Que penser des gestes de la BCE et de la Banque de Chine ?

par Laurent Herblay
samedi 24 octobre 2015

Jeudi, Mario Draghi a surpris agréablement les marchés en annonçant un possible nouvel assouplissement de la politique monétaire, baisse des taux et rachat d’actifs. Vendredi, c’est la banque de Chine qui a lancé des mesures d’assouplissement pour soutenir la croissance. Qu’en penser ?

 
Stéroïdes pour les marchés
 
Le jugement des marchés a été unanime : le CAC 40 a pris plus de 200 points, dépassant les 4900 points, alors qu’il était tombé à un peu plus de 4300 au cours du mois de septembre, se rapprochant des plus hauts de l’année. Aux Etats-Unis, le Dow Jones a repassé le cap des 17 000 points. Les taux longs sont passés sous le cap des 0,8% en France, au plus bas depuis le printemps. Il faut dire que les politiques monétaires accommodantes des banques centrales profitent doublement au secteur financier. D’abord, en baissant le coût de l’argent, il regonfle les marges des banques et facilite le financement de tous les investissements, ce qui profite aussi au secteur financier par la multiplication des opérations industrielles (AB-InBev ou toutes les opérations de Patrick Drahi) et les restructurations qui en suivent.
 
Cet argent pas cher finance également les rachats d’action. Bref, parce que l’argent pas cher va d’abord à ceux qui en ont déjà, la réaction des marchés est logique puisqu’il s’agit pour eux, et les multinationales, de l’équivalent d’une baisse du prix de l’essence qui fait tourner la machine du capitalisme dérégulé. Avec les crédits faciles et bon marché, le capitalisme actionnarial dérégulé bénéficie du meilleur des carburants. Bien sûr, il ne faut nier que quelques misérables gouttes retomberont sur l’économie réelle, la bulle produisant un peu plus d’investissement, d’autant plus que l’euro reste bon marché et que les faibles taux ne profitent pas qu’à la finance, mais aussi au crédit à la consommation… Cela compensera temporairement, et quelque peu, les ravages de la désindustrialisation et des restructurations.
 
Nouvelle alerte à la bulle
 
Mais tout ceci montre deux choses. D’abord, cela démontre encore la puissance des politiques monétaires. On constate depuis des années que les banquiers centraux ont un impact déterminant sur la conjoncture, et donc sur la vie des citoyens. Quand on dénie de plus en plus aux dirigeants politiques la capacité à mener des politiques qui sortent d’un cadre très étroit (la Grèce en est un exemple criant), la capacité d’action des banquiers centraux ne semble pas avoir de limites : ils peuvent mettre les taux à 0%, voir moins, imprimer des quantités phénoménales d’argent et ils semblent être davantage devenus les boussoles des économies que les gouvernements. Mais, les banques centrales sont indépendantes posent un gros problème car elles sont alors hors du cadre démocratique et mine donc la démocratie.
 
Ensuite, comment ne pas imaginer que les torrents de liquidités déversés par les banquiers ne gonflent pas une autre bulle, qui éclatera tôt ou tard  ? Certes, les turbulences de l’été du marché chinois ont fait baisser la pression, mais ces annonces vont la nourrir. Le bilan des banques centrales a explosé depuis 2008, et le montant des rachats continue à être fort, même s’il a changé géographiquement. Comme le montre bien ce graphique de The Economist, les Etats-Unis ont été les premiers à dégainer, mais s’apprêtent à resserrer les conditions de crédits. La BCE, elle, agit tardivement et petitement, alors que le Japon a accéléré depuis que Shinzo Abe est arrivé au pouvoir. Et après avoir fermé le robinet à liquidités qui nourrissait une spéculation effrénée sur les marchés, la Chine semble changer de position.
 

Toute la question qui se pose maintenant, c’est de savoir ce qui se passera dans les mois et les années à venir. On peut parier sur un resserrement très lent et très modéré, qui ne commencera qu’aux Etats-Unis, laissant donc tout le temps à la bulle de gonfler, gonfler


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