Péages ferroviaires : une curieuse conception de la gestion d’une société commerciale

par ÇaDérange
samedi 17 mai 2008

Vous savez que je m’intéresse particulièrement à la manière dont nos hommes politiques essayent depuis des années d’équilibrer les comptes du système ferroviaire français sans y être parvenu et surtout en ayant dans les faits choisi de favoriser la paix sociale à la SNCF et le maintien de tarifs de transport très bas au détriment du contribuable qui paye sans qu’on ose le lui dire. Pour preuve le traitement médiatique triomphant donné aux résultats de la SNCF et l’ignorance accordée par ces mêmes médias à ceux,désastreux, de RFF !!

Les meilleures choses ayant une fin et les caisses de l’Etat étant toujours désespérement vides, la question de faire participer un peu plus la SNCF aux paiements des dettes considérables qu’elle avait accumulées avant 1997 commence à faire surface. Premier signe géré de manière tout à fait catastrophique par le gouvernement, la question de la carte Famille Nombreuse dont le coût sera finalement prelévé sur les dividendes versés par la SNCF qui en diminueront d’autant. Deuxième signe, les rumeurs dans les couloirs gouvernementaux de la question de l’augmentation des péages payés par la SNCF à RFF pour pouvoir circuler sur le réseau ferré. Péages de l’ordre de 2.6 milliards d’euros par an qui sont simplement compensés par une facture en retour du : même montant de la SNCF à RFF pour... faire fonctionner le réseau ! Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire, c’est un peu comme si vous facturiez à votre propriétaire un montant équivalent à votre loyer pour occuper son logement en bon père de famille !!!

Il est évident que si la SNCF payait à RFF le vrai cout de l’entretien et du développement du réseau ferré,elle devrait payer des péages infiniment plus élévés qui aurait un impact sur ses propres résultats qui repasseraient brutalement dans le rouge.

Dans un message du 22 avril 2008, je vous signalais les suggestions de la Cour des Comptes qui a mis son nez dans ce dossier et qui suggérait, pas moins, que l’Etat, donc vous contribuables, remboursiez à RFF 13 milliards d’euros et que le SNCF transfère à RFF le personnel qui assure à la SNCF ce que l’on appelle affreusement les "horairistes", ceux qui assure l’exploitation journalière des passages de train sur du réseau.

Ces jours-ci, c’est au tour du rapporteur du budget des transports à l’Assemblée Nationale, le député UMP Hervé Mariton, de s’exprimer sur la manière de réviser les péages entre RFF et la SNCF. Et ses idées me paraissent monter une curieuse conception de l’exploitation des sociétés commerciales et confirmer le bais constant de nos hommes politiques en faveur de la paix sociale et au détriment de l’équilibre des budgets et de la dette de l’Etat.Trente ans d’habitude, sans doute, des déficits budgétaires...

Monsieur Mariton dans un rapport intitulé " Péages ferrovaires : pour la vérité des couts" plaide pour que les péages ferroviaires, dont il admet qu’ils doivent augmenter pour financer la remise à neuf du réseau, ne subissent qu’une hausse modérée et que, par contre, la SNCF augmente les dividendes qu’elle verse à l’Etat. Il trouve, dit-il, "une logique économique solide" à un telle solution "dans la mesure où elle confie à la SNCF la responsabilité de maximiser son bénéfice d’exploitation, en n’alourdissant pas ses charges d’exploitation". Il est question, en effet, dans les cercles ministériels d’augmenter les péages de... 60 millions par an tous les ans de 2010 à 2014 et déja la SNCF prétend que cela se traduira par la hausse des prix des bllets de 5 à 10 pct et une chute du trafic (1pct de hausse du prix du billet se traduirait par 0.7 pct de fréquentation en moins). La SNCF milite donc pour une hausse limitée à 40 millions d’euros en 2010 puis qui diminuerait ensuite année par année pour devenir nulle en 2014. Par contre, elle adopterait une politique de distibution de dividendes plus active...

Au total paraît-il, cette hausse permettrait de générer pour RFF 1.8 milliards d’euros de disponibilités supplementaires pour investir dans le renouvellement du réseau. Je ne vois pas comment en augmentant les péages de 60 millions par an pendant 4 ans on arriverait à générer 1.8 milliards (60+120+180+240=600). Quand à la contre proposition de la SNCF cela doit faire une augmlentation de péages sur 4 ans de seulement, 40+30+20+10=100 millions. Pas de quoi faire faillite par rapport à un total de péages payés par SNCF à RFF de 2.6 milliards d’euros.

Ce qui me choque c’est que ce marchandage montre bien que personne au sein de nos pouvoirs publics n’a de notion de ce que devrait être un "vrai péage" ni de ce qu’ils devraient être par rapport à la valeur de ces infrastructures, même à un taux de retour sur investissement minimal de 3 pct par exemple. Enfin il semble montrer que, pour nos politiques, nous sommes toujours en économie administrée, comme au plus beau temps de l’Union Soviétique, et pas en économie de marché. Il serait pourtant facile de connaitre la vrai valeur d’un péage ; mettre en adjudication une ligne de TGV comme on aurait pu le faire pour la nouvelle ligne Paris Strasbourg ; ou encore comparer par rapport à ceux payés en Allemagne, Italie ou ailleurs en Europe.

Quant à l’augmentation de 5 à 10 pct des tarifs que provoquerait la hausse de 60 millions sur 2.6 milliards (2.3 pct seulement) ainsi que l’impact d’une hausse sur le trafic (ce qu’on appelle l’élasticité de la demande) je suis étonné que Monsieur le rapporteur puisse gober de telle assertions sans sourciller.

Enfin Monsieur Mariton semble considérer comme acquis que la SNCF pourra augmenter année après année ses dividendes coimme s’il les bénéfices d’une société étaient automatiques et comme si la SNCF n’eprouverait aucune difficulté à maitriser les charges d’exploitaion (salariales en particulier) dans des conditions de hausse des bénéfices d’exploitation. Cette année déjà, les syndicats avaient demandé à bénéficier sous forme d’augmentation à l’équivalent des 130 millions de dividendes distribués à l’Etat. Alors s’ils montaient à 300 ou 400 millions. De qui se moque Monsieur Mariton ? Et quelle ignorance de sa part des fonctionnements économique et financiers !

Enfin, tout le monde semble considérer que hausse des péages se traduit par hausses des tarifs. Que fait on de la hausse de la productivité de la SNCF et que sait on de cette productivité par rapport à ses concurrents. On sait seulement que la Deutsche Bahn est deux fois plus rentable que la SNCF. Voilà un gisement d’économies qui permettrait de payer un "vrai péage " à RFF et de soulager la charge du réseau ferroviaire pour le contribuable.

En résumé les jeux sont déja faits et ce rapport le confirme. On va augmenter très légèrement les péages pour "dire de", la SNCF va continuer à faire les mêmes bénéfices qui seront confisqués par le personnel et vous, contribuable, continuez à payer pour les 27.5 milliards de dettes qui s’accroîtront régulièrement des emprunts à faire pour construire les 2000 kilomètres de TGV supplementaires promis au titre du Grenelle de l’environnement...

NB : Monsieur Mariton propose que pour le Fret qui, comme on le sait est en situation très difficile, on n’applique la hausse des péages qu’à postériori ! Autrement dit, l’Etat fixerait le péage pour équilibrer les comptes du fret ! Q’en penseraient les autorités de la concurrence en France et à Bruxelles ???


Lire l'article complet, et les commentaires