Malaise dans la civilisation banlieue

par Sander Rose
vendredi 1er février 2008

Quartiers défavorisés et jeunes de banlieue en grande difficulté : une politique spécifique ?

On ne peut réduire le travail à la seule sphère économique.
La finalité humaine des sociétés ne doit pas être oubliée.
Penser la personne dans sa globalité sociale, familiale, culturelle, environnementale, est une responsabilité sociale collective.

Un écosystème est un groupe de communautés biologiques qui se partagent un milieu physique. L’air, la terre, l’eau et les organismes vivants, y compris les êtres humains, interagissent pour former un écosystème. Par analogie, lorsque les organisations sociales ne parviennent plus à maintenir des échanges interrelationnels équitables et accentuent les disparités entre les communautés d’individus, le tissu social se désagrège à la manière d’un sol défriché qui se dégrade par érosion et drainage de ses éléments nutritifs.

L’expansion économique à une échelle mondiale ne permet pas de justifier à elle seule les ravages et les modifications parfois irréversibles dans le tissu social et son corollaire, le tissu environnemental.
Développement durable commence par charité bien ordonnée. A trop confondre ouverture au monde et mise à nu des fondations d’une communauté humaine, comme on arrache des haies, des arbustes, des arbres pour voir plus loin... on aboutit à son résultat opposé. L’anéantissement de milieux de vie, la désolation, la précarisation, la nomadisation de populations, l’écoulement anarchique de flux humains déracinés, la marginalisation et la colère.

On ne peut continuer à déstructurer sciemment des organisations sociétales millénaires, sans se soucier d’en anticiper les conséquences. Face à cet expansionnisme économique planétaire qui explose toutes les frontières naturelles, et contribue à raréfier et distendre des liens sociaux lentement construits et librement consentis, la finalité humaine des sociétés ne doit pas être niée, oubliée.

Ce phénomène est d’autant plus difficile à endiguer, qu’il s’accompagne d’une dilution du pouvoir et des responsabilités, assortie d’un éclatement des communautés de vie, du cœur organisationnel et des lieux de décision.

Il faut remettre des repères, des talus, du sens, là où la désintégration humaine se fait le plus cruellement sentir.

Aujourd’hui, des quartiers dits « sensibles », généralement situés en banlieue, sont en situation insurrectionnelle. En passe de devenir des cités interdites, elles concentrent une masse de jeunes inactifs en recherche d’un élan vital, d’un projet collectif qui leur redonne une identité et une visibilité sociale, autre que l’ombre des cages d’escalier ou des caves. Des jeunes, en recherche de reconnaissance et de projets professionnels qui leur offrent d’autres alternatives d’intégration que les marchés parallèles et la culture de paradis artificiels.

Pour que les tensions sociales se traduisent en forces positives et dynamiques d’évolution, il faudrait :

Agir en profondeur mais rapidement, avant que cette érosion sociale ne soit irréversible. Redonner souffle et sens au terrain urbain dévasté, enclavé ; retisser du lien et des identités collectives là où les stratégies de développement classiques n’ont su répondre ; mettre en œuvre de vastes programmes de lutte contre la désintégration sociale, là où le potentiel humain existe, grouillant d’énergies inemployées qui ne demandent qu’à se révéler.

Innerver au plus vite des circuits de micro-économie, réinjecter et impulser de nouveaux échanges de services salariés (fondés sur des modes de gestion intégratifs ou participatifs...), « polliniser » des structures et des laboratoires actifs d’intégration.

Favoriser l’esprit d’entreprise, l’installation de commerces de proximité, de l’artisanat, la création de pme-pmi, de services publics locaux, d’agences d’emploi et de formation accompagnatrices des besoins, le développement des écoles et de lieux culturels, la construction de logements à prix accessibles dans le cadre d’un urbanisme à visage humain.

Tendre à une plus grande égalité des chances et une moindre discrimination, en favorisant et démocratisant l’accès à l’informatique, au multimédia, à internet.

Et envisager une « Ere de grands travaux » pour une banlieue qui marche dans la lumière, avec toutes ses forces vives et sa jeunesse en étendard.

Une banlieue porteuse d’avenir et d’espoirs, dans une communauté ouverte à l’infini de l’altérité, en quête d’un sens commun, au cœur même de la différence.

Une banlieue devenue force de proposition et actrice de la reconstruction du maillage social et économique de son territoire.


Lire l'article complet, et les commentaires