Plan Juncker : hypocrisie, incompétence ou arnaque ?

par hugo BOTOPO
lundi 22 décembre 2014

Le fait que la Commission européenne par la voix de son Président fraîchement élu se propose de relancer la croissance pour sortir l'UE du marasme économique et pour renouer avec la croissance, est en soi une excellente initiative. L'espoir de lancer 315 Md€ de réalisations avec une subvention limitée à 5% est utopique. Pourtant tout n'est pas à rejeter dans l'initiative de Juncker !

L'essentiel dans la proposition Juncker réside dans le fait d'admettre que la croissance tant espérée et tant indispensable pour résorber une partie du chômage, n'est pas du ressort du simple développement de l'offre (pour des consommateurs de plus en plus pauvres) ou du développement de la demande (augmentation des salaires et des prix pour augmenter les importations de Chine et autres pays à très bas salaires, sans créations d'emplois en UE). Le plan Juncker se désolidarise du diktat de l'austérité et de l'équilibre des comptes publics qui en d'autres temps (du krach de 29 jusqu'à l'avènement du nazisme de 33) ont détruit les économies européennes. Il préconise le lancement de réalisations d'avenir, hors du système concurrentiel, avec des financements faisant appel à l'épargne privée, donc aux "marchés financiers" sans que les montants des emprunts soient pris en compte dans les critères de stabilité des comptes publics ! Quelle entorse à l'orthodoxie financière si chère à nos mentors allemands ? Ni Angela Markel, ni les agences de notations de la sainte inquisition financière ne se sont prononcées sur ce schisme.

L'espoir de lancer 315 Md€ de réalisations d'avenir avec le simple apport d'une subvention européenne limitée à 5% du montant total (subvention pas encore validée et votée !) est soit inutile, soit utopique : si les réalisations sont rentables avec 95% de financements privés à des taux supérieurs à ceux des emprunts d'états (< 2% actuellement) ils n'ont pas besoin des 5% de subventions pour être réalisables ; dans ce cas une simple autorisation des pouvoirs publics donnée à des consortiums de réalisation serait suffisante (comme dans le cas du viaduc de Millau). Si les 95% de financements privés ne peuvent être assurés d'une rentabilité suffisante, ce n'est pas le minime coup de pouce de 5% qui rendra les projets rentables et réalisables : les collectivités publiques devront fortement augmenter leur part de financement et cela aggravera leurs déficits et leurs dettes publiques.

En outre, les projets envisagés devraient être amortissables à moyen/long terme, c'est-à-dire à moins de 20 ans. Les projets de réalisations à grande durée de vie, telles la construction de digues et d'infrastrutures amortissables sur plus de 50 ans, avec une rentabilité quasi nulle à court/moyen terme, ne peuvent rentrer dans le plan Juncker, car ce serait aux États d'assurer, en quasi totalité, le paiement des annuités en capital et intérêts : cela nécessite donc d'intégrer les coûts des réalisations dans les dettes publiques !

Toutefois, l'idée de bon sens issue du constat que c'est un supplément de travail des hommes qui à la base de créations de richesses et d'emplois, est une idée à réinventer : la rentabilité de l'indemnisation des chômeurs rémunérés sans produire de richesse sera toujours inférieure à celle de réalisations de très longue dirée de vie et à faible taux de rentabilité : quelle est le rentabilité de la réalisation du Pont du Gard par les romains (et les autochtones) ou celle de la rénovation de la Cité de Carcassonne, ou encore de la rentabilité de l'ensemble des digues aux Pays-bas ? Les conséquences prévisibles et probables des déréglements climatiques liés au réchauffement dû à la croissance de l'effet de serre, ont besoin de grands travaux de protection et de la création de sources d'énergies renouvelables, amortissables sur le très long terme (>50 ans). Le plan Juncker est totalement inadapté au financement de telles réalisations. Pour cela, il faut envisager la mise en oeuvre du DOMO (Dispositif One More One), disposif associant la BCE (pour les pays de l'Eurozone) ou les autres banques centrales, aux États, d'une façon comparable à ce que font la FeD, la BoE, la BoJ, vis-à-vis de leurs États et de leurs économies nationales. Dans le DOMO, dispositif qui sera détaillé ultérieurement, la BCE prête à un taux nul ou très faible (<1%) sur 50 ans à une entité de réalisation et de contrôle, telle la banque centrale de chaque État, un euro à la condition que la collectivité publique à l'initiative du projet (état avec ou sans les collectivité territoriales) ajoute au minimum un autre euro. Dans le cas de la France, pour des projets de 20 Md€, la BCE prête 10 Md€ et l'État devrait apporter 10 Md€ sur son budget : or les prélèvements publics étant supérieurs à 50% (charges sociales, impôts et taxes...) les besoins de financements seront nuls pour le budget de l'État, et des emplois seront créés ! Par xemple dans le cas des infrastructures du RER du Grand Paris, avec un taux de 1%, les annuités seraient de l'ordre de 2,5% pendant 50 ans, ce qui est négligeable !


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