Relance béotienne ou keynésienne ?

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vendredi 5 décembre 2008

C’est aujourd’hui que notre président bien-aimé lançait son énième plan de relance économique, à Douai. Force est de constater que la France est en panne à tous niveaux, le chômage touche désormais 7,7% de la population active, le CAC40 a connu une baisse de 50% en l’espace de dix mois, la croissance à 0,90% début 2008 chutera à -0,40 début 2009. Christophe Barbier dans son l’édito affirmait à raison, « qu’avec la relance, il s’agit non plus de tenir les promesses de la campagne mais d’amortir le choc de la récession ».

L’Europe avait permis de contenir temporairement les premiers effets de la crise, le sauvetage de Dexia en était l’exemple emblématique. Mais dans l’amorce d’un véritable plan de relance économique à l’échelle européenne, la machine avait tendance à s’enrayer. Désormais chacun privilégiait une solution nationale et ce même si un plan de relance de 200 milliards avait été présenté la semaine dernière, il manquait cruellement d’ambition et de cohésion. Nicolas Sarkozy avait cherché un consensus, en vain…

Après les 320 milliards investis pour la garantie d’Etat des prêts interbancaires, les 40 milliards investis pour la recapitalisation des banques, les 22 milliards pour un plan de soutien aux PME, les 20 milliards pour la création d’un fond stratégique d’investissement, le discours de Douai était l’occasion d’annoncer, le nouveau plan de relance économique à la “Française”. Dès les premières minutes, Sarko joue la carte alarmiste, en affirmant que le monde qui va naître après la crise, ne sera plus le même, il « sera profondément différent ». Puis il affirme que sa réponse à lui face cela, c’est un « investissement », auquel il rajoutera plus tard, les adjectifs « ambitieux » et « massif » Au delà de cette sémantique grandiloquente si chère à notre président, il est nécessaire de revenir sur les différents axes, de ce projet de relance avoisinant les 26 milliards d’Euros.

Il est amusant de noter qu’en l’espace d’un an, Sarkozy grand chantre d’un libéralisme hayekien, se met aujourd’hui à faire du keynésianisme. Il n’est pas le premier, de Gordon Brown à Hu Jintao, tout le monde, se remet à consulter le grand économiste britannique. Ça se traduit bien souvent, par une relance de l’investissement public mais également par une stratégie d’augmentation du pouvoir d’achat des ménages. Force est de constater que dans le plan de Douai, il s’agit plus d’une aide sectorielle qu’une véritable relance globale.

Deux secteurs à la peine en sortent grandis. Tout d’abord l’automobile, avec la prime à la casse qui passe de 300 à 1000 euros. Le problème de cette initiative lancée sous Bérégovoy puis repris par Balladur et Juppé, c’est qu’elle est bénéfique dans l’instant mais sur le long terme, elle rompt la dynamique du marché. Une autre mesure, assez habile, c’est le remboursement hâté des filières bancaires proches du secteur automobile, à hauteur de 11 milliards. Ceci afin de leur permettre de soutenir plus activement les entreprises françaises. En faveur du BTP, des projets en stand-by faute de financement, vont être relancés. Le but est d’entreprendre de grands travaux publics de toutes sortes, qu’ils soient fluviaux, ferroviaires ou bien encore de rénovation public (universités et hôpitaux). Un investissement de 600 millions d’euros est consenti pour augmenter les logements sociaux qui passeront de 30 000 à 100 000. Pour que les foyers les plus modestes puissent accéder à la propriété, le prêt à taux zéro sera doublé mais seulement à partir de l’année prochaine.

Pour conclure, on pourrait dire qu’il est toujours difficile d’analyser un plan lors de son lancement, tout simplement parce qu’il se juge, à ses effets et non à ses annonces. Un secrétaire d’Etat ou un ministre sera d’ailleurs spécifiquement chargé de conduire cette relance, une première. Néanmoins, cet investissement à hauteur de 15,5 milliards d’Euros va porter à près de 4 points notre PIB l’an prochain contre 3,4 initialement prévu. Sachant que la dette publique avoisine les 1300 milliards d’euros, on creuse le déficit de 0,8 point de PIB dans le but de créer de la croissance. Alors il est vrai que les fonds ne proviendront pas uniquement de l’Etat mais aussi de grandes administrations publiques et des collectivités territoriales mais la France peut-elle encore se permettre, un tel « investissement  » ?

L’ancien ministre de l’économie socialiste, Michel Sapin considère que «  la France a brulé ses cartouches budgétaires avec le paquet fiscal et n’a plus du tout de marge de manœuvre. C’est un plan de relance croupion ! ». Il est vrai que beaucoup de chantiers annoncés notamment ceux du BTP vont demander du temps avant d’être mis en place et verront vraisemblablement le jour, quand la France va sortir de la crise. Il aurait sans doute mieux fallu combattre cette dépression, en relançant le pouvoir d’achat. Alors certes, une prime de Noel va être reversée aux bénéficiaires du RSA mais c’est beaucoup trop peu pour relancer la consommation des ménages. Enfin lorsqu’on lit le dossier de l’Express cette semaine, consacré aux gaspillages en matière d’assurance-maladie, de logement ou bien même de formation, on se dit qu’avant d’endetter notre pays jusqu’à la lie, il aurait peut être mieux fallu engager une politique plus rigoriste en matière de gestion de l’argent public. Alea Jacta Est ! Désormais, il ne nous reste plus qu’à nous convaincre du caractère visionnaire de notre président. Autant dire, que ce n’est pas gagné…

Mancioday

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