Quand la BCE veut gouverner l’Italie en direct

par Catherine Segurane
mardi 9 août 2011

"Se non è un programma di governo, poco ci manca"

"Si ce n'est pas un programme de gouvernement, il manque peu de chose pour que ce le soit".

C'est en ces termes indignés que le Corriere della Sera révèle le contenu d'une lettre, qui aurait du rester secrète, adressée par Jean-Claude Trichet et Mario Draghi à Silvio Berlusconi.

Et que manque-t-il pour que le contenu de leur lettre soit un programme de gouvernement ?

" Ci manca per l'esattezza giusto l'intenzione di pubblicare quel testo..." : il manque juste l'intention de publier ce texte-programme, d'annoncer ses intentions politiques comme il est coutume de le faire dans les pays démocratiques.

C'est en échange de son soutien contre les attaques des marchés financiers que la BCE se permet de prendre ainsi en mains en direct le destin de l'Italie.

D'après le Corriere dela Sera, cela faisait plusieurs jours qu'on se doutait que Frankfort dicterait sa loi à l'Italie, mais le journal est surpris du niveau de détails avec lequel le "programme de gouvernement" de la BCE pour l'Italie est développé.

C'est toute la structure de l'économie italienne qui doit, selon les banquiers centraux, être libéralisée : le programme de privatisations exigé est détaillé, et il s'étend jusqu'aux régies des collectivités locales. La lettre prévoit aussi un calendrier, qui doit être le plus rapide possible pour éviter qu'il se déroule durant l'année électorale 2013.

La lettre de Trichet et Draghi parle aussi du marché du travail, un sujet qui, en théorie, n'a pas été délégué par les Etats-membres à l'Union européenne. Les gouverneurs demandent plus de flexibilité, et, là encore, ils entrent dans les détails : facilitation des licenciements ; contrats à durée déterminée ; interventions sur le service public ; "dépassement" du système actuel, qui protègerait trop les salariés en place au détriment des jeunes et des précaires.

Le Corriere della Sera ajoute que ce programme n'est pas improvisé, et qu'il reprend des analyses sur l'Italie faites maintes fois, à Francfort en particulier, mais pas seulement.

On pourrait ajouter que ce programme est celui que la bureaucratie européenne souhaite pour toute l'Europe, et qu'elle a maintenant un moyen de chantage pour l'imposer aux peuples, puisqu'il conditionne l'aide de la BCE, cette aide dont tout pays peut avoir besoin à terme, puisque tous s'endettent à vitesse grand V en transférant sur le contribuable les pertes des banques, et en transférant sur les Etats les moins endettés la dette des autres.

Rappelons que ces possibilités de chantage des créanciers, relayés par le BCE, n'existent que parce que les Etats ont transféré aux banques leur pouvoir régalien de battre monnaie, pouvoir exorbitant qui ne devait en au aucun cas être privatisé comme il l'a été.

En France, cette privatisation date de la loi Pompidou-Rotschild de 1973, maintenant reprise aux traités européens. Depuis cette loi, l'Etat ne peut plus battre monnaie. Il doit donc emprunter aux banques. Celles-ci créent de la monnaie et la prêtent contre intérêts aux Etats. On n'a rien inventé de mieux pour se rémunérer de façon artificielle.


Lire l'article complet, et les commentaires