Les mensonges de l’INSEE : le niveau de vie réel des Français ne cesse de baisser

par Florentin Gastard
jeudi 7 mai 2009

LE NIVEAU DE VIE SELON L’INSEE
 
Un article du Monde.fr met en lumière l’enquête de l’INSEE sur les revenus des Français et leur niveau de vie. Or ces résultats sont partiellement tronqués. En effet, si l’augmentation des revenus des Français est incontestable et en hausse constante tous les ans, l’inflation n’est jamais prise en compte par l’INSEE dans le calcul de leur niveau de vie.
 
"L’Insee publie, mercredi 6 mai, son édition 2009 du rapport "Les revenus et le patrimoine des ménages". Cette étude, qui s’appuie sur les résultats d’une enquête sur les revenus de 2006, fait apparaître que le niveau de vie médian en France se situe à 17 600 euros, soit 1 470 euros mensuels, en hausse de 1,7 % par rapport à 2005 (en euros constants).
 
Le niveau de vie correspond, selon l’Insee, au revenu disponible du ménage, divisé par le nombre d’unités de consommation dans ce ménage (une unité de consommation pour le premier adulte du ménage, 0,5 unité pour les autres personnes de plus de 14 ans, et 0,3 unité au-dessous de 14 ans) ".
 
 
LE NIVEAU DE VIE REEL DES FRANCAIS ENTRE 2002 ET 2006 STAGNE EN RAISON D’UNE INFLATION QUASIMENT EGALE A L’AUGMENTATION DES REVENUS
 
Si l’on s’intéresse à l’évolution de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC), par exemple entre 2002 et 2006, années considérées comme celles de la relance économique après la crise des années 70 à 90, on observe selon les chiffres de l’INSEE que l’Indice des Prix à la Consommation est en janvier 2002 de 104.4 points (le repère a été fixé à 100 en décembre 1998) et en janvier 2006 de 111.78. Un rapide calcul permet de constater que l’IPC (ce que l’INSEE considère comme l’inflation) a augmenté en quatre ans de 7.06%.
 
En ce qui concerne les chiffres des niveaux de vie (qui sont indépendants de l’inflation), la médiane est fixée à 16 359 euros par an en 2002 et à 17597 euros en 2006 qui correspondent aux 17 600 euros évoqués par Le Monde.fr. Un calcul de l’augmentation de ce niveau de vie nous donne une augmentation de 7.56%, soit 0.50 point de plus que l’inflation.
 
De cette façon, en dépit des chiffres mirobolants de la croissance économique que les radios présentent tous les ans, le niveau de vie réel des Français, entre 2002 et 2006, n’a augmenté que de 0.12% par an quand la croissance économique, elle, bondissait de 7.5% en quatre ans (PIB de 1468 milliards d’euros en 2002 et de 1594 milliards d’euros en 2006) !.
 
 
25% DES FRANCAIS (QUI SONT DEJA LES PLUS PAUVRES) S’APPAUVRISSENT ET LES 10% LES PLUS RICHES PROFITENT D’UNE AUGMENTATION DE LEURS REVENUS UNE FOIS ET DEMI SUPERIEURE A L’INFLATION
 
Mais il y a plus grave.
Ainsi, selon l’INSEE, pour le premier décile (les 10% des Français les plus pauvres dont le niveau de vie a été calculé), entre 2002 et 2006, le niveau de vie n’a augmenté que de 4.7% -de 9 287 euros à 9723 euros-, soit moins, nettement moins que l’inflation générale des prix.
 
De la sorte, il n’y a qu’un seul constat à faire : les Français les plus pauvres se sont appauvris entre 2002 et 2006, alors que la crise économique n’était pas encore là, leur niveau de vie se détériorant de plus de 0.5% par an.
 
A l’inverse, pour le dernier décile, celui des 10% les plus riches, le niveau de vie passe entre 2002 et 2006 de 29 812 euros par an à 33 193, soit une augmentation de 11.3%, ce qui revient à une augmentation de leur niveau de vie réel de plus de 4% en quatre ans.
 
