Mais que devient la dette ?
par Stéphane Swann
lundi 31 décembre 2007
Comme tous les ans, la fin de l’année est l’heure des bilans et des prévisions astrologiques... et économiques. Catastrophes annoncées souvent, méthode coué parfois, mais qui n’engagent que ceux qui y croient. Pourtant, il est un sujet, celui de la dette, qui après avoir été mis à tous les piloris de la campagne présidentielle, semble être retombé dans l’oubli au profit du serpent de mer « pouvoir d’achat », gri-gri d’un Etat tantôt oligarchique, tantôt ochlocratique, suivant ce qui l’arrange sur le moment. Calme avant la tempête, on peut le penser, tellement la Commission européenne, lasse des atermoiements regarde la France d’un œil scrutateur après s’être vue renvoyée à ses chères études avec une promesse d’équilibre budgétaire pour 2012 et la présentation d’un budget 2008 contradictoire, davantage guidé par la perspective des élections de mars que tout autre considération.
Donc que va-t-il se passer d’après le marc de mon café ?
Tout d’abord un retour sur la situation :
- la dette française au sens de Maastricht, représente 65,9 % du PIB à fin septembre soit environ 1 220 milliards d’euros (on aura noté au passage que suivant les dépêches d’agence, celle-ci a été présentée en hausse - absolue - ou en baisse - relative -) ;
- le déficit budgétaire prévisionnel est d’environ 40 milliards d’euros ;
- les intérêts de la dette également d’environ 40 milliards d’euros (cette compensation est quand même instructive par le fait que sans dette le budget de la France serait à l’équilibre, pourrait se contenter d’une croissance molle et donnerait de quoi faire mentir les misérabilistes qui présentent l’économie française comme un marasme complet) ;
- la fiscalité représente en 2005, 45,8 % du PIB, dans le peloton de tête de l’Europe des 27, mais moins que la Suède (52,1 %) et le Danemark (51,2 %), champions du modèle scandinave si souvent cités en exemple. De là à penser que l’idée reçue qui consiste à opposer la fiscalité élevée et la bonne gestion soit encore un gri-gri, il n’y a qu’un pas, qu’il serait trop simpliste de franchir car comparer les fiscalités sans comparer les services n’a pas de sens, mais je crois utile d’avoir cette idée en tête.
Dans ces conditions, par quel miracle l’équilibre budgétaire et les conditions du pacte de stabilité (dette inférieure à 60 % du PIB) seront-ils rétablis en 2012.
- Par la croissance ? Un bref calcul nous montre qu’il faudrait environ 3 % de croissance sur les cinq ans à venir pour atteindre cet objectif. Tous les observateurs, même les plus conservateurs disent que c’est impossible.
- Par la rigueur ? Les marges de manœuvre budgétaires sont très réduites et au contraire l’éducation, la recherche, la justice auraient besoin d’une stimulation franche plutôt que des affectations de colmatage dont elles sont l’objet depuis des années. Peu probable.
- Par la réforme de l’Etat ? Il faut comprendre la baisse du nombre de fonctionnaires. La charge des salaires représente dans le budget 2007, environ 119 milliards d’euros. Quand bien même, le nombre de fonctionnaires diminuerait sur la législature ne serait-ce que de 10 %, la charge budgétaire serait au mieux constante car la diminution serait compensée par les hausses de salaire bien légitimes auxquelles peuvent prétendre les salariés de la fonction publique. De plus, le temps efficace de la réforme de l’Etat n’est pas celui d’une législature, mais probablement de plusieurs décennies.
Donc, même en mélangeant un peu tout ça, au mieux on atteint la discipline budgétaire qui limiterait l’aggravation de la dette. Il est donc clair que dans l’esprit du gouvernement, la solution est ailleurs. Que lui reste-t-il ?
- La dévaluation : impossible, l’instrument monétaire échappe au contrôle de l’Etat, et ne serait pas justifiée par la situation réelle de l’économie.
- La liquidation du patrimoine : la valeur nette du patrimoine de la nation (hors ménage) est en 2006 d’environ 3 000 milliards d’euros dont 1 300 pour les sociétés non financières et 700 pour les sociétés financières. Il y a donc là une manne tentante. Quand on sait par exemple que EDF pèse aujourd’hui en bourse environ 150 milliards d’euros et que l’Etat en détient encore environ 85 % (125 milliards d’euros), on peut imaginer que cette situation n’est que toute transitoire. Il y a donc à n’en pas douter une piste sérieuse du côté du patrimoine pour diminuer la pression de la dette, mais ces ressources n’étant pas non plus illimitées, elles ne serviront, on peut le supposer, que comme curseur d’ajustement.
- La fiscalité : à n’en pas douter, suivant le vieux principe, qui consiste à prendre d’une main ce qu’il donne de l’autre, c’est sur cette piste que penche le plus sérieusement le gouvernement :
- une augmentation de 20 % de la TVA (4 points, le taux passant à 24 %) induirait une recette supplémentaire de 25 milliards d’euros pour 2007. La TVA « sociale » est déjà dans tous les esprits suivant la bonne recette du « préparons le terrain » ;
- une augmentation de 10 % de l’impôt sur les sociétés apporterait une recette supplémentaire de 5 milliards d’euros pour 2007. On réinterprétera mieux à la lumière de cette possibilité la fronde faite contre les trente-cinq heures qui permettrait d’alléger les entreprises de la surcote de 25 % due aux heures supplémentaires, cadeau qui sera réinvesti aussitôt dans l’impôt sur les sociétés, payé en réalité par les salariés qui auront gentiment rendu les 25 % à leur patron pour que celui-ci puisse payer son impôt.
- une augmentation de 20 % de la TVA (4 points, le taux passant à 24 %) induirait une recette supplémentaire de 25 milliards d’euros pour 2007. La TVA « sociale » est déjà dans tous les esprits suivant la bonne recette du « préparons le terrain » ;
Voici donc les prévisions que l’on peut faire pour 2008 :
- le gouvernement va liquider une partie du patrimoine, au premier rang duquel EDF, dont on doit pouvoir parier sur une mise sur le marché à hauteur de 20 à 30 % ;
- le gouvernement va augmenter la TVA d’une manière significative ;
- le gouvernement va augmenter l’impôt sur les sociétés tout en préservant leur rentabilité actuelle en faisant payer le surcoût par les heures supplémentaires non surcotées.
Espérons, que comme les prévisions de Madame Soleil, ceci ne soit que pure fantaisie, mais ce serait oublier que la droite, la vieille droite est bien de retour...
Les chiffres sont issus des données économiques de l’Insee.