Quelques compléments d’information au sujet du Portugal

par xavier dupret
samedi 7 octobre 2017

La presse a trouvé sa nouvelle coqueluche antiaustérité. Il s’agit du gouvernement portugais. Les bonnes nouvelles en provenance de Lisbonne se multiplient depuis peu. . C’est ainsi que la Banque du Portugal envisageait une croissance de 2,5% pour 2017 contre 1,8% au début de cette même année

La lutte contre l’austérité serait donc exemplaire au Portugal et constituerait même, d’après la presse spécialisée, un parangon de keynésianisme en Europe[1]. Hélas, les choses ne sont pas si simples. Pour s’en convaincre, on doit rappeler quelques notions au sujet du keynésianisme.

Keynésien ?

Ce courant de la pensée économique centre son analyse sur la nécessité de mettre au point une politique économique qui garantisse la stabilité du niveau de l’investissement au sein d’une économie. Pour s’en convaincre, on n’hésitera pas à sonder de près la « Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie » (1936), le chef d’œuvre de John Maynard Keynes himself. Chez Keynes, la détermination des volumes de la production et de l’emploi passe fondamentalement par la demande globale anticipée qui a deux composantes : les dépenses de consommation des ménages et les dépenses d’investissement des entrepreneurs. Or, d’après Keynes, l’investissement est plus important que la consommation pour agir sur la demande globale anticipée. « Les grandes lignes de notre théorie peuvent être décrites comme suit. Lorsque l'emploi croît, le revenu réel global augmente. Or, l'état d'esprit de la communauté est tel que, lorsque le revenu réel global croit, la consommation globale augmente, mais non du même montant que le revenu. Par suite, les employeurs réaliseraient une perte si l'emploi supplémentaire était consacré en totalité à produire des biens de consommation. Pour qu'un certain volume d'emploi soit justifié, il faut donc qu'il existe un montant d'investissement courant suffisant pour absorber l'excès de la production totale sur la fraction de la production que la communauté désire consommer lorsque l'emploi se trouve à ce niveau »[2].

De cette longue mais intéressante citation, on conclura donc que Keynes assigne pour but à la consommation de soutenir l’investissement selon les circonstances. En revanche, il n’y a aucune nécessité logique, dans le schéma keynésien, à ce qu’un accroissement de la consommation précède un boom de l’investissement, fondement de l’analyse et de l’action du keynésianisme. Autrement dit, le rétablissement de l’investissement doit, plus que l’augmentation du montant des retraites ou des salaires, caractériser une politique économique de type keynésien.

A ce sujet, force est de constater que de ce point de vue, le cas du Portugal pose singulièrement question. Procédons par ordre. Le gouvernement d’António Luis Santos da Costa a été porté sur les fonts baptismaux le 26 novembre 2015 Que constate-on après cette date ? Pour l’année 2016, on voit clairement une baisse de l’investissement rapporté au PIB. En 2015, la formation brute de capital représentait 15,5% du PIB portugais. L’année 2016 aura témoigné d’une chute de cette donnée clé au Portugal (15,3%). En comparant avec les années précédentes, on s’aperçoit qu’en 2016, le Portugal réalisait son troisième plus mauvais score dans le domaine depuis 2000. A la fin des années 2013 et 2014, le Portugal connaissait des taux d’investissement de 14,8% et de 15% respectivement. Par comparaison, le taux d’investissement moyen dans la zone euro pour les années 2015 et 2016 était de 20% du PIB[3]. D’évidence, la voie empruntée par le gouvernement Costa a été, sur ce point, fort peu fidèle aux enseignements de Keynes.

Cela dit, il faut bien reconnaître une tendance à l’amélioration. Le taux d’investissement, au terme de l’année 2017, devrait dépasser les 16% pour la première fois depuis 2012. On prendra soin de relativiser cette embellie. Nous sommes encore loin des niveaux d’avant la crise de 2007 -2008. A cette époque, le taux d’investissement au Portugal était supérieur à 23% du PIB[4].

Rien n’indique cependant que le regain espéré pour 2017 soit à mettre au crédit d’une augmentation des dépenses publiques au pays de Pessoa. En effet, on observe que le volume de la dépense publique a baissé après l’arrivée au pouvoir de la nouvelle coalition passant de 48,3 en 2015 à 45,1% du PIB en 2016[5]. Là encore, les théories keynésiennes semblent n’inspirer finalement que d’assez loin Lisbonne.

