Les raisons de l’effondrement financier

par Zolko
lundi 12 octobre 2015

Oui, je sais, celle-là on vous l'a déjà faite, mais ce que vous allez lire ici n'apparait pas souvent dans les journaux. Ce texte est aussi un extrait du livret "Refléxions du Plan-C" co-écrit avec David Lafaille et Rémi Mathieu, que vous trouverez ici : http://www.front-plan-c.eu/Pages/index.php?page=manifesto&chap=pyramide&lang=FR et en PDF. Vous pouvez trouver un article similaire (en anglais) ici : http://paulgrignon.netfirms.com/MoneyasDebt/disputed_information.html.

DES INTÉRÊTS MANQUANTS

Nous avons découvert au cours des débats sur le forum du Plan-C un aspect peu connu de la société : la création monétaire. Les billets que l'on manipule quotidiennement, tout le monde arrive à comprendre qu'une certaine entité — appelée Banque Centrale — les imprime, ou les fait imprimer, avec des motifs qui les rend infalsifiables. Les tricheurs et les faux-monnayeurs sont traqués sans pitié, et font le bonheur des auteurs de romans policier.

Mais qui décide combien de billets sont imprimés ? Et si j'ai un lingot d'or, est-ce de l'argent ? Et si j'ai une pièce d'or de 20 Francs (un "Napoléon") combien vaut-elle ?

Tout d'abord : c'est quoi l'argent ? L'argent — ou monnaie — est une unité de compte, une quantité permettant de comptabiliser les produits et services, et qui est acceptée pour le commerce de ces produits et services par plusieurs êtres humains. C'est tout ! L'argent n'est rien d'autre que ça : une convention sociale de comptabilité. Que cette convention soit écrite sur du papier, soit le nombre de coquillages colorés ou une certaine quantité d'un certain métal, ou soit des 0 et des 1 dans la mémoire d'ordinateurs, n'a pas d'importance, la seule chose qui importe est que beaucoup de commerçants acceptent cette convention. Sur une île déserte, un billet de 100€ ou un lingot d'or n'ont aucune valeur.

L'Histoire a montré que certaines conventions fonctionnent mieux que d'autres pour comptabiliser le commerce, fonctionnent plus longtemps et sur une plus grande échelle, mais rien n'empêche d'en inventer de nouvelles, et c'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec BitCoin, inventé en 2008, et qui, 7 ans plus tard, est accepté par de plus en plus de commerçants, surtout sur Internet.

Création Monétaire

On peut se rappeler la fameuse phrase attribuée à un Rotschild : "Je me moque de qui crée les lois tant que c'est moi qui crée la monnaie".

Dans notre monde "occidental", et contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les États qui créaient leur monnaie, mais les banques. Environ 90% de tout l'argent en circulation est créé par les banques privées, qui créent l'argent quand elles accordent des crédits, et le restant est créé par les banques centrales quand elles accordent des crédits à des banques et autres institutions financières, sauf une toute petite part — environ 1% — qu'elles créent sans contre-partie.

Ce système de création monétaire est dit à réserve fractionnaire, et le mécanisme est le suivant (*) : si vous déposez 1000€ en espèces dans une banque, vous recevez en échange un avoir — une reconnaissance de dette — de 1000€ de la banque. Celle-ci doit garder 10% de ce dépôt en réserve (par exemple), soit 100€. L'idée est que tout le monde ne va pas retirer l'argent en même temps, alors ça ne sert à rien de garder tout cet argent dans les coffre-forts. Les 900€ restants (1000€ - 100€) sont "libres" de droit, et la banque peut en faire ce qu'elle veut, par exemple les prêter à une autre personne, qui va alors disposer de 900€ dans sa poche, en espèces ; 900€ que cette personne peut à son tour déposer, dans la même banque éventuellement, qui doit encore en garder 10% soit 90€ en réserve, et peut prêter 810€ à quelqu'un d'autre ... et ainsi de suite.

Cela forme une série géométrique convergente, qui fait qu'avec le dépôt initial de 1000€ en espèces, la banque a pu émettre 10 000€ de reconnaissance de dettes. Elle a donc créée 9000€ d'argent grâce à vos 1000€ de dépôt initial.

Les 1000€ initiaux, créés par la Banque Centrale, sont appelés "monnaie fiduciaire", c.à.d. légale, et l'argent créé par les banques commerciales — les 9000€ — est appelée "monnaie scripturale", c.à.d. écrite. Les deux sont techniquement différents, mais légalement interchangeables : c'est de la fausse monnaie légale.

