Peugeot peut donc peu ?

par olivier cabanel
jeudi 2 août 2012

Au moment ou 8000 travailleurs de l’entreprise Peugeot sont menacés de perdre leur emploi, il est intéressant de comparer cette situation aux bénéfices engrangés au cours des années par l’entreprise.

L’affaire Peugeot n’est pas anecdotique : l’entreprise emploie 200 000 personnes dans le monde, dont 100 000 en France, et avec ses 4,4 milliards d’euros (voire peut-être le double), la famille Peugeot est la première fortune française, ce qui ne l’empêche pas de résider en Suisse (lien) même si le clan Peugeot affirme que seul Eric s’y trouve. lien

Les salaires des responsables du groupe ne sont pas non plus anecdotiques : avec 3 253 700 € de rémunération en 2010, le PDG est clairement à l’abri du besoin.

Le directeur des marques, Jean Marc Gales, n’a pas à rougir non plus des 1 266 000 € de rémunérations qu’il a perçues en 2010 (lien) tout comme Frédéric Saint Geours, lui aussi de la direction des Marques, ainsi que Guillaume Fauri, directeur recherche et développement, puisque tous les trois ont été rémunérés en 2010 à hauteur de 1 266 000 €.

Grégoire Olivier, « directeur Asie » a empoché pour sa part en 2010, 1 362 820 €, prouvant ainsi la bonne santé du groupe. lien

L’année 2010 est donc une très belle année pour les dirigeants de l’entreprise puisqu’elle a vu leurs rémunérations doubler, voire tripler. lien

En 2011 la Banque PSA Finance, qui représente 40% du résultat opérationnel du groupe PSA en 2011 a dégagé un chiffre d’affaire de 1,8 milliards d’euros, permettant un résultat final de 507 millions d’euros, ce qui représente un joli progrès puisque le chiffre d’affaire de 1995 était de 103 308 906 €. lien

Et quid des sous filiales d’assurance (PSA Service Ltd, PSA Insurance Ltd, et PSA Life Insurance Ltd) installées discrètement dans un paradis fiscal à Malte  ?

Quid aussi de l’émission obligataire à taux fixe d’un montant de 600 millions d’euros, réalisée le 20 juin 2012, dont le PDG de Peugeot, Philippe Varin se félicitait en déclarant : « cette deuxième émission en euros vient de confirmer la capacité de « Banque PSA finance » à saisir les opportunités offertes par le marché obligataire… »

D’ailleurs, en février 2012, le même Philippe Varin s’auto-congratulait encore en déclarant : « nous mettons en place un programme soutenu de management du cash : les mesures d’économie de 800 millions d’euros annoncées en octobre dernier sont complétées pour atteindre 1 milliard d’euros. Par ailleurs, un programme de cessions d’actifs, d’un montant de 1,5 milliards d’euros environ, incluant Citer, est lancé… »

La synthèse des résultats financiers 2011 est limpide : « Banque PSA finance dispose d’une structure financière solide grâce à un ratio de solvabilité Bâle II supérieur à 14% et d’une sécurité financière via des lignes de crédit non tirées et une réserve de liquidité, permettant d’assurer en permanence plus de 6 mois d’activité sans recours à des financements complémentaires  ». lien

Il ne faut pas non plus oublier les filiales du groupe, comme Faurecia, dont le chiffre d’affaire à augmenté de 4 milliards en 4 ans, ou Gefco dont le chiffre d’affaire de 3 milliards a permis de dégager 223 millions de bénéfice en 2011. lien

Déjà en 1988, le groupe PSA en plein conflit avec ses employés, déclarait qu’il n’y avait « rien à négocier  » malgré les 8,8 milliards de bénéfices engrangés, refusant la prime de 1500 FR demandée, alors que le PDG avait augmenté sa rémunération de 45,9% en 2 ans. lien

Voila qui tranche avec la description très noire faite par Philippe Varin de la situation actuelle de l’entreprise Peugeot, ce qui lui permet de supprimer 1400 emplois dans le secteur « recherche et développement » et de 4400 dans le secteur « production ».

En fait, dès février 2012, Peugeot avait annoncé la couleur : économiser 3,7 milliards en supprimant 6000 emplois, et continuer les délocalisations.

Déjà implantée en Argentine, au Brésil, et en Chine, l’entreprise vise pour bientôt les Indes (lien) alors qu’elle se défend de délocaliser tout en se séparant de ses ouvriers français. lien

Le PDG Philippe Varin est même allé plus loin en se disant « choqué par le procès fait à l’entreprise » (lien) assurant «  il n’y aura pas de plan social mais un programme interne de reconversion et de formation  », maniant ainsi superbement une belle langue de bois. lien

Mais qui est dupe ?

