Macron, la crise et les gilets jaunes

par nemo3637
jeudi 27 décembre 2018

Emmanuel Macron, déjà déstabilisé par le mouvement social, n'a pas compris non plus ce que signifiait la dernière crise financière de 2008. Pour lui il s'est agi d'un simple accident de l'Histoire et le capitalisme financier ne doit pas être entravé par des règles trop contraignantes (1). Là se trouve la limite de son intelligence. Il ne peut concevoir la fin du système lui-même dont le déclin se traduit par un capitalisme au stade financier, dans lequel se débat toute la société.

Néanmoins, sans en comprendre les vraies raisons, et même si l'on garde la foi dans le système, on peut sentir, comme tout le monde, qu'il vacille de plus en plus. Le président, qui, de surcroit, reste aux prises avec la révolte populaire et les justes revendications des Gilets Jaunes, ne peut qu'en ressentir un désarroi encore plus grand..

LA CRISE

La guerre économique qui sévit aujourd'hui, principalement entre la Chine et les Etats-Unis est une séquelle de la crise mortifère qui ronge le système capitaliste. Tout a une fin et Rome a chuté.

La prochaine hausse des taux d'intérêt décidé par la Banque Fédérale au vu du déficit budgétaire américain rend prévisible une nouvelle secousse. Mais pour bien comprendre ce qu'il va se passer, entrevoir la fin du système, il faut se tourner un peu vers le passé, observer le dogue qui nous mord toujours le derrière...

La crise financière de 2008, symptome d'une profonde crise économique, a montré la suprématie de la finance dans l'organisation de la société capitaliste.

Le travail humain qui donne de la valeur à la marchandise, tend à diminuer toujours plus sous l'effet de la mécanisation, des technologies, et du fait de la concurrence, de la nécessité d'en réduire le coût au maximum. Et donc l'augmentation du chômage et la diminution des salaires pour le plus grand nombre représente ici une tendance inévitable.

C'est ce qui s'est passé lors du début de cette crise de 2008 qui a commencé par une crise immobilière. Les aspirants à la propriété se sont retrouvés ou sans emploi ou avec un revenu en baisse qui ne leur permettait plus de payer leurs traites de remboursement du capital qu'ils avaient emprunté. On retrouve le même schéma un peu plus tard en Europe, en Espagne et au Portugal notamment.

Concurrencée par l'étranger (Chine...) l'entreprise industrielle classique, quand elle survit, est aux mains des banquiers (2) auprès desquelles elle s'endette. Ce sont ces institutions financières qui sont maîtresses du jeu. Mais les valeurs dont elles sont détentrices ne sont plus basées sur la bonne vieille industrie de jadis mais sur des entités, comme des assurances et garanties, des services, comme Facebook, dont le caractère virtuel peut provoquer brusquement la défiance. La crise de la Net-économie en montra donc les limites en 2001.

L’ancien Premier ministre Jospin, signataire du Traité de Lisbonne de 2002, constate alors que la sphère financière représente cinquante fois celle de « l’économie réelle » c’est-à-dire résultant de « travail humain » et de biens réels.

Restant conforme à l'idéologie libérale macronienne, pour retrouver les « meilleurs rendements » on a certes abouti, grâce à la « bienfaisante concurrence », à un décloisonnement en chaîne de la sphère financière. Mais du même coup tous les établissements bancaires ont été alors voués à la contamination par les fonds « douteux » auxquels ils sont liés. Tout cela est bien connu... mais vite oublié !

Et aujourd’hui, malgré une faillite avérée du système financier, seuls quelques naïfs, peuvent croire encore en un sursaut, un retour en arrière aux temps paisibles où banques et institutions financières verraient à nouveau leurs activités recentrées. Le Glass Steagall Act américain avait certes été révoqué aux Etats-Unis en 1999, sous l’administration Bush. Mais Clinton avait empêché à la Commodity Futures Trading Commission de réglementer les produits dérivés, ce qui était devenu le fondement des spéculations massives. Avec la loi Commodity Futures Modernization Act, le Congrès avait même interdit en 2000 la régulation des produits financiers dérivés. Dans le droit fil des déclarations ultra libéralesde Monsieur Macron en mars 2017 (1).

