Obama au pays des « portes tournantes » de la Haute Finance Américaine

par ploutopia
mercredi 15 avril 2009

Afin de bien comprendre le marasme dans lequel est embourbé OBAMA, il est important de bien se documenter sur quelques lois et personnages clés du monde financier et fédéral. Un petit tour sur Wikipédia devrait éclairer nos lanternes. Après quoi nous exposerons les points de vue de James ROBERTSON et Noam CHOMSKY sur la situation d’OBAMA. Nous clôturerons enfin par une petite recette de sortie de crise en 7 points et un parallélisme avec ROOSVELT et la crise de 1929.

A) Tout d’abord les lois importantes du monde financier

1) Commençons par le fameux Glass-Steagall Act

En 1933, suite à la crise de 1929 et sous la pression de ROOSEVELT, les Etats-Unis instaurent le Glass-Steagall Act, aussi connu sous le nom « Banking Act ». Acte qui consistait à séparer banque de dépôt et banque d’investissement. Battu en brèche depuis le milieu des années 1970 et largement contourné par l’ensemble de la profession bancaire, il a finalement été abrogé le 12 novembre 1999 par le Financial Services Modernization Act, dit Gramm-Leach-Bliley Act.

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a été créé par le Glass-Steagall Act de 1933. Son rôle consistait essentiellement à assurer les dépôts des particuliers dans les banques et institutions d’épargne et à limiter l’effet de faillite d’une institution financière sur l’économie et le système financier.

2) Poursuivons par le Financial Services Modernization Act (FSMA)

Le Gramm-Leach-Bliley Act Financial Services Modernization Act de 1999 est une loi américaine votée par le Congrès, dominé par une majorité républicaine, et promulguée par l’administration Clinton le 12 novembre 1999. Elle met en place des services de banques universelles, c’est-à-dire qui assurent aussi bien les services d’une banque de dépôt que d’une banque d’investissement et qu’une compagnie d’assurance. La loi a par exemple permis la fusion de Citibank avec la compagnie d’assurances Travelers Group, afin de former le conglomérat Citigroup, l’un des plus importants groupes de services financiers au monde.

3) Terminons par le Commodity Futures Modernization Act (CFMA)

Le Commodity Futures Modernization Act (CFMA) de 2000 a abrogé le Shad-Johnson jurisdictional accord qui, depuis 1982 interdisait les « single stock futures » et les « narrow based indices ». Le CFMA a par ailleurs interdit toute réglementation des « credit default swaps » offerts par les banques comme « futures contracts ». Cet acte a fait jurisprudence pour la banqueroute d’Enron en 2001 et pour la crise de liquidité de septembre 2008 qui a mené à la faillite de Lehman Brothers…

B) Ensuite, les personnes clés du monde financier & gouvernemental

1) Robert RUBIN

De 1995 à 1999, Robert RUBIN est secrétaire d’Etat au Trésor sous l’administration CLINTON. Avant cela, il a passé 26 ans chez Goldman Sach. Une petite lecture de l’histoire de Goldman Sach, l’une des banques d’investissement parmi les plus anciennes et prestigieuses de la planète, est assez édifiante. Une histoire digne de Fortis dans laquelle on a vite fait d’assimiler Maurice LIPPENS à Robert RUBIN, sauf que Maurice n’est pas devenu secrétaire au Trésor Belge. Après avoir tenu ce poste gouvernemental jusqu’en juillet 1999, Robert est devenu Directeur et conseillé principal de Citigroup. Tiens donc ? Juillet 1999, c’est justement 3 mois avant l’application de la FSMA qui a permis la fusion constitutive de Citigroup. Malheureusement pour Robert, comme pour Maurice d’ailleurs, les choses ont tourné au vinaigre et il a dû donner sa démission en janvier 2009. Robert a fait une grosse boulette, il fallait qu’il parte… mais il a tout de même récolté plus de 126 millions de dollars (selon Wikipédia) pour ces bons et loyaux services durant 8 ans chez Citigroup. Un petit tour sur l’histoire de Citigroup est aussi assez intéressant.

