Pourquoi nos usines ferment ?
par Yann Riché
mardi 19 février 2008
La succession d’informations relatives à la fermeture d’usines et de plans de licenciement révèle une nouvelle vague de désindustrialisation de l’économie française. Les symptômes sont évidents, balance commerciale déficitaire, parts de marché à l’export en retrait et, donc, fermetures de sites.
En mars 2007, le rapport de Bernard Brun intitulé « Pour l’industrie » dresse un diagnostic critique des politiques menées par les différents gouvernements.
Et c’est même presque à rebrousse-poil des idées reçues en la matière.
La France est positionnée comme un pays qui est entré dans un cercle vicieux. En "palliant la régression de son industrie par un dopage de la consommation", la France pratique une politique à la fois de l’endettement et à la fois d’un abaissement de son niveau industriel.
Sarkozy en arrivant au pouvoir n’a pas fait autre chose que de suivre ce que firent ses prédécesseurs par sa réforme fiscale : maintenir la consommation par des cadeaux fiscaux.
En effet, plutôt que d’attaquer le problème dans la compétitivité des entreprises, l’Etat français a poursuivi une politique centrée sur les bas salaires (c’est-à-dire la défense d’industries à fort usage de main-d’oeuvre non qualifiée) alors même que la concurrence des pays en développement ne nous permet pas d’être concurrentiel sur le long terme.
La taxation par la taxe professionnelle de l’outil productif, ainsi que le coût du travail salarié qui supporte seul les systèmes de protections sociaux, freinent l’investissement industriel.
Alors qu’au contraire les investissements devraient être renforcés aussi bien dans les appareils productifs que dans le développement de nouveaux produits ou services, les investissements industriels français stagnent.
Le mythe actuel veut nous faire dire que la France est la première terre d’investissements étrangers. Certes, mais ces investissements sont concentrés sur des achats de sociétés pour en sortir des rendements financiers et "piller" les savoir-faire. C’est donc un miroir aux alouettes.
Le cas de l’aciérie de Gandrange détenue par Arcelor Mittal est symptomatique de cette évolution. Le groupe réalise des bénéfices de 10 millions de dollars. Cependant le site de Gandrange n’est pas rentable, l’appareil productif y est vétuste.
Le problème est donc vaste, une politique industrielle se prépare sur une décennie au minimum, un premier pas a été franchi avec la création de pôles de compétitivité. Mais cela ne suffira pas.
De la réforme de la taxe professionnelle, à la création d’une TVA sociale, en passant par une réforme du marché du CO2, le rapport Brun aborde sans tabous les thèmes qui nécessitent d’être traités.
Dans l’ensemble, c’est la compétitivité de nos industries qui est menacée. Pas la compétitivité des groupes industriels, mais bien de nombreux sites de production français.
Le débat est malheureusement tronqué par la peur de la mondialisation. Trop souvent, c’est la mondialisation qui est montrée du doigt. En fait, à nouveau, c’est notre absence de concertation pour mettre en place des solutions qui est en cause.
A nouveau, les projecteurs sont braqués sur un problème dont les causes sont
connues.
Entrer dans un cercle vertueux, c’est améliorer la compétitivité de l’industrie par l’investissement aussi bien dans les outils de productions que dans la formation, le marketing, la recherche et le développement...
Entrer dans un cercle vertueux, c’est avoir le courage de résister aux situations de monopoles et de rentes (je ne parle pas ici des petits monopoles pointés par le rapport Attali) c’est avoir le courage de partir à la conquête du monde, c’est aussi et surtout avoir le courage d’expliquer que le marché "intérieur" de nos entreprises n’est pas la France, mais l’Union européenne.