Pour parer à une crise systémique inévitable, les « décideurs » de la Finance comme Mario Draghi en Europe ont ouvert la vanne du crédit facile. Crédit offert en premier lieu aux investisseurs qui ont pu, et qui peuvent encore – pour peu de temps aujourd'hui – emprunter à des taux imbattables proches de 0%. Ces décideurs, ces technocrates, comme Macron, ont pu un moment espérer ou faire semblant de croire, que cet argent irait vers l' « Economie réelle », les industries nationales. Mais il n'en a rien été car de tels investissements sont trop risqués, ne rapportant rien comparativement à ce que peut rapporter le trading. C'est certes encore et toujours un jeu risqué, tributaire du taux d'emprunt que décide la Fed. Car parallèlement aux profits des traders, les déficits publics des états s'accentuent. Mais tant que les taux d'emprunt de l'argent est bas ne vaut-il pas mieux tenter sa chance de ce côté plutôt que se mettre à fabriquer des pâtes.

Le capitalisme financier s'est donc développé à cause de cette crise de valorisation du capital imprévue. Contrairement aux crises d'hier, il n'y a aujourd'hui aucune perspective d'un nouveau départ par l’exploitation de nouveaux champs. Même la Chine, aujourd'hui elle-même en crise, ne pourra être le nouvel El Dorado espéré hier encore par nombre de défenseurs du capitalisme, comme Alain Minc.

Le rebond de la crise financière qui s'annonce du fait de la hausse des taux d'intéret de l'argent décidée par la Fed, va entrainer logiquement une destruction du capital... et une plus grande misère pour la majorité des populations. Cette crise ne concerne plus seulement aujourd'hui l’économie productive « réelle », mais aussi les bulles de capital fictifs qui se sont accumulées au gré de la spéculation monétaire et boursières.

Quelle est l’ampleur de ces phénomènes de destruction de valeur ?

Pour en donner une image, en quelques jours, début août 2011, en Europe et aux Etats-Unis, la capitalisation boursière a baissé de plus de 900 milliard d’euros. Cela représente plus d’un tiers des pertes des six mois précédents. Période pendant laquelle les marchés boursiers des deux côtés de l’Atlantique, ont perdu 3400 milliards d’euros. Soit plus de 30% du Produit Intérieur Brut des Etats-Unis.

 

LES GILETS JAUNES

Quelle peut être la place des revendications des Gilets Jaunes dans un tel système en crise ? Alors que « les réformes » macronistes visent à presser le citron au maximum, à démanteler les services publics pour alléger le déficit budgétaire de l'Etat, que va faire celui-ci ? Il ne peut que lâcher du lest – ou faire mine de le faire - sous la pression populaire. Tant pis pour la Dette, les sacro-saints 3% de déficit autorisé...

Le combat ne peut qu'être féroce. Et la victoire se doit d'être totale, sans pitié.

Car il serait naïf de croire qu'on ne reprendra pas d'une main ce qu'on aura donné de l'autre dès que le rapport de forces le permettra.

Jamais, à l'intérieur du système tel qu'il est, le capitalisme financier ne lâchera ne serait-ce qu'une miette.

Il est bien trop fragile, condamné à une expasion permanente, à une exploitation toujours plus sévère des individus, sous peine d'une culbute mortifère.

Acculé le Pouvoir qu'il représente, n'aura d'autre choix qu' une répression féroce ou voir au bout du compte, la victoire d'une Révolution dont l'objectif serait la satisfaction des besoins et non plus la recherche du Profit. Mais les Gilets Jaunes sont -ils porteurs d'un tel changement de société ?

Ceux qui croient en un réformisme possible se trompe d'époque.

 

  1. « Macron, candidat critique des règles financières nées après la crise » Le Parisien 11/04/2017.

  2. https://blogs.mediapart.fr/patrick.../documentaire-du-fer-la-finance-lempire-wendel

    Où l'on en voit certains qui ont su prendre le virage avec succès !


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