2) Larry SUMMERS

Du 2 juillet 1999 au 22 janvier 2001 Larry SUMMERS succède à Robert RUBIN au poste de secrétaire d’Etat au trésor. Larry est aussi promu directeur du National Economic Council chargé de conseiller le gouvernement OBAMA sur toutes les affaires économiques y compris concernant les plans de sauvetage bancaire. Larry a également exercé le prestigieux poste de Chief Economist (le titre complet est Senior Vice President, Development Economics, and Chief Economist) à la banque mondiale jusqu’en 1993. Il est aussi l’homme de la très controversée affirmation vis-à-vis de l’expédition de déchets toxiques en Afrique : « I think the economic logic behind dumping a load of toxic waste in the lowest wage country is impeccable and we should face up to that . . . I’ve always thought that under-populated countries in Africa are vastly underpolluted. » Larry est également un grand admirateur de Milton Friedman, figure de proue du libéralisme débridé, fondateur du NAIRU et anti-keynésien. Larry SUMMERS en a d’ailleurs fait l’éloge sous ces termes : « while Friedman made real contributions to monetary policy, his real contribution was in convincing people of the importance of allowing free markets to operate. »

Mais Larry SUMMERS est surtout l’homme qui a soutenu le CFMA, cette fameuse loi qui abrogeait le Shad-Johnson jurisdictional accord et qui stipulait que ce que l’on appelle communément les dérivés négociés hors bourse, comme les swaps sur défaillance en cause dans le désastre des assurances de AIG (que Warren Buffett a déjà qualifiés d’armes de destruction financière massive), ne soient pas réglementés par le gouvernement.

Larry fait aussi l’objet de récentes polémiques sur ses émoluments provenant d’organismes financiers ayant fait l’objet d’aides gouvernementales.

Interrogations autour des rémunérations passées de Larry Summers, en provenance d’organismes financiers

Larry Summers a effectué quarante discours payés dont un pour la banque d’affaires Goldman Sachs pour lequel il s’est vu verser 135 000 dollars.

Larry Summers à reçu des millions de dollars comme directeur d’un Hedge Fund

Summers a reçu 5,2 millions de dollars (3,85 millions d’euros) du groupe D.E. Shaw. Il est apparu contre rémunération devant des institutions comme JP Morgan, Citigroup, Goldman Sachs et Lehman Brothers. Au total, Summers aurait touché 2,7 millions de dollars (2 millions d’euros) pour une quarantaine de conférences devant diverses organisations et sociétés, parmi lesquelles des banques et institutions financières.

3) Henry PAULSON

Du 3 juillet 2006 au 20 janvier 2009 Henry PAULSON est secrétaire d’Etat au Trésor sous l’administration BUSH. Henry PAULSON est membre du conseil des gouverneurs du FMI. Il est entré chez Goldman Sachs en 1974 où il a fini par être nommé président et directeur en 1999 suite à l’IPO de Goldman Sach pour son propre compte dans le but d’offrir des parts boursières au public. Mais la part détenue par le public ne s’éleva pour finir qu’à 12% de la banque. Vu sous cet angle, le plan PAULSON de sauvetage des banques pour 700 milliards de dollars est certainement plus compréhensible. D’autant que Goldman Sach fait partie des « Big Five » du monde bancaire et financier faisant la pluie et le beau temps au États-Unis. En 2008, à propos de la crise financière globale, le Time magazine titrait : « s’il fallait associer un visage à la débâcle financière actuelle, celui de Paulson ferait certainement partie du choix » (ndlr : traduction approximative et adaptée de la page Henry PAULSON sur le wiki anglais).

4) Timothy GEITHNER

9 ème président de la “Federal Reserve Bank of New-York” (qui n’a de fédéral que le nom) du 17 novembre 2003 au 26 janvier 2009, assistant de Larry SUMMERS sous l’administration CLINTON, Timothy GEITHNER est l’actuel secrétaire d’État au Trésor.

