiques. » L'opportun communiqué de presse annonçant la nouvelle ne donne aucune indication temporelle en vue de la conclusion du Partenariat. Cette précaution suggère la longueur et la fragilité de la procédure et renforce la critique émise en réaction à l'annonce du Président Obama dans le discours sur l'état de l'Union. Cependant, des négociations en cours, et sur le point d'être achevées, entre l'Union européenne et le Canada constituent un exemple sérieux de ce que pourrait être le processus menant au Partenariat Transatlantique.

Depuis mai 2009, l'Union européenne et le Canada préparent un Accord Économique et Commercial Global (AÉCG). Initialement envisagées pour durer deux ans, les négociations n'ont pas encore abouti. Elles se sont heurtées à des intérêts revendiqués au sein même de chacune des parties. Les premiers d'entre eux ont été exprimés côté canadien. Certaines municipalités, telles Toronto et Montréal, ont craint, face à l'opacité des négociations, que l'AÉCG ne les incite à acheter au sein de l'Union européenne plutôt que sur leur territoire, réduisant ainsi leurs prérogatives d'incitation économique locale.1 Leurs craintes ont notamment été focalisées par le Réseau Quebécois sur l'Intégration Continentale qui « depuis 2010 (…) a fait de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG) son principal cheval de bataille. » Pour adoucir la discorde, « le gouvernement Harper a dépêché plusieurs de ses ministres dans à peu près toutes les régions du Canada (...) [ils] avaient pour mandat de vanter les mérites du (…) projet d’entente (…) sur lequel le monde des affaires fonde beaucoup d’espoir.2 » À cette discorde canadienne ont succédé de vives mésententes en matière agricole entre les deux parties à l'accord. Elles forment le dernier obstacle important avant la conclusion de l'AÉCG et étendent un peu plus les négociations. Désormais, l'Union européenne prévoit la fin de celles-ci « durant le premier trimestre de 2013 ».

Le site internet du gouvernement canadien présente l'AÉCG comme « de loin, l'initiative commerciale la plus ambitieuse du Canada : il pourrait engendrer encore plus d'avantages que l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). » De la même manière, le site de la Commission européenne avance que le Partenariat entre les États-Unis et l'Union européenne serait le plus grand accord bilatéral jamais négocié. En outre, beaucoup des difficultés essuyées par le Canada et l'Union européenne en vue de la conclusion de leur accord se manifesteront durant les négociations du Partenariat. La perspective d'une entente sur les quotas de certaines denrées se pose déjà comme un empêchement dirimant, les groupes de pression agricoles européens et américains étant peu disposés à des concessions. Enfin, l'AÉCG sera le premier accord de l'Union européenne avec un pays membre du G7. Le processus ayant conduit à son adoption sera donc un modèle pour d'autres accords d'envergure en particulier pour le Partenariat sur le Commerce et l'Investissement Transatlantiques. À cet égard, il est peu probable que quatre années suffisent pour que ce partenariat soit adopté. Les États-Unis devront attendre.

* “And tonight, I'm announcing that we will launch talks on a comprehensive Transatlantic Trade and Investment Partnership with the European Union, because trade that is fair and free across the Atlantic supports millions of good-paying American jobs.”, OBAMA, Barack, State of the Union address, 12 février 2013.

 

1 Radio Canada, Classe économique, émission du 09 mars 2012, à partir de 23min55.

2 BERNATCHEZ, Jean-Sébastien, Radio Canada, Classe économique, émission du 27 avril 2012, à partir de 14min38.

 


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