Qui est riche ? Qui est pauvre ?

par Voris : compte fermé
mardi 23 janvier 2007

Qui est riche ? Qui est pauvre ? Si richesse est synonyme de fortune, payer l’impôt sur la fortune est la marque que l’on est riche. Eh bien non !, selon François Hollande qui paie l’ISF mais qui n’est pas riche, puisqu’il déclare ne pas aimer les riches. Il est de bon ton de dire que c’est la hausse du coût de l’immobilier qui fait que l’on tombe sous le coup de l’ISF. Mais à qui les contribuables de l’ISF vont-ils faire croire qu’ils ne sont pas riches ? Aux Français qui dorment dans la rue ou dans leur voiture, à ceux qui se privent de vacances, les mêmes auxquels on dit qu’il faudra travailler plus ? Mais non, François Hollande n’est pas riche : les riches ce sont les autres ! Ce sont ceux qui ont le culot de mériter par leur travail un revenu de 4000 euros par mois.

1 - Qui est riche ?

- Si l’on se base sur le revenu :

Existe-t-il un seuil à partir duquel on est considéré comme riche ?, demandait Christine Okrent aux invités politiques du plateau de France Europe express, dimanche 21 janvier. Non. S’il existe un seuil de pauvreté officiel au-dessous duquel on est considéré comme pauvre, aucun seuil de richesse n’a été fixé. Certains se risquent à des propositions : La revue Alternatives économiques préconise de s’appuyer sur la logique qui permet de définir le seuil de pauvreté (voir plus loin : "Qui est pauvre ?"). Ce qui reviendrait à dire que (en 2004) l’on commencerait à être riche à partir de 2364 euros de revenus disponibles par mois pour une personne seule et 4469 euros par mois pour un couple. On voit que cette méthode est absurde : qui peut se considérer riche avec ces revenus ?
En définissant un seuil à partir duquel il faudrait payer plus d’impôts, François Hollande semble vouloir aussi donner une forme de réponse. Le seuil de 4000 euros marquerait l’entrée du contribuable dans la catégorie des bienheureux riches. Quant au CERC (Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale), il considère comme riches les personnes qui appartiennent aux 10% les plus aisés sur le plan des revenus.
Mais la transparence des revenus n’est pas totale, ce qui fait que l’on ne sait pas exactement à combien s’élèvent les revenus en France. En effet, les données sur les revenus diffusées par l’INSEE proviennent des déclarations de revenus, qui n’enregistrent par exemple que 20 % des revenus des actions ou des obligations (voire moins si l’on ajoute l’assurance-vie) et seulement 46 % des revenus des patrimoines immobiliers. Autre exemple, les professions indépendantes, contrairement aux salariés, peuvent déduire une partie de leurs dépenses.


-Si l’on prend en compte aussi le patrimoine :

En réalité, il ne faut pas se focaliser comme le Cerc ou Hollande sur les seuls revenus de l’activité. Il faut aussi regarder du côté des patrimoines. En effet, l’Insee relève que les 10 % des ménages les plus riches possédaient, en 2004, 46 % de l’ensemble du patrimoine. Chacun des 350 000 ménages les plus riches possédait un patrimoine d’au moins 1,27 million d’euros. A l’autre bout, chacun des 625 000 ménages les moins favorisés ne possédait que 230 euros (contre encore 520 euros en 1992).
Or, le coût de l’immobilier ne cessant de monter (85 % d’augmentation depuis 2000), cette minorité de possédants a vu sa fortune monter. Pointer du doigt ceux qui travaillent n’est donc pas juste ni suffisant. Pourtant, il est vrai que, comme le dit François Hollande, 70 % des baisses de l’impôt sur le revenu depuis 2002 ont profité aux 10 % des foyers les plus riches ; Ce fait est confirmé par les chiffres de la Cour des comptes. La baisse des barèmes a profité à une minorité de contribuables aisés. Mathématiquement, cela s’explique parce que l’impôt sur le revenu est progressif. Si on le baisse, cela profite aux revenus élevés.

2 - Qui est pauvre ?

Ici la réponse est plus simple. La définition de la pauvreté est donnée par l’Insee : Un individu est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Et l’Insee fixe ce seuil à 50% du niveau de vie médian (qui est le niveau pour lequel la moitié des personnes ou des ménages gagne moins). Donc actuellement en France, un individu est officiellement considéré comme "pauvre" quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 645 euros. Selon cette définition, la France comptait en 2004 entre 3,6 et 6,9 millions de personnes pauvres. Entre 1,6 million et 2,9 millions de ménages étaient dans cette situation. La part de personnes pauvres serait comprise entre 6 et 11,7 %.

Mais attention, d’une part la mesure de l’Insee ne comprend pas les revenus du patrimoine, ce qui minimise le revenu médian et par voie de conséquence le seuil de pauvreté. D’autre part, tous les pays ne calculent pas de la même manière le seuil de pauvreté, ce qui rend donc difficiles les comparaisons entre eux. Quand l’Insee fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian, Eurostat le place à 60 %. Cependant, pour favoriser les comparaisons, l’Union européenne a développé dix-huit indicateurs communs.

Aux Etats-Unis, on définit le niveau de pauvreté d’une autre manière : en fonction des produits et services jugés indispensables. Ainsi on considère qu’un individu moyen consacre moins du tiers de ses revenus aux dépenses alimentaires essentielles. Il est donc pauvre s’il doit y consacrer 40 %, 50 % ou plus de son revenu.

Il convient enfin de distinguer la pauvreté monétaire de la pauvreté au sens plus large du terme. Le chiffrage par l’INSEE et Eurostat ne mesure que la pauvreté monétaire. Si l’on ajoute à la catégorie des pauvres au sens monétaire les personnes qui cumulent des conditions de vie difficiles et de faibles ressources, conduisant à des privations, en 2004 près du quart de la population de la métropole (22%) appartient à l’une ou l’autre de ces deux catégories. 5 % des individus cumulant les deux formes de pauvreté. 11,7 % ont été affectés par la pauvreté en conditions de vie (c’est-à-dire sujets à de nombreuses privations).

La pauvreté, pour être réellement mesurée, doit donc être appréhendée dans ses aspects divers. Le CERC cite l’exemple de l’Irlande où la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté a été fondée sur des analyses multidimensionnelles de la pauvreté. Aujourd’hui, des acteurs de la lutte contre la pauvreté réclament la mise en place d’indicateurs régionaux.

La pauvreté change de visage. Après avoir longtemps touché les retraités, elle touche aujourd’hui beaucoup de chômeurs.

Pour aller plus loin :

Le site du CERC
Le site de l’INSEE rubrique "revenus"
Le site de l’obervatoire des inégalités rubrique "revenus"


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