Non, l’investisseur n’est pas rassuré

par karl eychenne
samedi 6 juillet 2019

Quelques signes de nervosité sur les marchés d’actions ? Vite, annonçons la trêve monétaire et commerciale jusqu’à nouvel ordre. Les investisseurs se ruent alors sur la bonne nouvelle, enfin pas tout à fait puisque le rebond des actions semble bien décevant.

Les marchés d’actions américain et euro sont en hausse de près de 7 % depuis début juin. À l’origine de ce mouvement, deux messages encourageants pour l’investisseur :

Un rebond des marchés d’actions décevant

Au cours des deux derniers mois, les marchés d’actions se sont donc appréciés de seulement 2 %. Pendant ce temps, les taux à 10 ans ont perdu près de -0,50 %, passant de 2,5 % à 2 % aux Etats – Unis et de 0,1 % à -0,4 % en Allemagne. Or, une telle baisse des taux aurait pu théoriquement provoquer une hausse de près de 15 % du marché d’actions euro, et de 25 % aux Etats – Unis !

En effet, le taux d’intérêt agit théoriquement comme une force de rappel sur le prix d’une action : plus le taux est élevé, plus le coût de financement d’un investissement est élevé pour l’entreprise, et donc plus le prix théorique de l’action est censé être faible. Dans le cas ici présent, le taux très faible justifierait donc un prix d’action plus élevé.

Mais dans quelles proportions ? Sans entrer dans les détails, il est possible de déduire l’impact d’une variation des taux sur la performance des actions : cet impact est égal à l’inverse du rendement du dividende (prix divisé par dividende) qui est de 1,9 % aux Etats – Unis et de 3,5 % en zone euro. On obtient alors qu’une baisse de 1 % des taux provoquerait théoriquement une hausse de près de 50 % du marché d’actions américain (1/1.9 %) et de près de 30 % du marché euro (1/3.5 %).

Les marchés d’actions auraient donc dû s’apprécier bien davantage compte tenu des baisses de taux observées sur la période. À moins que parallèlement, un autre effet vienne limiter l’effet favorable des taux ? Deux solutions sont possibles pour expliquer la retenue des marchés d’actions : une révision baissière des bénéfices, une remontée de la prime de risque.

Les bénéfices anticipés ne semblent pas être l’explication

Mais de quelles anticipations parle-t-on ? Celles sur les 12 prochains mois, à 3-5 ans, ou à plus long terme ?

Une remontée de la prime de risque exigée par l’investisseur

Le moral des investisseurs s’est-il finalement dégradé malgré les messages apaisants ? Il existe un indicateur permettant de mesurer l’évolution de ce moral : la prime de risque. Une prime élevée signifie que l’investisseur devient de plus en plus exigeant pour accepter d’acheter une action au rendement élevé mais incertain, plutôt qu’un emprunt d’Etat au rendement plus faible mais certain.

La prime de risque dans le lit de Procuste

Procuste était un brigand de la mythologie grecque qui, étendant les voyageurs sur un lit trop court, leur coupait la partie du corps qui dépassait. Il est souvent adressé cette critique à la prime de risque, car la produire impose de faire rentrer toutes les « subtilités » de l’investisseur dans un cadre formel rigide proposé par le choix d’un modèle de valorisation particulier. Autrement dit, il existe autant de primes de risques que de choix de modèles de valorisation. Pire encore, les modèles standards retenus ne seraient même pas les bons, puisqu’en les travaillant un peu ils produisent des anomalies dont on a peine à se défaire.

Alors quel crédit donner à notre hausse présumée de la prime de risque ? Puisqu’il existe plusieurs méthodes pour produire la prime de risque, une solution consiste à en retenir un certain nombre suffisamment différenciées, et de les comparer : en faisant cela, certes les niveaux obtenus varient, mais pas les mouvements obtenus : on obtient bien une remontée des primes de risque depuis le début de l’année, et notamment au cours des deux derniers mois.

L’investisseur ne semble donc pas convaincu par les messages récents apaisants qui lui sont parvenus de la part des Banques Centrales et de Donald Trump.


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