Pierre Condamin-Gerbier : lanceur d’alerte ou affabulateur ?

par Henry Moreigne
vendredi 9 août 2013

Les informations sont discordantes sur les résultats de la perquisition conduite le 30 juillet au siège parisien de la banque Reyl. Si des informations délivrées à la justice française par Pierre Condamin-Gerbier (PCG) semblent confirmées, en revanche aucune personnalité politique française ne détiendrait de compte dans la banque suisse. Hier, 7 août, le député socialiste Yann Galut demandait au gouvernement français d'intervenir auprès de son homologue helvète pour que PCG, toujours en détention provisoire en Suisse, soit relâché.

Suite au dépôt de plainte de la banque Reyl en Suisse pour "vol, falsification de document et violation du secret professionnel et commercial", PCG a été arrêté en Suisse début juillet. Soit, deux jours après avoir été entendu par des juges d’instruction, les douanes et la police mais aussi, la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Cahuzac.

Cette mise sous écrous avait suscité l'indignation de nombreuses personnalités et médias dont Charles de Courson, président de la commission d’enquête sur l’affaire Cahuzac. "Le juste est emprisonné, c’est incroyable" avait déclaré le député français avant de s'attaquer à la justice de la Confédération : "Que ceux qui ont commis des crimes accusent ceux qui les dénoncent : il faut être en Suisse pour voir cela !"

Le parlementaire avait jugé que "ce n’est quand même pas très bon pour le gouvernement helvétique que la personne qui soit venue à l’Assemblée nationale pour décrire des mécanismes d’évasion fiscale rentre en Suisse et soit arrêtée".

Dans un entretien accordé au quotidien genevois Le Temps, Charles de Courson avait confié avoir parfaitement conscience de l'attachement de la Suisse au secret bancaire mais estimé que tout cela relève d'une hypocrisie qui cache la complicité du gouvernement helvétique et du parlement suisse dans les affaires de fraude et d’évasion fiscale.

Comme beaucoup, Charles de Courson ne comprend pas pourquoi Pierre Condamin-Gerbier est rentré en Suisse chez lui, eu regard des risques encourus.

"Pourquoi un être apparemment intelligent, jovial et bien parti dans la vie a-t-il ruiné son existence en devenant le témoin numéro un de la justice et du fisc français contre la place financière suisse ?" écrit toujours le Temps Sylvain Besson qui fût de nombreuses années le correspondant à Paris du quotidien.

Côté Confédération, on est beaucoup plus mitigé sur cet énigmatique financier français. "Condamin-Gerbier, Messie en France, imposteur en Suisse" titrait ainsi le 15 juillet dernier Bilan. Dans un article très fouillé le magazine économique de Suisse romande, évoque une crédibilité "questionnable". La formule est policée mais les faits relatés dressent le portrait d'un narcissique affabulateur, criblé de dettes, condamné pour abus de confiance par la justice genevoise.

Plutôt que d'encenser le lanceur d'alerte, Sylvain Besson a cherché à comprendre les mécanismes qui ont conduit PCG à une sorte de suicide social. Et le journaliste de décrire un homme complexe, endetté et pris au piège de la pression médiatique qui"avait des comptes à régler avec la droite française, avec les grandes fortunes et avec lui-même".

Il y a dit-on pire que le faux, c'est le mélange du vrai et du faux. La presse française n'est-elle pas allée un peu trop vite en besogne ? Sans aller à remettre en cause l'existence et l'importance de la fraude fiscale, la présentation en chevalier blanc de PCG n'est sans doute pas la plus juste. Pire elle dessert l'objectif d'avoir un plus de clarté sur les milieux financiers. Pour preuve, passé le coup de feu de l'affaire Cahuzac, la lutte contre la fraude fiscale ne semble pas être devenue dans les faits une priorité des autorités françaises.


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