Pour un protectionnisme solidaire et progressiste
par Laurent Herblay
lundi 9 septembre 2013
Les défenseurs du libre-échange présentent toujours le protectionnisme comme un réflexe égoïste, arriéré et nationaliste de protection. Mais, outre le fait d’être une pratique courante, le protectionnisme, au contraire, peut être un outil au service du progrès et même de la solidarité.
Le libre-échange, égoïste et régressif
Le Monde a récemment commis un article absolument hallucinant dénonçant ceux qui se réjouiraient de la chute de la croissance dans les pays émergents, tout en admettant qu’ils « nous ont méthodiquement dépouillé de nos industries et de nos emplois depuis des décennies ». Les néolibéraux soutiennent de facto que la destruction des emplois dans les pays développés par les délocalisations dans les pays à bas coût serait un mécanisme presque solidaire, le moyen inévitable de permettre le développement des pays émergents. Mais ceux qui défendent cette thèse sont rarement des personnes victimes de délocalisation, ce qui démontre souvent un parti-pris purement dogmatique.
En outre, il est difficile de ne pas constater que les principaux bénéficiaires du libre-échange sont les plus riches et les multinationales. Toutes les études montrent que presque jamais les 1% ou les 0,1% les plus riches n’avaient obtenu une telle part de la richesse mondiale. Idem pour les multinationales, dont les bénéfices n’ont jamais été aussi élevés. Et à ceux qui disent que cela permet de sortir de la pauvreté les populations des pays émergents, il ne faut pas oublier que la baisse du nombre de pauvres se concentre essentiellement en Chine, et, pire, la quantité de personnes en situation d’extrême-pauvreté a augmenté en Afrique ou en Inde depuis une trentaine d’années.
Bref, la théorie d’un libre-échange, qui, comme par magie, ferait disparaître la pauvreté est une fable qui est totalement infirmée par la réalité. L’anarchie commerciale ne profite qu’à 1% de la population et aux grandes entreprises. Dès lors, comment se réjouir qu’H&M délocalise une partie de sa production de Chine en Ethiopie ? Bien sûr, cela va créer des emplois en Afrique. Mais quelles seront les conditions de travail ? Et si les salaires y progressent trop, alors H&M trouvera un autre pays où ils seront plus bas. En réalité, le libre-échange est un outil au service de l’égoïsme et la cupidité d’un capitalisme inhumain. Et quelle solidarité dans un système où les pays se dépouillent les uns les autres ?
Pour un protectionnisme solidaire et progressiste
Même si aujourd’hui, le protectionnisme est parfaitement justifié par le simple souci de défendre l’intérêt général national, comme l’a compris une grande majorité de la population, rien n’interdit en outre, d’imaginer un protectionnisme qui serait solidaire et progressiste. Aujourd’hui, l’anarchie commerciale promeut l’égoïsme, la cupidité, et le moins-disant social, fiscale et environnemental. Mais si on imagine des droits de douane qui seraient fonction du niveau des salaires et de protection sociale des pays avec lesquels on échange, il serait possible d’imaginer une réglementation qui pourrait promouvoir l’exact inverse, et faire que le commerce favorise la solidarité et le progrès social.
Pour cela deux mécanismes très simples. D’abord, des droits de douane inversement proportionnels au niveau des salaires et de protection sociale des pays. Ainsi, plus les salaires et la protection sociale progresseraient, plus les droits de douane baisseraient, poussant à une harmonisation vers le haut à long terme. Deuxièmement, le reversement d’une partie des droits de douane (entre un quart et la moitié) aux pays d’où viennent les importations, de manière à ce que les pays en voie de développement trouvent également un intérêt à ce système. De quoi couper l’herbe sous le pied à ceux qui évoquent la solidarité avec les pays émergents pour soutenir le libre-échange. Mais dans mon esprit, cela n’excluerait pas d’autres mesures pour équilibrer la balance commerciale.
Le système actuel est une guerre de tous contre tous, avec une minorité de gagnants et une majorité de perdants (dans les pays dits développés, mais aussi dans les pays émergents). Le protectionnisme est le moyen de faire des échanges commerciaux des vecteurs de progrès et de solidarité.