Il est maintenant temps de lire Le « terrible secret » de Tim Geithner

Extrait : « M. Geithner ne souhaite pas que le public comprenne son petit secret, soit que l’abrogation de la loi Glass-Steagall et l’adoption du CFMA en 2000 ont permis la création d’une petite poignée de banques qui allaient pratiquement monopoliser des pans importants des activités hors bilan mondiales ou l’émission des dérivés hors bourse. »

Confirmation des dires de l’article sur lexinter.net : L’offre de dérivés est concentrée sur un nombre très limité de teneurs de marché. Aux Etats Unis 80 % de l’activité est concentrée entre JP Morgan Chase, Citigroup et Bank of America.

Maintenant que nous avons fait le tour, ajoutons également, toujours d’après wikipédia, que Goldman Sachs a été le second plus important donneur au financement de la campagne électorale d’OBAMA.

C) Comment OBAMA pourrait-il s’en sortir sans se faire bouffer tout cru ? Comme le dit si bien James ROBERTSON dans sa dernière newsletter, le problème d’OBAMA, comme pour le premier ministre Gordon BROWN, c’est qu’il est isolé de la réalité par des conseillés issus d’écoles de formation d’experts financiers conventionnels (3 des 4 secrétaires au Trésor cités ci-dessus sortent d’Harvard - ndlr) qui ne se sont jamais posé la question de savoir s’il est normal de dépendre de banques commerciales privées pour l’approvisionnement monétaire public.

Comme l’a également très bien exprimé Noam CHOMSKY dans un entretien oral repris sous le titre « Et après cela ? Les élections, l’économie et le monde » : « … La première question que le gouvernement va devoir affronter, c’est que faire à propos de la crise financière. Les choix d’Obama pour gérer plus ou moins cette affaire ont été Robert Rubin et Larry Summers, anciens secrétaires au Trésor sous Clinton. Ils font partie des gens substantiellement responsables de la crise. Un économiste éminent, l’un des rares économistes à avoir eu raison d’un bout à l’autre en prédisant ce qui est arrivé, Dean Baker, a fait remarquer que les avoir choisis équivalait à choisir Osama Bin Laden pour gérer la guerre contre le terrorisme. »

« …Le but de la publicité est de créer des consommateurs non informés qui feront des choix irrationnels. Ceux d’entre vous qui ont souffert en raison du cours de l’économie savent que les marchés sont censés s’appuyer sur des consommateurs informés opérant des choix rationnels. Mais l’industrie dépense des centaines de millions de dollars par an pour saper les marchés et pour faire en sorte, vous le savez, d’avoir des consommateurs non informés qui feront des choix irrationnels. »

« …Et quand ils passent à la vente d’un candidat, ils font la même chose. Ils veulent des consommateurs non informés, vous savez, des électeurs non informés qui feront des choix irrationnels reposant sur le succès d’une illusion, sur la calomnie, sur l’efficacité du langage corporel ou sur tout ce qui est censé avoir de l’importance. Ainsi, vous savez la démocratie à peu près de la même façon que vous savez les marchés. Telle est la nature d’une élection quand elle est dirigée par le monde des affaires.(…) Vous pouvez ainsi en déduire que « la marque Obama » sera tout ce qu’ils auront décidé, et non ce que la population a décidé »

Toute cette histoire me fait étrangement penser au pays des « portes tournantes » entre la Food and Drug Administration (FDA) et Monsanto, dénoncé par Marie-Monique ROBIN dans son enquête « le monde selon Monsanto ». A propos de Monsanto, il est intéressant de noter que l’actuel ministre de l’agriculture, Tom VISLACK est un ardent défenseur des biotechnologies et notamment de Monsanto. Peut-être est-ce dû au fait que Michael TAYLOR, ancien avocat de Monsanto, faisait partie de l’équipe de transition de Barack OBAMA ? Mais je me fais certainement un film à moi tout seul. Source : Organic Consumer.

