Pour un label « sans pub »
par Raphael Jolly
jeudi 28 juin 2007
De toutes les nuisances de la publicité : pollution visuelle et mentale, laideur, violence, manipulation, appauvrissement de la langue, dégradation des paysages, celle à laquelle on pense le moins est économique. Les annonceurs ont l’argent des consommateurs, et les publicitaires le savent. Cet article propose la mise en place d’un label (type « bio ») pour contrôler les dépenses publicitaires des annonceurs.
L’argent de la publicité, perçu comme un bienfait pour ce qu’il sert à financer : mobilier urbain, télévision, etc., créant au passage de nombreux emplois, que ce soit dans le secteur publicitaire lui-même ou dans ceux qui bénéficient de son financement : sport, (sous-)culture, etc., cet argent provient des consommateurs. A ce titre, il est un impôt détourné. Dans une émission, Marie-Georges Buffet citait le chiffre de répartition des impôts de 30% sur le revenu et 70% de TVA, ce qui était injuste car dans la seconde il n’y a pas de distinction de revenu. L’impôt publicitaire vient s’ajouter à la TVA. Ces deux ponctions ne provoquent pas de protestation car elles sont étalés le long de nos achats annuels, contrairement à l’impôt sur le revenu, qui est lui très mal perçu ; à tort puisque, comme nous venons de le voir, il est moindre.
Toute lutte contre la publicité se heurte à cette manne, qui justifie l’ensemble des agissements et procédés des publicitaires : ils prennent l’argent là où il est, c’est humain et très compréhensible. L’engagement antipublicitaire, qu’il prenne des voies légales ou de désobéissance civile, est donc supposément condamné. Les actions antipublicitaires légalistes comprennent nombre d’initiatives, du type "autocollant sur la boîte aux lettre", ou bien des propositions de logos "sans pub". J’ai trouvé une telle proposition sur le site ci-dessous :
On en "reçoit" partout, tout le temps. Dans nos journaux en papier, avant, après et parfois pendant nos journaux TV ou parlés... Dans les magazines divers, les abribus, au cinéma, sur internet... Elle est partout, surabondante, envahissante et généralement à des kilomètres de mes centres d’intérêt. Et elle me fait ch...
Alors l’autre jour, je me suis dit qu’il faudrait créer un label de qualité "Sans pub". Un truc tout simple. Un seul logo qui dirait :
- ici, on ne se finance pas par des voies détournées
- la gratuité existe encore, quand bien même elle me coûte
- ce qui est ici, je vous l’offre
- ...
Mille slogans sont à inventer. La pub bouffe notre espace vital et nos cerveaux.
Alors j’ai pondu vite fait un logo qui symbolisera ça pour moi, et je vous le livre.
[...]
Cette proposition souffre de la limite évoquée plus haut, à savoir que rien ne saurait faire renoncer les publicitaires à la manne disponible. Il faut prendre le problème en amont, au niveau des annonceurs.
Je propose de mettre en place un label, visuellement semblable à celui en médaillon (que j’ai emprunté à la page web citée) mais qui concernerait les annonceurs, plutôt que les supports. Il ne serait pas à destination, disons, d’un journal qui déciderait de se financer sans publicité. Non, il concernerait plutôt tel ou tel fabricant de produit, qui signifierait, sur ses conditionnements par exemple, son non-investissement publicitaire, en apposant le logo, de la même manière exactement que ça se fait pour les produits bio ou de commerce équitable.
Le consommateur saurait alors que son argent ne finance pas de publicité. Le premier avantage est que le produit serait supposément moins cher pour une qualité donnée : l’argent ne sort pas du portefeuille, et l’impôt publicitaire n’est pas payé. Le deuxième effet est que l’argent ne rentre pas dans les tuyaux du système publicitaire. Celui-ci est, comme je l’ai dit plus haut, perçu comme dynamisant économiquement : l’argent qu’il fait va bien quelque part : sport, sous-culture, etc. Personnellement, je ne prise pas ces utilisations de mon argent, quels que soient les emplois crées. Je ne me soucie guère que Zidane ou Britney Spears aient un emploi grâce à moi. Mais après tout chacun est libre. Je voudrait cependant vous soumettre ce texte du philosophe Alain.
La prodigalité n’est jamais belle ; et il faut surmonter ici les opinions des parasites comme romanciers, vaudevillistes et autres marchands de plaisirs. Imaginez un tyran qui convoque tous les paysans à dix lieues à la ronde pour lui faire une escorte d’honneur, ce serait comme s’il marchait sur du pain. La première injustice c’est de ne pas produire soi-même des objets utiles en échange de ceux que l’on reçoit, mais la pire injustice, peut-être, est de suspendre les travaux utiles autour de soi, afin de montrer sa puissance. C’est ce que fait toujours le prodigue en payant celui qui ne produit rien. Ce qu’on appelle dissiper l’argent, ce n’est pas la même chose que le dépenser ; car il y a des dépenses qui ne sont qu’un échange de travail contre travail, et qui enrichissent réellement les deux ; dissiper l’argent c’est l’employer à distraire ceux qui travaillent de leur travail ; c’est jeter sur le marché des bons payables à vue et qui permettent de consommer sans produire. Par exemple, le prodigue paie un homme vigoureux pour l’attendre à toute heure et lui prendre son pardessus et sa canne ; temps perdu.
Que font donc les publicitaires, si ce n’est pendre le pardessus et la canne des multinationales ? Par leurs dépenses publicitaires, que font celles-ci à part marcher sur du pain ?
Un label "sans-pub" permettrait aux entreprises qui le souhaitent ce se retirer de ce système économiquement pervers en plus d’être comme on l’a dit, visuellement et mentalement polluant. Concrètement, comment fonctionne un label du type "AB" ? Hé bien, à l’issue d’une certification, l’entreprise concernée obtient l’autorisation d’apposer ce label. La certification consiste à contrôler l’utilisation d’intrants, et d’après ce que j’ai compris, cela se fait très peu sur le terrain, mais plutôt au niveau des comptes : on contrôle que l’entreprise n’a pas acheté d’engrais ou de pesticides de synthèse. C’est donc une contrainte appliquée sur une base volontaire et non une coercition.
On peut imaginer la même chose pour la publicité : contrôler les lignes de budget qui correspondent à la mise en place de ces campagnes pharaoniques : panneaux en 4x3 sur tout le territoire, spots télé et radio, etc. et qui seraient donc proscrites dans le cadre d’un commerce respecteux de l’environnement visuel, mental, et social. Pour ne pas être totalitaire on pourrait se contenter d’un seuil à ne pas dépasser, permettant par exemple l’édition d’un catalogue de produits à disposition sur demande des consommateurs, ou la diffusion d’affiches au format 50x70 cm comme souhaité par des Déboulonneurs.
Cette initiative, prise sur une base volontaire comme pour le bio, ne constituerait pas un retour aux heures noires du communisme soviétique (reproche souvent fait aux antipub) et serait abordable par toute entreprise capitaliste qui se respecte, dans le cadre d’une émulation pour le "développement durable", comme ça se passe actuellement.