Renault, Alstom, Areva, EDF, Alcatel, PSA : la France en solde
par Laurent Herblay
vendredi 6 novembre 2015
Aujourd’hui, le Conseil d’Administration de Renault se réunit. On dit que pourrait être évoquée une révision des principes de l’alliance entre l’ancienne Régie et Nissan et qu’Emmanuel Macron pousserait à une fusion. Nouvel épisode dans la désolante série des abandons de nos gouvernements ?
Nos joyaux industriels en solde
Ces dernières années, de nombreuses entreprises françaises ont été rachetées par des groupes étrangers. Souvent, on parle de fusion, mais cela cache une prise de contrôle quand un des deux partenaires pèse plus que l’autre. Cela a été le cas pour Arcelor, dont la fusion avec Mittal était contestable du point de vue de la concurrence en outre. On peut aussi déplorer le rachat de Péchiney par Alcan, et certains contestent même les modalités de la constitution d’EADS, qui aurait été plus favorable aux Allemands. Mais dernièrement, les rachats se sont multipliés. General Electric a bouclé l’acquisition d’une grande partie d’Alstom, avec l’aide d’un Arnaud Montebourg dont on peut alors trouver après coup une forme de logique à ce qu’il ait tant vanté le « made in France » et non le « fabriqué en France ».
Puis, c’est l’autre moitié de l’ancien Alcatel-Alsthom, qui vient d’être gobé par Nokia, tournant définitivement la page d’une des plus belles entreprises de notre pays à la fin du 20ème siècle. Et il y a aussi des évolutions plus insidieuses, dont on peut se dire qu’elles représentent une forme de ver dans le fruit. A ce titre, la prise de participation dans le capital d’Areva par le Chinois CNNC, défendue par le gouvernement, est effarante. Qui peut penser une seconde que les intentions de ce partenaire servent la France ? Soit la Chine vise une prise de contrôle à terme, soit la facilitation de transfert technologique pour nous concurrencer. A ce titre, il est très inquiétant qu’EDF s’appuie sur un partenaire Chinois pour construire ses EPR en Grande-Bretagne. Ainsi, la Chine s’achète un apprentissage à bon compte.
Les bisounours de la globalisation
Malheureusement, nos dirigeants laissent faire, même si, occasionnallement, ils mettent des limites (on peut penser à Danone ou à Nicolas Sarkozy avec Alstom, moins regardant à la question quelques années après). Comme les Britanniques, nos dirigeants ne semblent pas véritablement se soucier du devenir des grandes entreprises Françaises, que les multinationales semblent pouvoir venir acheter à leur guise. On peut penser au cas scandaleux de PSA, l’Etat ayant laissé entrer une entreprise Chinoise (encore une fois) au capital de l’entreprise, en même temps que lui, à un moment particulièrement intéressant. On peut donc craindre que la réaction aux développements actuellement en cours chez Renault ne soit pas à la hauteur des enjeux. En effet, Renault est historiquement l’acteur dominant de l’alliance.
Cela a une raison : c’est l’entreprise Française qui a sauvé l’entreprise Japonaise. Mais à date, la seconde est devenue plus forte que la première et ses dirigeants ne gouttent guère l’influence de l’Etat, accrue par un changement législatif donnant une prime aux actionnaires historiques. Malheureusement, aujourd’hui, une fusion reviendrait à une prise de contrôle de Renault par Nissan. Cela est d’autant moins acceptable que le moment est défavorable à notre Régie, qui commence à profiter du retournement tardif du marché européen et surtout d’une offensive produit réussie qui devrait considérablement la renforcer en 2016 et en 2017, avec le renouvellement de toute son offre haut de gamme et le lancement du Kadjar après celui du Captur. Un tel timing serait extrêmement défavorable aux intérêts de la France.
Heureusement, certains symboles semblent encore freiner nos dirigeants dans l’adoption du comportement britannique, totalement indifférent au destin des entreprises nationales. Mais sur le fond, il ne s’agit que d’un rythme un peu plus lent, tellement nous avons déjà laissé filer des pans entiers de notre industrie.