Les paradoxes de la déflation

par Laurent Herblay
jeudi 14 novembre 2013

C’est un immense paradoxe de la situation actuelle. Jamais les banques centrales n’ont mené des politiques monétaires aussi expansionnistes (la BCE restant la plus timide des grandes banques occidentales). Mais la déflation semble menacer. Pourquoi en sommes-nous arrivés là et quels sont les risques ?

Au bord de la déflation
 
C’est bien ce qui inquiètent un nombre grandissant d’économistes, et de médias, comme The Economist. C’est sans doute ce qui a poussé la BCE à baisser ses taux par surprise la semaine dernière. Les raisons de cette inquiétude sont simples : dans la zone euro, l’inflation est tombée à 0,7% en septembre, loin des 2% de l’objectif de la banque centrale. Aujourd’hui, il y a davantage d’inflation au Japon que dans la zone euro, signe que les temps ont changé. En outre, en Grèce, les prix baissent déjà et l’Italie et l’Espagne pourraient bien suivre du fait de leur effort pour restaurer leur compétitivité.
 
La déflation pose de gros problèmes (même s’il ne faut pas surestimer les maux de l’économie japonaise). Tout d’abord, elle complique grandement la politique monétaire en limitant l’efficacité de la baisse des taux nominaux, ce qui prive l’économie d’un de ses deux leviers d’action. Moins d’inflation, c’est aussi un poids plus important pour la dette. Enfin, la déflation, c’est aussi un poids pour la croissance puisque les acteurs économiques tendent à repousser leurs achats pour profiter de la baisse des prix. On n’a jamais vu une économie très dynamique à partir du moment où les prix baissent. Quelques économistes, Olivier Blanchard, du FMI, et Paul Krugman, plaident ouvertement pour plus d’inflation.
 
La situation n’est pas très brillante au Japon ou aux Etats-Unis, qui ont une inflation à peine supérieure à celle de la zone euro : 1% dans le pays du soleil levant, 1,2% outre-Atlantique. Pour les Japonais, il s’agit d’une grande réussite des Abenomics que d’avoir sorti le pays de la baisse structurelle des prix alors même que le contexte international n’est guère porteur. Cela s’explique par la baisse du yen et la politique monétaire ultra-accomodante menée depuis un an. Aux Etats-Unis, les effets de la politique de la Fed sont compensés par la baisse de la dette des acteurs privés et la baisse du déficit.
 
Causes et conséquences

C’est un point qu’oublie un peu trop Olivier Delamarche : les banques centrales peuvent faire tourner la planche à billets, si les acteurs privés réduisent leur endettement, les deux effets peuvent se compenser, ce qui explique la faiblesse actuelle de l’inflation, en contradiction avec les prévisions des opposants à l’assouplissement monétaire. Rien que dans la zone euro, le bilan des banques a baissé de 11,6% depuis 2008, soit 4000 milliards d’euros, plus d’un tiers du PIB de la zone. Du coup, la création monétaire de la BCE a été plus que compensée par une baisse de la masse monétaire privée !

Idem aux Etats-Unis et au Japon, où la création monétaire des banques centrales est en partie compensée par la baisse de l’endettement privé. Tout ceci explique que les torrents de liquidité n’aient pas créé, à date, de regain d’inflation. Mais les choses sont plus compliquées car une masse monétaire stable peut cacher une baisse des crédits à l’économie réelle et une augmentation des crédits pour la finance, ce qui semble être le cas aujourd’hui. D’où des entreprises souffrant d’un manque d’argent et une montée des marchés, nourris par une partie de cette création monétaire, sous la forme d’une bulle.
 
Parce que l’augmentation des dettes rend aujourd’hui insupportable la déflation, il est probable que les banques centrales vont agir vigoureusement pour l’éviter. Mais parce que le système financier est mal conçu, les crédits supplémentaires ne servent pas à financer l’économie, mais la spéculation.
 

Lire l'article complet, et les commentaires