Pourquoi la Fed maintient sa politique

par Laurent Herblay
vendredi 20 septembre 2013

A la surprise de la plupart des analystes, la Fed a décidé de maintenir son programme de rachat de bons du Trésor et de titres. Avec la baisse progressive du taux de chômage et l’approche du cap des 7%, beaucoup pensaient, comme The Economist, qu’elle ralentirait son programme.

Ecarter les nuages noirs
 
Aujourd’hui, la croissance étasunienne semble robuste et tout semble réuni pour une accélération en 2014, autour de 3% en rythme annuel. En effet, l’explosion de la production d’hydrocarbures de schistes, la très forte reprise de l’immobilier (qui stimule l’activité doublement, par la construction, mais aussi l’effet richesse produit pour les ménages et les institutions financières) et le desserrement de la contrainte budgétaire, avec la réduction rapide des déficits, concourent tous pour faire de l’année prochaine une belle année pour l’économie étasunienne et enfin accélérer la réduction du chômage.
 
Du coup, Ben Bernanke avait toutes les raisons pour commencer à réduire son programme de rachat de 85 milliards de dollars par mois. The Economist notait justement qu’une légère réduction revenait à seulement diminuer le soutien à l’économie, et qu’on était loin d’une politique restrictive. Mais deux facteurs clés ont sans doute fait pencher la balance : les républicains et les démocrates ne parviennent toujours pas à se mettre d’accord pour augmenter le plafond de la dette (ce qui doit être fait mi-octobre), ce qui créé une incertitude malvenue, qui peut peser sur la croissance et la reprise
 
Ensuite, les taux longs, qui étaient tombés à 1,6% au printemps, sont brutalement remontés en quelques mois, à 3% en septembre. Cette remontée est dangereuse à plusieurs titres pour l’économie. Tout d’abord, elle va peser sur le déficit puisque le coût de la dette sera plus important pour l’Etat. Ensuite, elle renchérit le financement de l’économie. En surprenant les marchés, la Fed a cassé le mouvement de hausse puisque les taux à dix ans sont retombés à 2,75%. Wall Street sait désormais que la priorité de la banque centrale étasunienne est le soutien à l’activité, d’autant plus que l’inflation est faible.
 
Des conséquences lourdes

Le point positif de cette décision est qu’elle sécurise en grande partie la croissance étasunienne pour l’an prochain. Ce faisant, la normalisation des taux longs est ralentie à un rythme qui ne menace pas le reste de l’économie. En effet, une remontée trop forte et trop brutale était porteuse de déséquilibres importants et pouvait créer une crise financière. Il ne faut pas oublier que pour des pays dont la dette publique approche 100% du PIB, une augmentation de 100 points de base (un pour cent) du service de la dette implique une hausse, à long terme, des intérêts à payer d’1% du PIB.

Cependant, la décision de la Fed n’est pas sans poser plusieurs problèmes. En effet, si la mondialisation empêche la hausse des prix des biens de consommation, du fait de la concurrence des pays à bas coûts, l’inflation n’a pas disparu : elle s’est déplacée sur les actifs, entre Wall Street qui bat les records d’avant la crise et les prix de l’immobilier qui progressent de plus de 10% aujourd’hui (certes, à un niveau qui semble encore raisonnable). Mais toute cette monétisation pourrait bien nourrir une bulle pour les prochaines années, dont l’éclatement pourrait être plus douloureux qu’en 2008.
 
Si Ben Bernanke a sans doute raison de vouloir éviter toute menace pour l’économie réelle, en revanche, garder ouvert le robinet à liquidités sans avoir véritablement remis la bride sur les établissements financiers est très dangereux. Ce faisant, il sème les graines de la prochaine bulle et du prochain krach.

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