Pour une réglementation du marché immobilier

par Michel Santi
mardi 17 juin 2008

Pourquoi sommes-nous horrifiés dès que les prix du pétrole atteignent des sommets, mais euphoriques quand les prix immobiliers progressent ? N’y aurait-il pas une contradiction à être choqué par l’envolée des prix des biens et des services alors que nous estimons que l’appréciation de l’immobilier, elle, est constructive ? En effet, pourquoi est-ce uniquement le premier phénomène qui porte le nom saisissant d’inflation ?

Certes, l’inflation nous appauvrit en renchérissant nos biens de consommation alors que l’appréciation des prix de notre actif immobilier, elle, nous enrichit...

Pourtant, l’envolée des prix immobiliers n’améliore en rien notre qualité de vie car elle ne fait que refléter une certaine pénurie par rapport à une demande d’actifs immobiliers en progression tout en n’ayant que peu d’impact justifiés sur l’économie réelle, c’est-à-dire sur la production ou la consommation ! De fait, il semblerait bien que nos sociétés ne tirent plus aucun profit en acceptant de s’acheter et de se vendre de biens immobiliers à des prix toujours plus élevés car plus rien de réel ne se dégage de telles transactions. Ainsi, en dépit des millions d’heureux propriétaires d’actifs immobiliers virtuellement enrichis par le doublement ou le triplement de leurs biens immobiliers, cette richesse - souvent illusoire - n’est que redistribution consentie de force par les autres membres de la société.

En effet, l’appréciation d’une maison ou d’un appartement habité par son propriétaire n’améliore en rien son niveau de vie car ce détenteur ne bénéficiera des retombées positives que dès lors qu’il emprunte en hypothéquant son bien ou qu’il le vende. Certes, un certain nombre de propriétaires de biens immobiliers profitent de l’ascension des prix en vendant leur actif à un prix nettement supérieur à leur prix d’achat. Néanmoins, la hausse des prix de l’immobilier ne profite pas à tous car ce marché comporte des gagnants et des perdants, comme dans tout marché digne de ce nom. Effectivement - et c’est là que la notion de redistribution intervient - les perdants sont ceux qui ne disposent pas de bien immobilier ou dont le bien n’est pas adapté à leur besoin, comme les jeunes souhaitant accéder à la propriété ou les couples cherchant une maison plus confortable et ne pouvant l’assumer du fait de la trop forte progression des prix... Au demeurant, l’aspect générationnel n’est pas négligeable car, dans l’ensemble, les gagnants sont forcément plus âgés et les perdants plus jeunes sauf quand ces derniers rejoignent le groupe des gagnants grâce à un héritage. Ainsi, la bulle immobilière procède-t-elle à un transfert des richesses des plus jeunes vers les plus âgés !

Peut-on pour autant, comme dans le cadre d’un marché traditionnel, supposer que lorsque le marché immobilier se dégrade, les pertes des propriétaires contrebalancent les bénéfices des gagnants ? En clair, et comme l’appréciation constante de ces biens immobiliers est souvent illusoire, l’affaissement des dépenses des uns est-il compensé par la relance de la consommation des autres ? La réponse est négative car toute chute du marché immobilier comporte des implications macroéconomiques : la corrélation historique est en effet étroite entre les prix de l’immobilier et la consommation car les propriétaires de maisons dont la valeur se réduit sont fortement affectés psychologiquement alors que, dans un contexte où les biens immobiliers progressent, les acquéreurs potentiels ne pouvant se permettre d’acheter à un prix élevé reportent souvent leurs dépenses sur un autre type de consommation... Autrement dit, la chute des prix de l’immobilier influe directement sur la consommation et ce même si cette dépréciation au niveau des prix ne représente rien de tangible car il ne s’agit que d’une valorisation scripturale...

Du reste, l’impact fallacieux sur la consommation de cette appréciation illusoire - ou fictive - du marché immobilier est corroboré par le fait qu’un simple ajustement de politique monétaire est en général susceptible de provoquer un repli - voire un effondrement - de ce marché. Effectivement, un cycle de hausse des taux d’intérêts aura des effets pernicieux sur tout marché immobilier, donc sur la consommation, et vice versa...

Du reste, cette hausse ininterrompue quoique immatérielle de l’immobilier depuis plusieurs années a également eu des effets néfastes : l’anticipation de prix plus élevés ayant poussé un certain nombre de propriétaires à ne pas remettre sur le marché une propriété inadaptée à leurs besoins ou même inhabitée, sans mentionner la quantité de résidences secondaires laissées à l’abandon, autant de facteurs ayant contribué à figer ce marché de manière artificielle... Il est certain que, dans le contexte actuel de baisse des prix immobiliers, ces propriétés qui seront remises sur le marché auront tendance à amplifier la glissade du marché, permettant peut-être à certains de procéder à une acquisition cadrant avec leurs moyens.

En fait, la vie de nombre de familles et d’individus est influencée par l’évolution des prix de l’immobilier, de ceux contraints à déménager aux familles ne pouvant s’agrandir du fait d’un logement exigu. L’impact des aléas du marché immobilier est direct et fondamental sur notre vie de tous les jours, nettement plus important que les marchés des actions et des obligations qui sont pourtant dûment réglementés et surveillés par qui de droit. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas également encadrer un marché immobilier qui offre les mêmes caractéristiques et dangers que des marchés spéculatifs, mais dont la vocation est pourtant d’abriter nos familles ?


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