Pour sauver les Européens, brisons les tabous

par Michel Santi
jeudi 25 novembre 2010

Nous sommes témoins d’un spectacle aberrant où l’Irlande subit de la part de l’Union une intense pression pour emprunter plus et ce dans le seul but de rassurer des marchés qui ne forceraient ainsi pas à la hausse les coûts de refinancement des dettes portugaises et espagnoles. Car ce n’est pas tant la solvabilité de la dette souveraine irlandaise qui constitue l’urgence absolue que celle de son système bancaire. En persuadant l’Irlande de demander une aide de 100 milliards d’Euros, les responsables Européens espèrent en outre préserver certaines banques de l’Union qui subiraient une implosion en cas de banqueroute d’établissements financiers irlandais. Souvenons-nous en effet des fameux « stress tests » des banques Européennes dont la publication en Juillet dernier n’avait procuré que peu de réconfort quant à la solidité de notre système bancaire… 

N’est-il pourtant pas scandaleux d’exiger encore plus de sacrifices de la part du contribuable irlandais encore appelé à la rescousse car prié de recapitaliser ses établissements financiers ? Sauver un système bancaire et apaiser les marchés ne justifie en effet pas de contraindre ses citoyens à s’endetter plus dans le but de renflouer des banques ayant commis tous les excès. L’Irlande – et par extension l’Europe - devraient aujourd’hui sérieusement planifier la restructuration de leurs banques plutôt que d’hypothéquer l’avenir de leurs citoyens. Cet inéluctable assainissement épargnerait ainsi à certains Etats de creuser leurs déficits – et donc d’exacerber leur fragilité – en s’endettant plus afin de sauver certaines banques. Il est désormais malsain de temporiser car il est impératif d’interrompre sans tarder cette mécanique infernale qui veut que les nations d’Europe périphériques soient priées de s’endetter afin de renflouer des banques (locales et nationales) qui entraîneraient dans leur faillite d’importantes institutions financières appartenant au « noyau » Européen… De plus, il est immoral dans la conjoncture présente de favoriser les créanciers de ces banques au détriment du contribuable, les pertes latentes de ces établissements se devant ainsi d’être redistribuées sur l’ensemble de la chaîne dont bien-sûr l’actionnariat.

L’option choisie par l’Irlande de nationaliser les pertes de son système bancaire et d’en faire porter le fardeau à ses citoyens doit absolument être évitée par d’autres nations Européennes car elle aggrave inconsidérément les endettements et intensifie la pression sur une population déjà suffisamment sinistrée. Laissons plutôt les banques les plus fragiles disparaître tout en protégeant les petits et moyens épargnants car, en s’acharnant à sauver des établissements moribonds, un Etat va droit vers le défaut de paiement. En réalité, la faillite souveraine elle-même ne devrait plus être tabou, une restructuration bien organisée dans le paiement de la dette d’un pays n’étant pas susceptible de provoquer un effondrement généralisé… A cet égard, la comparaison avec la déconfiture cataclysmique de Lehman Brothers est fallacieuse car les débiteurs et créanciers d’un pays comme la Grèce sont bien connus alors que les interconnections des opérations et autres titrisations de Lehmann recouvraient potentiellement l’ensemble du spectre. 

Il est donc temps de sortir des sentiers battus et de rompre avec les formules éculées si nous voulons que notre Union se tire par le haut de cette crise grave.


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