Tourisme

Un pays qui investit peu mais qui renoue avec la croissance, comment est-ce possible ? Et puis, est-ce durable ? La croissance portugaise serait essentiellement due au dynamisme du tourisme et à ses effets d’entrainement dans le secteur de la construction. Cela fait déjà quatre ans (soit avant l’arrivée de Costa au pouvoir) que les revenus tirés du tourisme connaissent une croissance à deux chiffres. Les investissements dans l’immobilier touristique ont contribué à tirer la croissance par le haut[6]. L’action du nouveau gouvernement aura permis de potentialiser cette croissance en dopant la consommation intérieure. La durabilité de l’opération ne saute pas aux yeux si l’investissement ne redécolle pas à Lisbonne dans un avenir très proche.

Comme tout n’est jamais ni tout blanc ni tout noir, on n’hésitera pas, pour le coup, à pointer la responsabilité de la Commission européenne. A l’heure où ces lignes étaient écrites, le Portugal n’était toujours pas sorti de la procédure pour déficit excessif alors que le déficit des finances publiques est repassé, et largement, sous la barre des 3% (-2,1%).

Sortir de ce cadre asphyxiant ne manquerait évidemment pas de redonner des marges de manœuvre au pays. Ce qui permettrait une relance des investissements public. C’est seulement à ces conditions que le Portugal pourrait alors vraiment adopter une orientation pleinement keynésienne.

Cela dit, l’exemple du Portugal permet de démontrer que dans des périodes de diminution structurelle du potentiel de croissance des économies, l’investissement public et la consommation des milieux populaires constituent des moteurs plus qu’intéressants de la relance économique. Il s’agit évidemment là d’une rupture majeure avec l’ordre austéritaire européen.

Après avoir mis une sourdine aux trompettes thébaines des partisans qui seraient déjà prêts à décréter que la fin de l’austérité est advenue, nous entreprendrons de livrer quelques pronostics sur le devenir de l’économie portugaise. Et comme d’habitude, nous n’hésiterons pas à prendre des risques (calculés, il est vrai).

Un (nouveau) problème européen en vue ?

Pour que Lisbonne puisse retrouver des margés de manœuvre sur le budgétaire, il ne faut pas seulement que son déficit (solde primaire) soit inférieur à 3%. Encore faut-il que les chiffres concernant son endettement public puissent séduire la Commission européenne. En effet, le volet « endettement public »a été intégré en 2005 au monitoring européen des finances publiques des Etats membres par un accord politique. De ce point de vue, les choses se présentent comme suit.

La dette publique du Portugal se trouvait à un niveau proche des critères de Maastricht avant que la crise n’éclate (68,4% du PIB en 2007). La crise, comme partout ailleurs dans le sud de la zone euro, a fait exploser l’endettement public du pays qui va passer, en 5 ans, à 126,2% du PIB en 2012. Depuis, la dette de l’Etat portugais s’est stabilisée autour de 129% du PIB.

On peut imaginer que la Commission européenne pourrait quelque peu pinailler puisque la dette publique portugaise a légèrement augmenté l’année dernière en passant de 129% à 130,6% du PIB en 2016[7]. Pour pouvoir espérer un abandon de la procédure de déficit excessif pour le Portugal, il faudra sans doute attendre la fin de l’année 2017. Si la croissance a tiré les recettes de l’Etat portugais vers le haut (ce que semble penser la Banque du Portugal), la dette en proportion du PIB devrait logiquement diminuer. C’est seulement à ces conditions que des pourparlers avec la Commission pourraient aboutir.

Si ces derniers échouaient, il ne serait pas illogique du tout d’accuser la Commission européenne de parti-pris. En effet, la Grèce est sortie, il y a peu, de la procédure de déficit excessif. Pourtant, l’endettement public grec a bondi entre 2015 et 2016 de 177,4 à 179% du PIB. Certes, la Grèce est « parvenue à dégager un excédent budgétaire de 0,7 % du PIB en 2016 et devrait rester en dessous du seuil de 3 % en 2017 et 2018, selon les prévisions de la Commission ».[8] Si le Portugal arrive à afficher deux déficits du solde primaire inférieurs à -3% du PIB, il ne devrait pas lui être radicalement impossible de sortir du carcan budgétaire européen. Sachant que l’intégration de critères liés à la dette publique dans la procédure de déficit excessif repose exclusivement sur un gentlemen’s agreement entre grands argentiers de la zone euro n’at jamais fait l’objet d’une transposition écrite, il ne sera pas trop difficile au gouvernement portugais d’arguer que seul le critère d’évaluation lié au déficit budgétaire doit être examiné. Sera-t-il entendu ? C’est une autre histoire.

