Pourquoi relocaliser... suite

par catherineMS
vendredi 6 janvier 2012

Il existe bien sûr d'autres raisons aux relocalisations comme le soulignent les commentaires du premier billet, mais certaines sont moins glorieuses à expliquer de la part des chefs d'entreprises qui ont relocalisé car elles relèvent "d'erreur de gestion", d'une sous-estimation des coûts de la délocalisation.

Les fameux coûts cachés liés à l'éloignement, à la difficulté de contrôler une production lointaine...on peut évoquer toutes ces raisons ci-dessous pour enfoncer le clou et montrer aux entreprises qui seraient tentées de délocaliser qu'ailleurs l'herbe n'est pas plus verte !

Déterminants des relocalisations :

a) des ateliers mal contrôlés qui facilitent la contrefaçon et la malfaçon

Depuis une vingtaine d’années déjà, les entreprises expliquent être victimes de contrefaçon et dénoncent également les malfaçons de manière récurrente. En témoignent les deux exemples ci-dessous.

· En 1993, les jeux Nathan ont relocalisé l’ensemble de leur production de jeux électroniques en Bretagne, après avoir constaté que leur sous-traitant chinois plagiait leurs produits pour les redistribuer en France, à moindre prix (d’après L’Expansion, n°496, 6 au 19 mars 1995).

Les remarques concernant la faiblesse de la qualité s’accompagnent souvent de plaintes de la part des PME concernant la faiblesse de la productivité de la main d’œuvre.

b) une productivité faible, une qualité médiocre

Certaines entreprises ont eu l’amère déconvenue de constater que les gains relatifs à la faiblesse des coûts salariaux étaient réduits par les différences de productivité constatés. Un rapide calcul, à partir de données européennes, permet de s’en convaincre.

Quand le coût horaire du travail est de 100 dans l'Union européenne à 15, il est, en 2005, de 9 en Roumanie (Eurostat), soit l'avant dernière place, juste devant la Bulgarie (indice de 6) et derrière la Lettonie (indice de 11). Sachant qu'en France, l'indice est de 117, on peut en déduire qu'une heure de travail coûte 13 fois plus en France qu'en Roumanie. Mais il faut tenir compte des différentiels de productivité pour apprécier le coût salarial unitaire. En 2005, quand la productivité horaire du travail est de 100 dans l'Union à 15, elle est de 29 en Roumanie, soit la dernière place, derrière la Bulgarie (31) et la Lettonie (39). En France, l'indice est de 118, soit une productivité en France quatre fois plus importante qu'en Roumanie. Le coût salarial unitaire, rapport entre le coût du travail et la productivité du travail, est donc de 32 en Roumanie, contre 99 en France, soit un rapport de trois pour un.

Ensuite, on peut s’intéresser à la part que représente le coût salarial dans le coût de production total. Si cette part est faible, alors l’avantage obtenu par la faiblesse des coûts salariaux s’efface avec les « désagréments » constatés au niveau de la fabrication du produit. Les différents exemples ci-dessous illustrent ce que nous entendons par « désagréments » : faiblesse de la qualité, manque de réactivité.

En Chine, les exemples, concernant les problèmes de qualité, sont légions. D’après un avocat d’affaires lyonnais qui aide les entreprises à s’implanter en Chine, lorsqu’une société fait fabriquer en Chine, les 12 premiers conteneurs sont conformes à la commande. Le treizième est défectueux. C’est selon lui : « la règle non écrite du 13ème conteneur »…

Au-delà de cette anecdote, la qualité des produits livrés reste le premier souci des chefs d’entreprises : La qualité est trop « fluctuante », selon le Responsable Asie de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon. Ainsi, par exemple, des entreprises se sont vues livrer des puces électroniques mal assemblées, des pièces automobiles défectueuses, des barrettes et élastiques pour cheveux inutilisables…

c) un problème de fidélisation de la main d’œuvre particulièrement important en Chine

En moyenne les cadres chinois restent deux ans dans une entreprise. Quant au renouvellement partiel des équipes, il s’effectue tous les six mois. Ainsi, les entrepreneurs étrangers rencontrent un véritable problème de fidélisation de leurs salariés. Les jeunes salariés sont à la recherche de l’employeur le plus offrant, les CDI et CDD ne sont pas différenciés. En Chine, il existe un seul contrat de travail qui vaut pour tous.