Les origines

Comment ce système étonnant est apparu ?

Pendant des siècles, ce sont les Rois qui créaient la monnaie, sous forme de pièces en or ou en argent portant leur effigie. Les orfèvres stockaient cet argent pour le mettre en sécurité, et donnaient une reconnaissance de dette écrite en échange — un gage. Puis les gens commençaient à échanger les gages des orfèvres directement, car pratiques, sans les convertir en monnaie du Roi. Les orfèvres devinrent progressivement des banquiers en émettant plus de leurs propres gages que d'argent du Roi qu'ils avaient dans les caisses, tout en promettant la convertibilité entre leurs gages et l'argent du Roi.

Tant que les orfèvres-banquiers ne créaient qu'un peu de gages en plus des dépôts, ils pouvaient honorer les promesses de convertibilité entre les gages et l'argent en dépôt, et ce système assurait un très grand dynamisme économique à des entrepreneurs audacieux, ce qui enrichissait le Roi à travers les impôts. De plus, les gages des banquiers n'étaient pas vraiment de l'argent, pas au même titre que les pièces frappées du sceau du Roi, on pouvait donc toujours faire la différence entre la vraie monnaie du Roi et la fausse monnaie des orfèvres-banquiers.

Mais avec les comptes en banques et les payements en chèque, puis avec l'argent électronique et les payements par carte, comment encore faire la différence entre monnaie de l'Etat et gage de banquier ? De plus, à la fin du XX-ième siècle, cet écart est devenu déraisonnable, de 2:1 on est passé à 50:1, et même à 100:1 dans la zone €uro depuis le 11 février 2012 (**), et le grand dynamisme est devenu instabilité.

Les intérêts manquants

La bizarrerie de la création monétaire par la réserve fractionnaire devient un problème quand on introduit les intérêts : en effet, dans notre 1er exemple, la personne à qui la banque prête 900€ ne doit pas en rendre 900 mais un peu plus, ce plus étant les intérêts.

D'un point de vue comptable — ce n'est pas aussi compliqué que cela parait à la première lecture — une banque est une entreprise, et a donc un bilan, qui a 2 colonnes : ACTIF et PASSIF. Quand vous faites un emprunt de 10 000€ à la banque pour acheter une voiture, vous signez un contrat que vous allez rembourser 12 000€ (en prenant 20% d'intérêts cumulés par exemple). Les 10 000€ sont appelés "principal" (que nous noterons X) et les 2000€ supplémentaires "intérêt" (Y). Les 10 000€ correspondant au principal et figurant sur le contrat du prêt sont inscrits à l'ACTIF du bilan de la banque, puisque c'est de l'argent en plus pour elle. Les 10 000€ qu'elle a inscrit sur votre compte sont à son PASSIF, puisque c'est de l'argent qu'elle vous doit. Les 2000€ correspondants aux intérêts et qui figurent aussi sur le contrat du prêt sont inscrits hors bilan pour le moment.

Au moment même où le banquier appuie sur la touche CONFIRMER de son ordinateur, 10 000€ apparaissent en même temps sur votre compte à vous, et à l'ACTIF ainsi qu'au PASSIF de la banque. La seconde d'avant, ces 10 000€ n'existaient pas, la seconde d'après ils existent. Ils ont été créés par la banque, ex-nihilo, devant vos yeux !

Quand vous payez votre dette de 12 000€, 12 000€ sont effacés de votre compte (au PASSIF de la banque), et le contrat du crédit étant arrivé à terme est aussi effacé (de l'ACTIF de la banque), et les 10 000€ créés lors du crédits sont détruits : 10 000€ avaient été créés quand vous avez pris le crédit, et 10 000€ sont détruits quand vous le remboursez. Les 2000€ supplémentaires correspondant aux intérêts vont dans la trésorerie de la banque, et forment le bénéfice réalisé lors de cette opération. Si l'emprunt en question n'est pas remboursé, la banque récupère la garantie (la voiture que vous avez acheté), et aura peut-être une perte ou pas, suivant que l'avoir en garantie et les intérêts que vous aurez déjà versés couvrent le principal encore dû, ou pas.