Signalons, en effet, une divergence d’ordre interprétatif entre Lisbonne et Bruxelles. La chose pourrait, par-delà les arguties d’ordre technique, être lourde de conséquences. En mars de cette année, le gouvernement Costa a injecté 2,7 milliards dans le capital de Caixa Geral de Depósitos (CGD). Si Bruxelles décide de considérer cette recapitalisation comme une dépense à inscrire au budget 2017, le Portugal pourrait ne pas satisfaire à la règle des 3% de déficit. La perspective de la sortie de la procédure pour déficit excessif s’éloignerait alors logiquement. Les marges de manœuvre dont le pays a tant besoin pour redémarrer un programme d’investissements et voir une amélioration de la notation de sa dette sur les marchés ne seraient évidemment pas au rendez-vous, au prix, d’ailleurs, de bien des désillusions.

Contestation

Pour les partisans de la rupture avec l’austérité, le Portugal est en passe de revêtir un statut d’Eldorado pour alternatifs en quête d’un second souffle militant. Les indéniables difficultés traversées par les gouvernements « populistes » en Amérique latine ont, en effet, privé ces milieux, que l’on qualifiera un peu vite d’altermondialistes, d’un contre-modèle à opposer à l’idéologie néolibérale dominante ?

Après Caracas, Lisbonne va-t-elle devenir La Mecque de tous ceux qui sont aujourd’hui en quête d’ « un autre monde » ? Les plus ironiques souriront à l’idée que la jeunesse révoltée se tourne vers un gouvernement de front populaire dans lequel la social-démocratie joue un rôle prépondérant. Mais, après tout, pourquoi pas ? A chaque génération, son exotisme…

Ni la Révolution ni la résignation

Pour autant, on encouragera ceux qui, demain, s’appuieront sur ce qui se passe au Portugal pour contester l’ « ordolibéralisme » de la Commission européenne à ne pas idéaliser la situation portugaise. On gardera donc une saine distance critique avec les évènements en repérant la liste des défis qui ne manqueront pas de se poser à l’économie portugaise à court et moyen terme.

Auparavant, on examinera, tout de même, la liste des bonnes nouvelles en provenance du Portugal. Alors qu’en 2011, le pays était au bord de la banqueroute, Lisbonne affiche aujourd’hui des performances plus qu’appréciables. Le déficit du Portugal est ainsi tombé sous la barre fatidique des 3%. Le moins que l’on puisse dire est que cet indéniable succès tient à une forme de résistance particulièrement affirmée face aux diktats austéritaires du ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, qui s’est proprement couvert de ridicule lorsqu’à l’été 2016, il promettait un nouveau et douloureux plan de sauvetage au Portugal si ce dernier cessait de respecter ses engagements[9].

Rappelons-nous. A cette époque, le Portugal, tout comme l'Espagne, était dans le collimateur de la Commission européenne et faisait l’objet de sanctions financières pour avoir laissé filer son déficit tout au long de l’année 2015. A cette époque, le Brexit avait mis une pression maximale sur la Commission européenne. Cette dernière, vu le contexte, avait fini par renoncer à son projet initial d’infliger de lourdes amendes aux deux pays de la péninsule ibérique.
Le dérapage qui s’est produit au Portugal a des origines clairement politiques. En l’occurrence, il s’agit de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement exclusivement composé de sociaux-démocrates mais ne disposant pas d’une majorité au parlement. Ce gouvernement minoritaire a bénéficié d’un soutien extérieur de la part des élus de la Coalition démocratique unitaire (CDU), cartel électoral résultant de l’alliance entre le Parti Communiste portugais et du Bloco de Esquerda (Bloc de gauche).

Ce soutien s’est traduit par la mise en œuvre d’une série de micro ruptures avec l’ordre austéritaire au pouvoir, aujourd’hui, dans toute l’Europe. La lutte contre le déficit budgétaire va conduire le gouvernement d’António Luis Santos da Costa à trancher dans les dépenses afin de financer une relance du pouvoir d'achat des ménages portugais. Cette dernière avait pour axes stratégiques la revalorisation des prestations sociales ainsi qu’une diminution de la charge fiscale pesant sur les salaires.

