Réforme bancaire : la leçon britannique

par Henry Moreigne
mercredi 6 février 2013

La France en a rêvé. La Grande-Bretagne est en passe de la réaliser. La mise au pas du secteur financier est en discussion outre-Manche sous la pression d'une population excédée par les fraudes, manipulations et rémunérations indécentes.

La multiplication des scandales bancaires, tout comme les révélations sur le niveau des bonus dans la City, ont contraint les libéraux britanniques au pouvoir à s'attaquer à la régulation d'un secteur clé de leur économie : la finance.

Non content d'être à l'origine de la crise de 2008-2009, le secteur financier après avoir été sauvé par les pouvoirs publics avec l'argent du contribuable a renoué ces dernières années avec ses vieux démons. Les derniers scandales du Libor (taux interbancaire) et de l'Eurolibor ont définitivement convaincu les Britanniques que la pierre angulaire du système à savoir la confiance et les gentlemen's agreement relèvent d'une éthique qui appartient désormais au passé.

La classe politique du Royaume-Uni a compris qu'elle était assise sur un baril de poudre et qu'elle avait intérêt à prendre des mesures adaptées pour éviter que les erreurs des banquiers ne conduisent à l'avenir, en cas de faillite, à faire payer le contribuable.

D'où l'idée de séparer les activités de crédit, de dépôt de celles dites de spéculation afin d'éviter que les banques mal en point sur les marchés financiers ne répercutent leurs problèmes à leurs clients particuliers.

Le concept n'est pas nouveau. Cette séparation a existé dans plusieurs pays, et notamment aux Etats-Unis, avec le fameux "Glass-Steagall Act" à la suite du krach boursier de 1929 avant de s'effacer progressivement à partir des années 1970 et d'être abrogé en 1999.

En 2010, le rapport Vickers avait préconisé le recours à cette séparation en Grande-Bretagne sans toutefois offrir des moyens coercitifs pour forcer les réticents à appliquer pleinement ses recommandations.

Coup de tonnerre lundi 4 février. George Osborne, ministre britannique des finances a menacé d'imposer une séparation totale entre banque de détail et d'investissement si aucun cloisonnement n'est mis en œuvre. Le ministre de David Cameron veut que les activités de dépôt, garanties par l'Etat, soient "sanctuarisées" pour assurer qu'en cas de faillite, le Trésor ne soit pas amené à sauver la banque commerciale.

Dans le même temps, le gouvernement de sa gracieuse Majesté a annoncé courant 2013 une réforme qui revisitera la régulation bancaire. La Financial Services Authority (FSA), tutelle actuelle de la City, devrait disparaître au profit de deux nouveaux organismes de régulation.

La fermeté britannique contraste avec le modeste projet de réforme français. "Mosco le tiède contre Osborne le dur ?" s'interroge ainsi le site Arrêt sur Images. Il est vrai que le projet du ministre de l'Economie et des Finances est très éloigné des déclarations de campagne de François Hollande.

En France, seules les activités spéculatives réalisées par les banques pour elles-mêmes, en leur nom propre, devraient ainsi être isolées de leurs activités de dépôt. Soit à peine 2 ou 3% du chiffre d’affaires de banques françaises comme BNP Paribas ou la Société générale. Cet abandon en rase campagne d'une scission parfaite entre les deux types d'activité s'explique en partie par le lobbying du secteur bancaire français qui au titre de la défense de son modèle de banque universelle a procédé à un véritable chantage à l'emploi sur ses 400 000 salariés.

Et pourtant, le sujet n'est pas exclusivement économique. La réforme de la structure des banques constitue un enjeu démocratique majeur selon un rapport de l'universitaire Laurence Scialom pour la fondation Terra Nova.

Le volontarisme du Royaume-Uni sur le sujet devrait renforcer le désir de députés français socialistes, communistes et mêmes centristes (UDI) de "muscler" le texte par le dépôt de nombreux amendements. Seule l'UMP s'est inquiétée d'un durcissement possible. De son côté, Pierre Moscovici défend la décision du gouvernement de ne pas scinder en deux les banques françaises en faisant valoir que leur modèle de banque universelle, alliant activités de détail et de marchés destinées au financement des grandes entreprises, était utile à l'économie nationale.

crédit photo : Finance responsable


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