Les solutions anti-crise... des nazis (IV)

par Prometheus
mercredi 7 décembre 2011

L'Allemagne de 1934 ne peut plus emprunter sur les marchés, personne ne lui fait confiance. Aucun investisseur ne veut lui prêter, en effet elle a déjà eu un défaut de paiement, et les créanciers étrangers la pressent. Le paiement de la dette étrangère devient donc un enjeu pour Hjalmar Schacht. Suite à ses idées ingénieuses lors de la réforme bancaire. Il est nommé en 1934 Ministre de l'économie. A son apogée Schacht va retourner le système contre lui-même pour créer plusieurs millions d'emplois.

Quand les vautours meurent, la poule ne pleure pas.

Le nouveau plan de 1934 va s'attaquer au front commun des créanciers du reich. Après le refus définitif d'Hitler de payer les réparations de Versailles, il va quand même falloir s'aranger pour payer la dette. C'est de la crédibilité du Reich sur les marchés dont il dépend.

AUTARCIE... Voilà le premier mot du plan. Comment interpréter ce mot ? Autarcie est un mot inventé par les penseurs du mercantilisme, un néologisme de autos et de arkein signifiant respectivement soi-même, et se protéger ou se suffire. Tout un programme !

L'Allemagne doit se suffire à elle-même. Le premier pas pour la bataille de la dette est de limiter les importations au strict nécessaire. Fini la soie de Chine on va le remplacer par le cuir de vache de bavière, ceci expliquant les costumes sado-maso conçus par Hugo Boss de la SS entre autre. Les seules ressources importées sont celles qui sont indispensables à l'industrie de guerre et d'exportation et dont ne disposent pas l'Allemagne. Cela crée ce fameux marché intérieur dont parlait Hitler en 1933 mais amène aussi à des absurdités. Les industries d'arme ont pour obligation d'utiliser du fer allemand plus cher et de moins bonne qualité pour équiper l'armée allemande. Tandis que les armes exportées faites avec du fer scandinave sont beaucoup mieux conçues.

La politique d'importations au strict nécessaire du ministre s'accompagne aussi d'une augmentation des exportations. En bon mercantile il pousse les industries à vendre à l'étranger pour permettre à l'Allemagne d'augmenter sa balance commerciale et donc forcément son stock de devises. Pour ceux qui ne comprennent pas, dites vous que si vous vendez un kilos de patates aux USA, les américains ne vont pas vous donner des marks, non ils vont vous donner des dollars ; et ces dollars vont grossir la réserve de devises de votre entreprise, ce qui en Allemagne à cette époque revient à dire l'état. Pourquoi ? Pour par exemple payer votre dette moins cher sur les marchés financiers américains. Si une entreprise ou l'état américain vous a prêté en dollars et que le change est favorable je suis gagnant de lui rembourser dans sa valeur d'origine. A cette époque malgré une dévalorisation du dollar, en 1934, le reichmark valait 2,61 dollars. Pour 100 000 dollars empruntés je dois restituer 261 000 reichmarks. Par contre si j'ai des devises je paie 100 000 dollars. Sans compter que sur les marchés financiers le dollar est souvent la monnaie universelle, l'état allemand est donc obligé d'avoir des réserves en devises pour garantir ses emprunts. 

Il est important de comprendre ces notions car pour Schacht elles sont essentielles pour résoudre le problème de la dette. Un on limite les importations donc la fuite des devises. Deux on vend à l'étranger pour augmenter les stocks de devises et payer la dette. Sa politique mercantile ou bataille des devises est difficilement gagnée sur le terrain diplomatique. Comme un plan de bataille tout est pensé, il faut augmenter les réserves de devises, on l'a vu. Il faut ensuite forcer les créanciers à accepter les conditions de réglement du Reich. Par quels moyens me dites vous ? Imaginez la France, l'Angleterre, les Pays Bas, la Belgique, les USA, bref le monde entier qui frappe à votre porte vous réclamant de l'argent. Chacun comme un vautour désirant vous dépecer pour payer le plus rapidement ses propres dettes. Mais le nombre qui fait pression sur l'Allemagne va être justement le plus gros défaut des créanciers internationaux. L'Allemagne va jouer les fauchés. C'est à la foire de Leipzig d'Aout 1934 que Hjalmar Schacht annonce au monde que l'économie allemande ne se remettra jamais de la crise de 1929 qu'il faut faire une croix définitive sur les dettes étrangères. Il crée la panique. Alors qu'ils étaient unis, et décidés à presser l'Allemagne comme un citron, les différents créanciers comprennent alors qu'il faut prendre ce qu'il y a à prendre tant que l'on peut encore. Eux aussi ont subi de plein fouet la crise de 1929. Alors que jusqu'à présent les différentes conférences sur les réglements de la dette allemandes se faisaient avec tous les créanciers réunis, après cette annonce chacun va vouloir conclure des accords bilatéraux pour grapiller ce que l'Allemagne peut ou plutôt veut lui donner.

Le ministre a encore créé l'illusion, et a gagné. Il va alors faire un deal avec les créanciers. Durant la crise une monnaie de transfert avait été créée, le scrip. Le principe est de payer la moitié du prix demandé en devises, et l'autre moitié en "marks de transfert". Ces marks de transfert doivent être utilisés uniquement pour acheter des produits allemands. Absurde ? Pas vraiment, en tant que créancier on vous propose un titre hypothéquant une partie des biens, et des services allemands. Cependant les créanciers resteront méfiants jusqu'à la foire de Leipzig, et tout l'art de Schacht est de jouer sur le taux entre les devises, et les scrips. Finalement ce sera 50% de scrips. Rongés par la peur, les créanciers acceptent, et ce plan sert à la fois à favoriser les exportations allemandes, la boucle est bouclée. Il y eut bien des conférences avant Aout 1934 ; par exemple en Juin 1933 à la conférence de Londres, où les créanciers exigaient des remboursements immédiats à plus ou moins long terme. Problématique vitale pour Hitler, ces questions furent même la priorité du régime de 1933 à 1934. On peut presque dire qu'avant la Guerre Mondiale, il y eut une Guerre économique, gagné de peu par les Allemands. Les Anglais, et les Américains en garderont un goût amer.

C'est avec du sang et des larmes que Schacht résoud le problème de la dette. Ce dernier point lui permet de réemprunter sur les marchés en 1935. Il ne s'arrête pas là et pour continuer dans l'illusion il utilise la procédure indolore : l'état emprunte sur les marchés, va voir ses banques, et leur demandent combien elles ont d'épargne, échange cette épargne contre la dette, ce qui fait que les banques deviennent créancières du reich. Bien qu'absurde si on a le nez collé sur les chiffres de la dette Allemande on s'aperçoit qu'elle baisse, ce qui redonne confiance. Cette procédure est depuis la guerre interdite...

Etrange modèle que celui de l'Allemagne de 1935, il emprunte sur les marchés, possède une banque centrale nationalisée avec des banques privées, et des investisseurs étrangers. Effectivement on développe l'autarcie et il est clair que toutes les mesures prises ne sont faits que pour favoriser le pays. Mais il y a une vraie intelligence économique ou la nation toute entière doit travailler dans le but de rassurer les marchés. Bien que mercantile, Schacht connait aussi très bien le libéralisme. Il navigue entre deux eaux, et profite de l'opportunité d'une politique dictatoriale pour mettre au pas toute l'Allemagne et la diriger vers toujours plus de croissance. Penchons nous maintenant sur quelques unes de ces mesures.


Lire l'article complet, et les commentaires