Notez bien que 10 000€ ont été créés et pas 12 000€. Votre avoir est de 10 000€, mais vos dettes sont de 12 000€. Les 10 000€ sont couverts par la valeur de la voiture que vous achetez : ainsi, si vous ne remboursez pas le crédit, la banque récupère la voiture d'une valeur de 10 000€. Votre dette s’élève donc à 12 000€, mais les avoirs de la banque ne sont que de 10 000€, tordant le cou à cette erreur fréquente : " Les dettes des uns sont les avoirs des autres ". NON, C'EST FAUX : quand on fait un crédit avec des intérêts, on crée mathématiquement plus de dettes que d'avoirs !

Comment trouver ces 2000€ supplémentaires ?

Un premier malentendu doit être dissipé tout d'abord : cet intérêt n'est pas la richesse créée par l'investissement qu'a permis le prêt, puisqu'on parle ici de monnaie — une entité comptable — et pas de richesse — une quantité physique. Pour comprendre ce malentendu fréquent, prenons l'exemple d'un emprunt pour faire pousser des tomates : les tomates qui ont poussé sont de la richesse créée, mais on ne peut pas rembourser la banque avec elles. Pour rembourser le prêt, il faudra échanger la richesse physique que sont les tomates contre de l'argent comptable, qui, lui, pourra servir à rembourser la banque. Mais l'argent ainsi récupéré avait déjà été créée auparavant, indépendamment des tomates qu'on a fait pousser. D'ailleurs, si une sécheresse empêche les tomates de pousser, il faudra quand-même payer les intérêts à la banque. Et si des conditions parfaites font pousser plus de tomates, il ne faudra pas payer plus d'intérêts. La quantité de monnaie réclamée par la banque n'a aucun rapport avec les tomates, n'a pas été créé en même temps que les tomates.

Et donc, l'argent de l'intérêt, quand est-il crée, et comment ?

Comme presque la totalité (environ 99%) de la monnaie est créé par crédit dans le système monétaire "occidental", l'argent de l'intérêt est aussi forcément créé par un crédit. Mais en même temps, l'argent créé par un crédit sert déjà à rembourser le principal de ce crédit, et ne peut donc rembourser en plus les intérêts d'un autre crédit.

C'est ce qu'on appelle les intérêts manquants : l'argent pour payer les intérêts Y d'un prêt X n'existe pas au moment où l'on contracte le prêt X ! Cet argent doit être créé par ailleurs, donc par un autre crédit X_2 dans l'avenir : l'argent des intérêts d'aujourd'hui est une promesse du futur.

Le schéma pyramidal

Le principe d'une fraude pyramidale est le suivant : un "investisseur" prétend avoir trouvé un moyen nouveau de faire fructifier l'épargne, et promet des rendements mirobolants à ceux qui déposent leur argent dans son fonds d'investissement. Mais en fait, il paye ces intérêts incroyables avec l'argent des dépôts, qui est donc dilapidé au fur et à mesure. Pour pouvoir continuer l'escroquerie, il faut attirer d'autres déposants, et quand un épargnant veut retirer son dépôt, cela est aussi payé par les dépôts des autres. Et bien-sûr, l'escroc dépense une partie des dépôts pour lui-même. Il faut toujours plus de nouveaux entrants dans le schéma pour le faire fonctionner, et il ne faut pas que tous les déposants retirent leurs dépôts en même temps. Quand l'escroquerie est découverte, les déposants restent avec des promesses vides.

Revenons à notre système monétaire à réserve fractionnaire : pour créer l'argent de l'intérêt Y(n) d'un prêt X(n), il est nécessaire de faire un autre prêt X(n+1) dont une partie servira à rembourser l'intérêt Y(n) du prêt X(n). Mais si on utilise une partie de l'argent du crédit X(n+1) pour rembourser les intérêts Y(n), il va en manquer pour rembourser le principal X(n+1), en plus de l'intérêt Y(n+1) qu'il faudra déjà payer ! Il faudra donc faire un autre crédit X(n+2) plus important pour rembourser les intérêts Y(n+1) mais aussi la partie du principal X(n+1) qu'on a ponctionné pour rembourser les intérêts Y(n) ; avec des intérêts Y(n+2) supérieurs encore ... et ainsi de suite.

A chaque fois, le principal X(n) est créé puis détruit, mais les intérêts Y(n) forment le bénéfice de la banque. Bénéfice qui profite en partie aux déposants et en partie aux actionnaires.