Rien de bien révolutionnaire apparemment (mais il faut toujours se méfier des apparences). Il est vrai que le gouvernement Costa ne disposait pas spécialement de marges de manœuvres importantes lorsqu’il est arrivé aux affaires. Les marchés financiers étaient, en effet, aux abois. Le président conservateur de la république, Anibal Cavaco Silva avait tout fait pour discréditer l’action du gouvernement Costa en présentant la coalition de gauche comme incohérente et incapable d’apporter une solution satisfaisante aux problèmes du pays. De plus, l’exemple de la Grèce était là pour prouver qu’une politique de confrontation avec la Commission européenne n’aboutirait de toute façon à rien[10].

Situation en demi-teinte

Le Portugal est, en effet, un pays qui connaît de profonds déséquilibres macroéconomiques. La question des dettes, privées comme publiques, y reste particulièrement étouffante. En 2006, la dette publique du Portugal s’élevait à 133% du PIB. En soi, un tel chiffre ne veut a priori rien dire. Par exemple, la dette publique du Japon s’élève à 246,6% du PIB[11]. Et cela ne pose aucun problème puisque cette dette est largement financée par de l’épargne intérieure. Cette configuration particulière met à l’abri la dette publique nipponne d’attaques spéculatives.

Tel n’est évidemment pas le cas du Portugal. Ce dernier ressemble davantage à une nation périphérique qui, pour se financer, doit structurellement recourir à l’endettement extérieur. La dette publique de Lisbonne est, en effet, détenue à un peu plus de 65% par des investisseurs non-résidents[12].

C’est une première faiblesse. Elle est, hélas, loin d’être la seule. Voir sa dette détenue majoritairement par des non-résidents n’est pas forcément problématique. Le cas de la France s’avère, de ce point de vue, particulièrement emblématique. Fin 2016, 56% de la dette publique française était détenue par des non-résidents. Cet état de choses laisse pourtant peu de place à de mauvaises surprises pour l’économie française.

En effet, les ménages hexagonaux disposent d’une épargne abondante que l’on peut considérer comme un volant de liquidités permettant de refinancer la dette publique française sur une base davantage locale. Et c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer sans drame, à pas feutrés, de manière imperceptible, structurelle (et donc forcément décisive) puisqu’à la fin de l’année 2015, le taux de détention de la dette publique de long terme du Trésor français par des non-résidents était de 59%[13].

Cette baisse est d’ailleurs particulièrement spectaculaire si l’on envisage les choses à moyen terme. En 2009, le taux de de détention de la dette publique hexagonale par des non-résidents se situait égalait autour des 70%[14].

Un pays comme le Portugal ne jouit guère de tels avantages. Le pays ne se caractérise guère pas spécialement par une épargne privée abondante. Au contraire, la dette privée s’y situe à des niveaux impressionnants. La dette des ménages était de 143% du PIB en 2015. La patrie de Fernando Pessoa se situait en quatrième position pour cette variable au sein de la zone euro[15]. La faiblesse de l’épargne au sein de l’économie lusitanienne saute aux yeux lorsque l’on cherche à définir la position du pays en termes de solvabilité, c’est-à-dire en mesurant la différence entre le volume de la dette en pourcentage du PIB et la valeur des actifs qu’elle a servi à financer.

Pour cette variable, le Portugal présentait une déficience structurelle de l’ordre de 113,2% du PIB en 2013[16]. Il s’agit là d’une donnée particulièrement dégradée qui place le Portugal parmi les pays qui se caractérisent par les scores les plus défavorables dans ce domaine.

Une liste de défis longue comme le bras

Une des conséquences de cet état de chose est que l’Etat portugais ne peut guère compter sur les acteurs locaux pour s’autofinancer. Les bases de données d’Eurostat ne permettent pas, pour l’heure, de disposer de données plus récentes que celles arrêtées en 2013.

Nous doutons que le retour de la croissance ait permis d’améliorer cette situation hautement problématique. Et ce retour n’a pas grand-chose à voir avec un modèle d’accumulation reposant sur des perspectives de long terme. En effet, d’autres phénomènes expliquent ce retour de la croissance. La politique de dévaluation interne [renvoyant in fine à la baisse des salaires réels dans le pays], en ravageant les structures de l'économie portugaise, a davantage ouvert l'économie portugaise et les exportations représentent désormais 40 % du PIB contre 27 % avant la crise. Le retour de la croissance chez le voisin espagnol, notamment, tire donc les exportations et la croissance. De surcroît, la faiblesse de l'euro favorise les ventes de produits portugais désormais fort bon marché en dehors de la zone euro.[17]

L’économie portugaise repose en bonne partie sur la conjoncture de ses partenaires commerciaux au détriment d’éléments plus clairement endogènes. L’amélioration de la conjoncture explique depuis une dizaine de mois l’amélioration de la croissance mais vu la dépendance du pays à ses exportations, la tendance s’inversera inexorablement. Cette donnée n’incite guère à l’optimisme béat. Parallèlement, le secteur bancaire portugais ne rassure guère non plus.

