Musique en ligne : Majors 3 - Consommateurs 0

par TrIpTIC
mardi 2 février 2010

Alors que dans le but de rentabiliser « l’industrie » musicale, la mission Création et Internet propose de faire cofinancer par l’Etat une "carte musique" de paiement en ligne pour les 15-24 ans ; une cour d’appel américaine vient de réactiver une plainte de 2006 déposée contre les principales majors du disque pour entente sur les prix. Parallèlement, « la fameuse HADOPI a désormais un visage » et les internautes risquent désormais de se voir réellement sanctionner quant aux téléchargements illégaux. Chronique d’un monde où tous les coups sont permis…

Depuis quelques temps maintenant, il n’est pas rare d’entendre que l’industrie musicale se porte mal mais la réalité est toute autre. Les SACEM nationales n’ont jamais récolté autant d’argent que ces dernières années. Pour prendre l’exemple des Etats-Unis, le chiffre d’affaires collecté au bénéfice des auteurs, compositeurs et éditeurs a presque doublé en dix ans.

Seuls les revenus de la musique enregistrée diminuent avec le temps. Tous les autres revenus, en particulier ceux liés aux licences d’exploitation pour la radiodiffusion et la télévision, explosent. Avec la multiplication des médias numériques (télévision par câble, par satellite, sites Internet, webradios...), il n’y a jamais eu autant de diffuseurs et donc de payeurs qu’aujourd’hui. La crise du disque est en fait largement compensée par la croissance des nouveaux médias.

Inversement, pour les consommateurs, les budgets consacrés à la musique n’ont pas diminué, bien au contraire. Alors que certains prix ont beaucoup augmenté (places de concerts), certains autres semblent rester anormalement élevés.

Prenons l’exemple de la musique en ligne : les prix pratiqués n’ont finalement que peu diminué par rapport au cd alors que les coûts de diffusion ne sont plus du tout les mêmes. Avec la numérisation des catalogues, plus de coût de support, plus de coût de stockage, plus de coût du linéaire… mais toujours le même prix de vente. Aujourd’hui, tous les acteurs semblent s’accorder sur un prix de vente qui se situe autour des 99cts. C’est sûrement d’ailleurs pour cette raison que la justice américaine a décidé de rouvrir une enquête sur une possible entente sur les prix entre les majors. Alors qu’en est-il vraiment ?

Si on analyse plus précisément le marché, il semble assez évident que la collusion est une possibilité à envisager. En France, le GR4 du secteur (représentant la part de marché des 4 entreprises les plus importantes) est d’environ 75% ; le marché est donc très concentré. Ajoutons à cela une certaine homogénéité des biens et une demande plutôt prévisible et on voit rapidement que le marché a un fort potentiel collusif. Il en est bien sûr de même outre Atlantique…

Malgré tout, les maisons de disque se défendent de pratiquer de telles ententes et justifient principalement les prix par deux types d’arguments.

Selon elles, et c’est là le premier argument, ils résulteraient tout simplement de l’adéquation entre l’offre et la demande du marché. Elles admettent donc par la même occasion que la demande est suffisante pour le prix proposé. Mieux, depuis l’année dernière, une bonne partie des fichiers les plus téléchargés sur Itunes est passée de 0,99 euros à 1,29 euros, supposant par la même une demande trop élevée au prix précédemment pratiqué. Il semble alors nécessaire de se demander pourquoi mettre en œuvre des actions publiques pour soutenir l’achat de la musique en ligne dans un contexte budgétaire déjà difficile. Demander aux pouvoirs publics de supporter une augmentation des prix de 30% mise en place dans l’année précédant la mesure peut sembler assez incohérent du point de vue du consommateur.

J’en viens maintenant au deuxième argument. Lorsqu’on demande à ces mêmes maisons si une baisse de prix est envisageable, elles rejettent volontiers la faute sur Apple qui avec Itunes, plateforme leader de vente de musique en ligne, imposerait des prix planchers pour accepter les catalogues. Il ne serait en effet pas étonnant qu’Apple profite de sa position dominante, à la fois sur le marché des plateformes de vente mais aussi sur celui des baladeurs numériques. Le bénéfice du doute est donc accordé.

Cependant, il semble qu’il y ait un problème quelque soit le cas envisagé. Soit les prix viennent d’un comportement collusif de la part des majors et cette attitude doit être sanctionnée ; soit Apple abuse de sa position dominante et les autorités compétentes se doivent aussi d’intervenir.

En attendant, l’acheteur paye plus qu’il ne devrait et les majors sentent que le vent risque de tourner. La solution est néanmoins toute trouvée : obliger le consommateur à payer indirectement le prix indiqué par l’intermédiaire et de ses impôts et du renforcement de la législation pour lutter contre le téléchargement. En regardant à deux fois, c’est bientôt le gouvernement qui va être attaqué pour comportement collusif. Ou pas…


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