Réforme du crédit à la consommation

par denis cotte
lundi 7 juin 2010

Pendant les travaux parlementaires, le massacre continue !

Un établissement de crédit français, défenseur officiel du crédit responsable (ne le seraient-ils donc point tous ?), propose actuellement à tout candidat souhaitant ouvrir chez lui ’un crédit renouvelable sans carte’ l’offre spéciale de bienvenue suivante :
Dans l’article expliquant le caractère sournois du traitement de l’assurance facultative ’comprise dans l’échéance de remboursement’ (voir www.http://moncreditpropre.com, article ’Alerte - Assurance’), nous donnions deux exemples de coût du crédit pour un revolving de 3 000 €, dont les caractéristiques de remboursement étaient les suivantes : échéance mensuelle de 90 €, taux d’intérêt débiteur de 17,70% (correspondant à un TAEG de 19,36%), assurance mensuelle de 0,60 %.
Si un client ayant adhéré à l’assurance facultative ’profite’ d’un report de 3 mois payant, c’est-à-dire ’produisant des intérêts (et vraisemblablement des primes d’assurances) aux taux en vigueur’, quel en sera l’impact sur la durée et le coût total de son crédit ?
 
En mathématiques financières, du fait du calcul d’intérêts dits ’composés’, le coût total du crédit augmente de manière exponentielle (et non de manière linéaire comme le grand public peut intuitivement l’imaginer).
 
Quel résultat entraîne donc ce mode de calcul dans le cas d’un report 3 mois non offert par le prêteur (en crédit revolving, dans la grande majorité des cas, ce report est en effet réellement ’offert’ par l’établissement le proposant).
 
Calculés aux mêmes conditions que dans nos deux exemples précédents, la durée de remboursement d’un prêt de 3 000 euros est de 64 mois (durée du crédit égale à 67 mois dont 64 avec remboursement), et le coût total du crédit est de 2 735,29 € (soit un montant presque équivalent au montant du prêt lui même !).
Le report de la date de démarrage des remboursements de 3 mois entraîne donc un allongement de six mois de la durée de remboursement et un surcoût du crédit de 577,04 € (le coût du crédit est ainsi augmenté de 27% grâce à cette offre de bienvenue).
 
L’explication de ce phénomène est la suivante : avec une échéance de 90 €, le client mettra plus de six mois pour amortir le montant des intérêts et primes d’assurance débités pendant la période de report puis au cours de cette même période de six mois, ce qui revient à dire qu’il ne reconstituera un montant utilisable qu’à la fin du dixième mois (correspondant au septième mois de remboursement).
 
A ce stade de l’analyse de l’opération spéciale de bienvenue offerte par notre prêteur, nous devons nous poser les questions suivantes :
D’un point de vue juridique, aussi stupéfiant que cela puisse paraitre, cette offre est tout à fait légale. On ne peut donc que juger l’établissement la proposant comme étant plus ’malin’ que ses concurrents qui n’osent pas mettre sur le marché une telle offre.
 
D’un point de vue moral, cette offre spéciale est à proprement parler odieuse, et pourrait presque être comparée à une escroquerie. En effet, qui peut sérieusement justifier que le total des remboursements d’un crédit à la consommation soit quasiment égal au double du montant emprunté ?
 
En fait, cette offre spéciale a la couleur d’une escroquerie, le goût d’une escroquerie, l’aspect d’une escroquerie, mais... ce n’est juridiquement pas une escroquerie. C’est un concept inédit, inventé par les nouveaux petits princes de la finance : c’est une escroquerie Canada Dry, que notre droit ignore encore !
Si de plus, on précise que cette offre spéciale est proposée par l’autoproclamé inventeur du crédit responsable, on doit se pincer pour être sûr de ne pas rêver, et on ne peut que se rendre à l’évidence suivante : le projet de loi Lagarde doit impérativement être sérieusement amendé, afin de mieux tenir compte de la réalité si peu reluisante du terrain.
 
D’un point de vue économique, cette offre spéciale est suicidaire car elle contribuera à la formation de la bulle revolving, qui, lorsqu’elle éclatera, emportera inéluctablement avec elle (par effet de contagion) de nombreux autres portefeuilles de crédits à la consommation.
 
Le crédit revolving proposé par cet établissement est-il un crédit responsable, ou un crédit potentiellement responsable... du surendettement.
 
Conclusion
 
Si vous avez aimé la crise des Subprimes, vous allez sans aucun doute adorer sa petite soeur, la crise des Crédits Revolving ; elle pourrait faire aussi bien, voire mieux si les mêmes pratiques ’spéciales’ s’étendaient au monde entier, et si les spécialistes du revolving avaient la bonne idée de titriser leurs nouvelles créances toxiques.
 

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