C'est un schéma pyramidal exemplaire : les bénéfices payés par les banques à leurs clients viennent des emprunts réalisés par les clients suivants, et les actionnaires en ponctionnent une partie au passage. Et comme tout système pyramidal, il ne peut fonctionner que si la quantité d'argent en circulation est en croissance exponentielle.

Ceci sonne-t-il trop énorme ? Comment ne nous sommes nous pas rendu compte de la supercherie ? Certains s'en sont rendus compte mais n'étaient pas écoutés : tant que l'économie réelle croissait, la croissance de la masse monétaire accompagnait cette croissance économique et passait donc inaperçue, était considérée comme normale, voire souhaitable.

Mais quand-même, n'y-a-t'il pas une erreur dans le raisonnement ?

Si, il y en a une, ou plutôt une approximation : si l'intégralité de la monnaie des gains des intérêts est remis dans la circulation monétaire, les intérêts dus sont récupérés (par le client) et aussitôt ré-injectés (par la banque) dans la masse monétaire globale, dont une grosse partie doit être créée sans crédit. Cela voudrait dire qu'aucune richesse monétaire n'est accumulée et que l'argent ne fuit pas dans d'autres systèmes monétaires. Dans la réalité, une partie de la monnaie de notre système financier part dans d'autres systèmes financiers (Chine, pays pétroliers...) et une partie est stockée par les ultra-riches (et est donc retirée de la circulation).

L'Effondrement du Système

Et concrètement, quelle est la conséquence des intérêts manquants ?

Depuis plus de 150 ans, la croissance économique obtenue grâce à la révolution industrielle, aux énergies fossiles et à la croissance démographique accompagne la croissance de la masse monétaire du système financier capitaliste. Pendant toute cette période, les intérêts manquants pouvaient effectivement être récupérés dans l'avenir. La dette qui crée l'argent était roulée, une nouvelle dette remplaçant l'ancienne, en quantité toujours plus importante, mais mesurée en ratio contre le PIB la dette apparaissait stable, puisque le PIB croissait aussi. Tant que durait la fête, la croissance de la masse monétaire accompagnait la croissance économique.

Mais en ce début de XXI-ième siècle, 2 phénomènes nouveaux et inconnus jusqu'alors arrivent en même temps, et qui menacent le système pyramidal :

Les 2 phénomènes impliqueraient une réduction de la masse monétaire, mais dans le système actuel il faudrait rouler les dettes avec des intérêts négatifs ; or dans ce cas les déposants préféreraient garder leurs économies en espèces — "sous le matelas" — et retireraient leurs dépôts des banques en masse : c'est le bank-run tant redouté des banquiers.

Mais cette montagne de dettes ne peut pas non-plus être remboursée puisqu'il manque l'argent des intérêts. Tout l'argent en circulation — sous toutes ses formes — correspond au principal de tous les crédits en cours, mais les dettes, elles, comptabilisent aussi les intérêts sur ces crédits : il y a plus de dettes que d'argent en circulation. Si nous décidions tous, dans un élan de solidarité inexplicable, de mettre tout notre argent sur la table pour rembourser toutes nos dettes, il en manquerait et certaines dettes ne pourraient pas être honorées. C'est exactement comme avec tout schéma pyramidal : il y a plus de promesses que d'argent, et quand veut récupérer son argent, on ne peut pas, il n'est pas là, on s'est fait arnaquer.

A partir de là, il n'y a que 3 issues possibles (et leurs combinaisons !) :

Mais dans tous les cas, beaucoup de personnes trouveront beaucoup mois d'argent dans leurs comptes en banque que ce qu'on leur avait promis. Le lecteur averti que vous êtes a déjà remarqué que plusieurs explications et prévisions de ce texte se sont avérés, ce qui tendrait à prouver que le schéma pyramidal est sur le point d'imploser. Seuls ceux qui sortent en premier peuvent récupérer un peu de leur mise, les autres n'auront rien, zéro.

Mise à jour d'actualité

Ce texte a été initialement écrit en 2011. Aujourd'hui, en 2015, qu'observons nous ?

Vous savez donc maintenant ce qui va arriver à partir de là.

 

Reflexions du Plan-C
Version imprimable du livret dont est extrait ce texte.

 

 

(*) http://fr.wikipedia.org/wiki/Création_monétaire

(*) http://en.wikipedia.org/wiki/Fractional-reserve_banking

(**) ECB Monthly Bulletin February 2012


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