A l’évidence, tout en engrangeant des bénéfices conséquents, Peugeot s’est d’abord transportée en Slovaquie pour produire la 207, voiture fabriquée auparavant à Mulhouse, s’étant précédemment délocalisée à Madrid. lien

En 2007, il y avait des signes avant coureurs, puisque l’entreprise, prétextant une baisse des appels, avait délocalisé son centre d’appel vers le Portugal et la Tunisie, mettant sur la paille, ou presque, près de 120 salariés du sous traitant Teleperformance.

Puis en 2010, Peugeot s’est délocalisé en Chine pour y fabriquer la C6, suivant la stratégie de Renault qui lui s’était transporté en Corée. lien

Mais Thierry Peugeot, drapé dans une dignité offusquée, déclarant « mal vivre les attaques », et « se sentir visé », exprimant un « sentiment d’injustice », touché par les qualificatifs de « mensonge, dissimulation » affirme au sujet de son entreprise : « nous avons des valeurs d’humanisme et de respect  ». lien

Que va faire le gouvernement français ?

On se souvient de la phrase prononcée par un ancien premier ministre socialiste « l’Etat ne peut pas tout  » (lien), et même si François Hollande affirme que le plan de restructuration de Peugeot est « en l’état inacceptable et devait être renégocié  », on n’a pas pour l’instant une vision très claire de ce qu’il veut faire. lien

La prime à la casse instituée par Sarközy a couté 2 milliards d’euros aux contribuables français, et Peugeot a reçu 4 milliards d’euros d’aides de l’Etat, ce qui correspond quasi au montant de la fortune de la famille Peugeot. lien

Dans le camp des travailleurs, Jean Pierre Mercier de la CGT annonce la couleur : il veut mettre en place un vrai rapport de force, afin de réussir à « faire peur aux dirigeants de Peugeot  », et déclare « on a du boulot jusqu’en 2016, il n’est pas question d’arrêter avant ». lien

Au-delà de la langue de bois des dirigeants de l’entreprise et de ceux qui pensent « qu’on ne peut rien faire », comment admettre que les grandes fortunes du pays, pour engranger toujours plus de bénéfices, puisse mettre à la porte leurs employés, justifiant qu’il s’agit de « sauver l’entreprise », délocalisant aussi leur fortune dans les paradis fiscaux, quitte à payer très cher cette pratique peu citoyenne.

Ils n’ignorent pourtant pas qu’en mettant leur argent dans ces banques peu scrupuleuses, ils se rendent complice d’actes condamnables.

Comme l’a démontré récemment une commission d’enquête du Sénat américain, la banque HSBC finance aussi bien les activités criminelles de la mafia, le blanchiment d’argent, le trafic de drogue et d’armes au Mexique, au Soudan, ou en Iran, et à des liens avec le terrorisme en Arabie Saoudite.

Comme l’indique Médiapart dans un article récent, « près de 60 000 comptes liés à la filiale mexicaine ont trouvé l’hospitalité dans les îles Caïman. Sur 41% de ces comptes, la banque n’avait quasiment aucune information, ne faisait aucun contrôle, en dépit des mises en gardes de plusieurs responsables insistant sur les risques immenses de blanchiment d’argent de la drogue. Prise la main dans le sac, la direction de HSBC s’est déclarée « profondément bouleversée », à présenté ses excuses à ses salariés et à ses clients… ».

Diverses organisations internationales, comme le FMI, la Banque mondiale, la Banque des règlements internationaux, estiment que les capitaux planqués dans les paradis fiscaux représentent 17 000 milliards d’euros, et James S.Henry, de Tax Justice Network, à publié le 22 juillet une étude qui va beaucoup plus loin, estimant que 25 500 milliards sont aujourd’hui à l’abri dans ces paradis.

En attendant, AVAAZ lance une pétition intitulée « mettez les banquiers derrière les barreaux » que l’on peu signer sur ce lien.

Le gouvernement pourrait donc agir autant contre ces paradis fiscaux, dont Peugeot est l’un des utilisateurs, et évoquer les subventions que l’Etat a donné à cette entreprise, faisant valoir les bénéfices qu’elle a encaissé, afin de sortir par le haut de cette crise, mais le fera-t-il ?

En tout cas, de l’autre coté de l’Atlantique, Obama agit, et le département du Trésor vient de « renforcer les sanctions déjà prises contre les institutions financières qui ont permis à des banques iraniennes d’effectuer des transactions financières ».

La banque chinoise Kunlun et l’irakienne Elaf Islamic Bank sont accusées d’avoir facilité des transactions de plusieurs millions de dollars concernant les activités de prolifération nucléaires illicites de l’Iran. lien

En France, le gouvernement part en vacances et nous ne serons fixés qu’en septembre.

Comme dit mon vieil ami africain : « d’abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, puis ils vous combattent et enfin, vous gagnez »

L’image illustrant l’article provient de « alternativelibertaire.org »

Merci aux internautes de leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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