Les européens contre le libre-échange
par Bernard Conte
mardi 20 septembre 2011
Depuis la fin des années 1970 et l’arrivée au pouvoir des Thatcher et Reagan, l’idéologie (pour ne pas dire la religion) néolibérale a été imposée. Sans cesse ressassé, tant par la majorité des personnalités politiques que par les medias, le catéchisme néolibéral intègre le dogme du libre-échange, c’est-à-dire le « laisser faire » - « laisser passer », pour les marchandises comme pour les flux financiers.
Le libre-échange et la division internationale du travail qui l’accompagne, seraient les meilleurs vecteurs de croissance économique, de création d’emplois, de progression des revenus… et, in fine, d’augmentation du bien-être des populations. Par conséquent, il est inutile, pour les « élites » au pouvoir, de consulter la population, par un vote ou même par sondage, sur un sujet censé faire l’objet d’un large « consensus ». De plus, il faut éviter le risque de résultats non conformes aux attentes.
Néanmoins, des « agitateurs d’idées » ont commandité, dans plusieurs pays européens, un sondage pour recueillir l’opinion des populations à propos du dogme du libre-échange. Les pays retenus sont : La France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre.
Les résultats, montrent une profonde divergence entre l’opinion des européens et le consensus officiel des élites.
L’ouverture des frontières aura des effets négatifs sur l’emploi dans l’avenir
Pour une majorité d’européens, l’ouverture des frontières aux marchandises en provenance des pays émergents (Chine, Inde) aura, dans les années à venir, des effets négatifs sur l’emploi : France, 75% ; Italie, 62 % ; Espagne et Angleterre, 56% ; Allemagne, 52%.
Car les produits en provenance des pays émergents sont trop peu taxés
C’est ce que pensent à plus de 65% les Français, les Espagnols, les Italiens et les Allemands. Les Anglais ne sont que 50% à déclarer que les importations en provenance de pays comme la Chine et l’Inde sont insuffisamment taxées.
La nécessité du protectionnisme
Hormis les Anglais, une majorité d’européens – entre 60 et 67% - se déclarent favorables à une augmentation des taxes sur les importations en provenance des pays émergents. Les Anglais ne sont que 45% à partager cette opinion.
A mettre en œuvre à l’échelle européenne, ou à défaut, à l’échelle nationale
Entre 67 et 80% des Français, des Allemands, des Italiens et des Espagnols pensent que les droits de douane doivent être placés à la frontière de l’Europe plutôt qu’à la frontière de leur pays. Les Anglais sont partagés sur cette question.
En cas de refus des partenaires européens de relever les droits de douane vis-à-vis des pays émergents, les Français, les Anglais, les Allemands, les Espagnols et les Italiens sont environ 60% à penser qu’il faut le faire quand même aux frontières de leurs pays respectifs.
Les bienfaits escomptés de la thérapie protectionniste
L’augmentation des droits d’entrée sur les importations en provenance des pays émergents devrait avoir des conséquences positives pour le secteur industriel, l’emploi et la croissance économique. De plus ces mesures devraient assurer la protection du savoir faire des différents pays (sans doute en ralentissant ou en arrêtant le processus de délocalisation). Par contre, les européens, dans leur ensemble, anticipent des conséquences « moins » positives sur les prix des produits de consommation.
Les résultats de ce sondage traduisent la capacité d’analyse et la maturité de la réflexion de la population européenne face à la crise financière, économique et sociale. Malgré la presse-tituée qui relaie un discours pseudo-consensuel sur les « vertus » du libre-échange, les européens remettent en cause ce dogme de façon radicale. Ils ont enfin compris que le libre-échange signifie l’égalisation par le bas des conditions sociales sur l’ensemble de la planète, le libre-échange c’est la Tiers-Mondialisation de la planète.
Photo : Friedrich List "théoricien" du protectionnisme éducateur.