Chacun garde en mémoire l’épisode durant lequel le gouvernement portugais a, en 2014, dû intervenir à hauteur de 4,4 milliards d'euros en faveur de Banco Espirito Santo avant que cette dernière ne soit divisée entre une structure saine (Novo Banco) et une structure de défaisance qui reprenait les actifs toxiques de Banco Espirito Santo.

C’est peu dire que depuis, le secteur bancaire portugais continue à montrer des signes de faiblesse. En décembre 2015, le gouvernement portugais venait à la rescousse de Banco Internacional do Funchal (BANIF). A l’époque, Lisbonne mettait en œuvre un plan de sauvetage de 2,2 milliards d’euros avant de séparer, comme cela avait été le cas avec Banco Espirito Santo, les actifs toxiques du reste du bilan bancaire. Les actifs sains ont été cédés au groupe espagnol Banco Santander pour un montant de 150 millions d’euros. C’était la deuxième opération de sauvetage bancaire au Portugal en mois de 18 mois.[18]

En mars de cette année, la première banque du pays, la Caixa Geral de Depósitos (CGD), était sauvée par le gouvernement. CGD, détenue à 100% par l’Etat portugais depuis 1993, est déficitaire depuis 2011. Le plan de sauvetage avalisé par la Commission européenne prévoit une recapitalisation pour plus de 4 milliards d’euros. Dans un premier temps, le gouvernement portugais a, en janvier 2017, pratiqué un jeu d’écritures en portant sa participation directe dans le capital de Parcaixa, une filiale de CGD. Montant de l’opération : 500 millions d‘euros. Ensuite, Lisbonne a mis en œuvre une conversion pour 945 millions d’euros de la dette de CGD auprès du Trésor portugais. Enfin, le gouvernement Costa a injecté du cash dans le capital de CGD pour 2,7 milliards d’euros.

Pour autant, la situation des banques portugaises est, pour l’heure, encore loin d’être assainie. Le Portugal affiche un taux de créances douteuses de 20% contre 4% en France et 2,7% en Allemagne[19]. On comprend que dans ces conditions, les agences de notation ne relèvent guère la note sur la dette souveraine du Portugal[20], ce d’autant que la dette publique de Lisbonne s'est encore alourdie l'an dernier. Voilà qui explique pourquoi l’administration Costa s’est engagée à faire glisser son déficit à 1,5% du PIB en 2017 en visant l’équilibre à l’horizon 2020. Il est vrai que la croissance du pays rend possible cette orientation sans toucher pour l’heure à la fragile (et relative) amélioration des conditions de vie des Portugais. Si la conjoncture venait à se dégrader au centre de la zone euro, le gouvernement Costa continuera-t-il à afficher cette volonté farouche de réduction des déficits ? Si oui, il faudra dire adieu au contre-modèle portugais…

 

[1] Lire à ce sujet The Economist, édition mise en ligne du 1er avril 2017.

[2] John Maynard KEYNES (1936), Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (traduit par Jean de Largentaye, 1942). Éditions Payot., Lausanne. 1942, p.45.

[3] Eurostat, septembre 2017.

[4] IMF, Cross Country Macroeconomic Statistics, Portugal, 23 septembre 2017.

[5] Eurostat, octobre 2017.

[6] IMF, Portugal Staff Concluding Statement of the 2017, Article IV Mission, June 30, 2017

[7] Eurostat, juillet 2017.

[8] Le Monde, édition mise en ligne du 25 septembre 2017.

[9] O Observador, édition mise en ligne du 29 juin 2016.

[10] The Guardian, édition mise en ligne du 25 novembre 2015.

[11] OCDE, juin 2017

[12] Eurostat, janvier 2016.

[13] Banque de France, Stat Info, Émission et détention de titres français au 31 décembre 2016, 13 avril 2017

[14] Guillaume Leroy, Qui détient la dette publique ?, Fondapol, avril 2011, p.16.

[15] OCDE, data base, juin 2017.

[16] Eurostat, juin 2017

[17] La Tribune, 27 août 2015.

[18] Financial Times, édition mise en ligne du 21 décembre 2015.

[19] Autorité Bancaire Européenne, avril 2017.

[20] Les Echos, édition mise en ligne du 16 juin 2017


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