Mettre les vieux à la porte ?

par Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral
samedi 16 octobre 2010

La conception malthusienne du travail n’induirait t-elle pas les manifestants lycéens en erreur ?

Mettre les vieux à la porte ?

Les "jeunes" sont entrés dans le cycle de manifestation avec la croyance suivante : "la réforme des retraites va accentuer le chômage des jeunes". Dans quelle mesure la réalité infirme ou confirme cette idée ?

Il y a en France 63 millions d’habitants, d’après l’INSEE. Toujours d’après l’INSEE, 53,7% des français ont entre 20 et 60 ans. Ils sont donc 33,8 millions de français entre 20 et 60 ans.
L’INSEE nous apprend encore qu’il y avait 25,9 millions d’emplois en France en 2009 (dont 7,5 dans les fonctions publiques).
Si on regarde par tranche d’age, 32% des 15-24 ans ont un emploi, 83% des 25-54 ans ont un emploi, et 38% des emplois ont un emploi.

Comparons avec nos voisins : nous avons un taux d’emploi de 65,2%, principalement à cause du faible taux d’emploi des jeunes et des plus de 54 ans. l’Allemagne est à 70%, le Royaume Uni à 71%, la Suède à 74% mais l’Italie à 58% et l’Espagne à 64%.

Est ce que les pays qui font plus travailler leurs vieux ont un plus fort taux de chômage, des jeunes notamment ? Non.
Si on prend l’Allemagne (70% de taux d’emploi contre 65% en France), on était à 7,3% de taux de chômage en 2008, contre 7,8% en France. Pourtant, 53% des 55-64 ans étaient en emploi en 2008, et 47% des 15-24 ans, contre seulement 38% des seniors français et 34% des jeunes. En résumé, mettre les vieux à la porte des entreprises n’améliore pas la situation des jeunes.


La réforme des retraites n’a pas de raison d’accentuer le chômage des jeunes. Rallonger le temps de travail des vieux ne donnera ni plus ni moins d’emplois pour les jeunes. Les pré-retraites ont été massivement utilisées en France durant les années 90, dans les grandes entreprises industrielles notamment, sans que cela ne crée d’emplois.

Certes, un taux de chômage de 9,7% en France en 2010 (le même taux qu’en 1999) a de quoi inquiéter, mais si les jeunes sont au chômage en France plus que chez nos voisins, c’est pour des raisons qui ont déjà été identifiées. Elles sont au nombre de trois.

le culte du diplôme, qui pousse les employeurs y compris et surtout la fonction publique à prendre des Bac +5, dévalorisés, pour faire des boulots non qualifiés.

l’existence du SMIC et des autres rigidités, qui privilégient le coeur du marché de l’emploi (les hommes de 30 à 50 ans, Bac +2 à Bac +5, fonctionnaires du privé (employés du CAC 40) ou du public (sociétés nationalisées et administrations) de préférence blanc, syndiqué, non handicapé même léger. Tous les autres, par contrecoup, subissent la flexibilité : aux femmes le temps partiel ou des salaires plus bas que ceux de leurs homologues masculins à boulot égal voire supérieur, aux handicapés le chômage même s’ils coutent moins chers, aux jeunes le chomage même s’ils sont expérimentés du fait de stages.

les choix personnels, absolument pas en adéquation avec les offres d’emplois non pourvus ou même les besoins de l’économie si la France voulait rattraper l’Allemagne.
Les jeunes rêvent d’etre  : acteur, journaliste, ambassadeur, chanteur, pilote de ligne, vétérinaire, infirmier ... et s’engagent dans des études pour cela :

source des chiffres : Atlas Transmanche de l’Université de Caen.

Si on prend les stricts besoins des employeurs, c’est moins de diplômés de sciences humaines et sociales ou de STAPS que de boulangers ou de plombiers dont ils ont besoin. Le problème est que les jeunes ressentent comme une insulte le fait de se voir conseiller de faire des études de plomberie ou de boulangerie, surtout s’ils sont de background CSP - . Il faut dire que la République leur a tellement vendu le droit à la "gratuité" des études ... Ces mêmes personnes se plaindront ensuite de la baguette à 1 euro ou de la directive Bolkestein !

Donc, si les jeunes manifestants ne devaient retenir qu’une seule chose, ca serait ceci : en soutenant les revendications hédonistes de vos ainés soixantuitards, vous vous tirez une balle dans le pied.

Vous n’êtes pas en train de manifester pour la préservation de votre retraite, mais pour le droit aux papy boomers à vous passer une corde fiscale au cou, avec droit illimité de serrer pour faire tomber les retraites. Et ce faisant, vous contribuez à dualiser le marché de l’emploi. Les entreprises ne recrutent pas parce qu’il est difficile et couteux de licencier. Et les PME type Google ou Apple, qui devraient remplacer Molex ou DCNS n’émergent pas, car ce ne sont pas des politiciens qui peuvent décider de créer des entreprises de rupture pareilles. Interrogez vos députés, vos ministres. En général ce sont des personnes intelligentes et brillantes, qui ont en plus accès à des banquiers. Demandez leurs combien ont  :

- rempli un formulaire M0

- rempli une DADS

- reçu un K-Bis à leur nom

- convaincu un banquier d’ouvrir un compte en banque pour une société qui n’existe pas encore

- discuté d’un business plan avec des investisseurs, que ce soient leurs parents, leurs amis ou des capitaux risqueurs

- travaillé pour financer leurs études

Les réponses à ces questions vous feront prendre conscience que les hommes et femmes politiques français ne créent pas d’emplois, ne savent pas en créer et au mieux sont juste bons à ne pas contribuer à en détruire plus. Alors, qui faut-il mettre à la porte ?


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