De rapides calculs permettent d’ailleurs de voir que l’augmentation du niveau de vie diminue avec la richesse des déciles considérés (cf site de l’INSEE). Au total, les deux premiers déciles ont un niveau de vie réel en résorption, ce qui signifie que 25 à 30 % des Français ont vu entre 2002 et 2006 leurs conditions de vie empirer - les plus pauvres.
 
 
UNE CONJONCTURE DEFAVORABLE QUI EMPIRE LE NIVEAU DE VIE DES FRANCAIS
 
Les derniers chiffres parus concernent l’année 2006. Toutefois, d’autres indicateurs peuvent nous renseigner sur l’état actuel des revenus. Ainsi, le montant du SMIC suit depuis juillet 2007 celui de l’inflation. Autrement dit, depuis cette date, le niveau de vie réel des Français qui reçoivent le SMIC n’augmente pas. Auparavant, il y avait toujours eu une différence positive entre l’augmentation du SMIC et l’inflation ; désormais, le SMIC est indexé sur celle-ci.
Cela nous laisse attendre un bilan pour les années 2006-2009 désastreux.
 
D’autres raisons peuvent nous inciter à redouter un délabrement de la situation financière des Français :
 
-Tout d’abord, le calcul de l’inflation (IPC) par l’INSEE ne donne pas raison à l’augmentation du prix des biens immobiliers et n’est donc pas fidèle à la vraie vie des Français :
 
"Comme son nom l’indique, l’IPC est un indice des prix à la consommation et l’achat d’un bien immobilier n’est pas de la consommation. Il y a consommation quand un bien est utilisé et disparaît ensuite ou, du moins, voit sa valeur baisser. Par exemple, un produit alimentaire n’existe plus après consommation, un vêtement porté s’abîme, une voiture utilisée perd de la valeur et finit à la casse. Au contraire, un bien immobilier a une durée de vie longue et voit souvent sa valeur augmenter avec le temps.

En France comme dans beaucoup d’autres pays les achats immobiliers ne sont pas pris en compte dans l’indice des prix à la consommation, car ils sont considérés comme de l’investissement . 

L’IPC n’est ni un indice du coût de la vie, ni un indice de dépense.

Il mesure l’évolution des prix à qualité constante.

Mais il ne suit pas la variation des quantités achetées d’un mois à l’autre.

Les opérations financières ne relevant pas de la consommation proprement dite sont exclues de son champ : c’est le cas de l’achat de logement, qui est considéré comme de l’investissement, des opérations d’épargne, des impôts directs, des cotisations sociales ".

-Ensuite, le nombre de pauvres en France est en augmentation, comme cela est dit dans l’article du Monde.fr :

"Le rapport de l’Insee détaille par ailleurs l’évolution de la pauvreté. En ce qui concerne la pauvreté monétaire, l’étude estime le "seuil de pauvreté" à 880 euros en 2006 (contre 865 euros en 2005). Elle considère que, selon ce critère, près de 7,9 millions de personnes peuvent être considérées comme "pauvres" (contre 7,7 millions en 2005). "Parmi elles, la moitié a un niveau de vie inférieur à 720 euros par mois", précise-t-elle".

De la sorte, on voit mal en quoi le système capitaliste actuel, qui n’était pas mis à mal entre 2002 et 2006, constitue une solution pour la France. Il est vrai que l’inflation généralisée ne touche pas également tous les Français : si le nombre de pauvres est en augmentation constante, si les chiffres du chômage sont désastreux (l’INSEE prévoit 8.8% de chômeurs au deuxième trimestre 2009), seuls 25 à 30% des citoyens de notre pays voient leur niveau de vie baisser réellement.

Mais ils sont la conscience de la France, ceux qui peuvent changer les choses. Ce sont eux que l’on voit avec des pancartes aux portes des usines, qui défilent dans les rues les jours de fête. Représentants modernes de la lutte des classes, ils confirment en se multipliant et en s’appauvrissant le diagnostic de Marx : le capitalisme va seul à sa destruction. Aussi concluerons-nous notre article en rappelant, devant ce triste bilan, le mot de Camus :

"Je me révolte donc nous sommes" : c’est dans cette union retrouvée des hommes blessés par le capitalisme que gît l’issue nécessaire d’une mascarade qui n’a que trop duré.


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