D) Recette de sortie de crise en 7 points La recette de sortie de crise est simple :

1) Remise en application de la loi Glass-Steagall (séparer banque d’investissement et banque de dépôt)

2) Annulation du Commodity Futures Modernization Act de 2000 (création de produits financiers douteux, voir « toxiques » : ABS, CDO, Hedge Funds, SIV et consorts)

3) Interdiction de la pratique des titrisations qui fini par la formation d’une usine à gaz sans fondements (actifs « toxiques » - Cfr. point 3 de l’article Petit lexique financier pour novice)

4) Taxation de toutes transactions financières à destination de paradis fiscaux

5) Traçabilité complète et transparente des produits financiers

6) Mise sous tutelle, démantèlement public et épuration des banques insolvables

7) Traduction en justice des grands gestionnaires maffieux (RUBIN, SUMMERS, PAULSON & GEITHNER) suite à leurs pratiques frauduleuses (Cfr. Entretien de William K. Black sur le Bill Moyers Journal)

Pour le point 6, il faut savoir que « Le gouvernement fédéral dispose depuis longtemps de lois pour faire face aux banques insolvables. La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) met la banque sous séquestre et ses actifs et ses passifs sont triés par un audit indépendant. On évince les gestionnaires irresponsables, les actionnaires accusent des pertes et une fois épurée, la banque est finalement divisée en en plus petites unités. Lorsqu’elle est assainie, on la vend au public. Le pouvoir des cinq méga banques de faire chanter le pays en entier serait alors moins grand. » (Cfr. Le « terrible secret » de Timothy Geithner). Mais comme les responsables de la crise sont ceux qui sont aux commandes, le rôle de la FDIC s’est substantiellement modifié. En novembre 2008, la FDIC a par exemple décidé d’assurer une partie des dettes des institutions financières américaines.

Dans la « grande cuisine du monde États-Unis », le chef cuisinier semble être de bonne foi mais il est assisté et il a été promu chef par des fournisseurs véreux.

Si nous ne voulons pas crever de faim, il serait temps de changer de fournisseur et de recette…

L’argent comme la nourriture restent essentiels. Qu’est-ce qui nous empêche d’en produire nous même pour survivre ? Contrôlez l’argent et la nourriture et vous contrôlerez le monde… Nous devons nous réapproprier l’argent et la nourriture…

J’attends avec impatience une future enquête du genre « le monde selon Goldman Sach et Citigroup » ou encore « Voici comment Goldman Sach, Citigroup, JP Morgan Chase et Bank of America, les grands détenteurs des cordons de la bourse mondiale, étranglent le monde » ou encore « Monsanto - Goldman Sach, même combat ? » et pourquoi pas « RUBIN, SUMMERS, PAULSON & GEITHNER, les 4 mousquetaires de la Haute Finance Américaine ».

OBAMA aura-t-il assez de clairvoyance et de courage pour prendre le taureau par les cornes comme ROOSEVELT l’a fait en réponse à la crise de 1929 ?

Cfr. article L’acharnement thérapeutique peut-il nous conduire vers une Grande Dépression ? Junon MONETA sur Europe & Euro

Lire aussi :

* L’effondrement des États-Unis entraîné par la « fraude. » Geithner dissimule l’insolvabilité bancaire par Stephen C. Webster sur Mondialisation.ca

* Money for Nothing par Marc BRAUND sur The Guardian

Banks should be repositories for our wealth – and not be free to create money at will. We should take monetary reform seriously

* Entretien de William K. Black sur le Bill Moyers Journal :

William K. Black suspects that it was more than greed and incompetence that brought down the U.S. financial sector and plunged the economy in recession — it was fraud. And he would know. When it comes to financial shenanigans, William K. Black, the former senior regulator who cracked down on banks during the savings and loan crisis of the 1980s, has seen pretty much everything.


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