Lorsque l’entreprise ATOL a délocalisé, elle pensait, entre autre délocaliser la « mentalité » et les valeurs du groupe. Or les travailleurs chinois, souvent exploités par des patrons peu scrupuleux, n’ont pas un sentiment d’appartenance très développé vis-à-vis de l’entreprise pour laquelle ils produisent. Les taux de turn-over sont très élevés. Il est donc particulièrement difficile d’inculquer une culture d’entreprise à des salariés, souvent peu qualifiés, et qui ne restent pas longtemps dans l’entreprise. Pour les fidéliser, des avantages financiers ou des avantages en nature doivent régulièrement leur être proposés. Autant d’éléments qui augmentent les coûts salariaux, initialement attractifs par leur faiblesse.

d) une créativité réduite et un manque de réactivité

Dans l’habillement, l’acte d’achat devient plus impulsif. On peut parler de consommateur zappeur fortement influencé par les phénomènes de mode. Dans l’industrie textile, et pour des PME de prêt-à-porter, il est souvent courant de constater que les fabricants passent commande à l’étranger pour des volumes inférieurs à leurs prévisions de vente, et ajustent ensuite, en fonction de la demande, avec des petites séries réalisées en Europe.

Chaque entreprise se trouve confrontée à ce besoin de satisfaire rapidement la demande. L’entreprise Atol, à cet égard en donne une très bonne illustration :

Le manque de réactivité, la sous-estimation des coûts de l’éloignement n’est pas un phénomène récent et concerne toutes les entreprises quelque soit leur taille. Déjà en 1995, dans l’industrie automobile, où se développait la production à flux tendus, PSA avait demandé à son sous-traitant Reinshagen d’ouvrir une usine à quelques kilomètres de Sochaux, pour lui fournir des câbles électriques, jusque-là fabriqués en Tunisie. Au moindre dérèglement des approvisionnements, il fallait parfois appeler en renfort des avions ou des hélicoptères pour éviter un arrêt de ligne. De quoi relativiser les gains sur la main d’œuvre. Le matériel produit par l’usine française ne représenterait qu’un surcoût de 5% par rapport à celui fabriqué en Tunisie. (d’après le magazine l’Expansion n°496, op.cit)

I.2 Relocaliser parce que l’environnement productif a changé

Afin d’améliorer leur compétitivité les entreprises peuvent décider de rechercher en priorité une réduction de leurs coûts (c’est ce qui motive une délocalisation dans les pays à bas salaires en général). Elles peuvent aussi miser sur l’innovation et la différenciation de leur produit. Dans ce cas là, la relocalisation va être justifiée pour garantir la qualité, le suivi après-vente des clients et satisfaire le plus rapidement possible la demande des clients. D’où la nécessité de développer une production de proximité.

a) offrir une offre de services de qualité

Un premier exemple relatif aux centres d’appels nous permet d’illustrer le fait que le client réclame plus un service, qu’un produit. Il s’agit pour l’entreprise de renforcer sa compétitivité par une différenciation de produit et service.

b) revenir vers la technicité et le savoir-faire du pays d’origine

· Eugène Perma a fermé son usine de Barcelone et a relocalisé à Reims. Le 12 octobre 2004, lors de l’inauguration de la nouvelle usine Eugène Perma, qui fabrique des produits capillaires (Kéranove, Pétrole Hahn…), à Reims, Catherine Vautrin, secrétaire d’Etat à l’Intégration et à l’Egalité des chances a salué les industriels à la « vision d’entreprise citoyenne ». Cette relocalisation est la conclusion d’une réflexion démarrée en 2001. Le groupe en pleine expansion, voulait rationaliser la fabrication et le conditionnement de ses produits. « Toutes les études menées pendant 18 mois, les nôtres et celles de conseils extérieurs, ont convergé en faveur de Reims », explique Didier Martin, PDG de l’entreprise .La raison évoquée est que la technicité et l’ingénierie y étaient de loin les meilleures du groupe. Le cœur de métier – la coloration – exige un savoir-faire que possèdent à l’évidence les équipes rémoises. Didier Martin a fait ses comptes. Le coût de la main d’œuvre est plus élevé en France qu’en Espagne, mais l’amélioration du process compense cette différence. « Le surcoût de main-d’œuvre sera dilué dans les gains de productivité, estimés de 15 à 20% sur trois ans », ajoute le PDG. Reims a été préféré à Barcelone en octobre 2003 et l’usine catalane a été fermée. Ce retrait ainsi que le reclassement des 75 salariés a coûté 5 millions d’euros. (d’après Le Figaro entreprises, mardi 2 novembre 2004)

En outre, le « retour au pays » est bien souvent encouragé par les pouvoirs publics. Des conditions plus favorables (aménagement du territoire, incitations fiscales…) sont parfois obtenues par l’entreprise dès lors qu’elle manifeste son intention de relocaliser sa production.

Comme c’est le cas pour Christofle, qui souhaite relocaliser sa production en France, mais attend pour le faire des aides publiques.

c) réduire les coûts de transport et les délais de livraison


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