Restaurer l’utilité publique des entreprises

par Jean-Marie
samedi 28 mars 2009

La rébéllion populaire qui gronde depuis le début de l’année démontre, à l’envie, l’exacerbation du conflit d’intérêts entre l’utilité publique des entreprises et leur finalité privée. Une reflexion inspirée de l’expérience rhénane devrait permettre de rééquilibrer cette situation sans détruire les mécanismes de l’économie factuelle.

Les conflits nés de la crise conduisent à s’interroger sur l’utilité de l’entreprise. Les réponses à cette question peuvent se répartir en quatre catégories :
L’entreprise sert à créer des biens et des services.
L’entreprise fournit des emplois et des salaires.
L’entreprise paye des dividendes et dégage des plus values.
L’entreprise verse des taxes et dote l’état des moyens de sa puissance.

Quelle priorité devrait on donner à chacune de ces utilités ?

Cela dépend de qui répond : le consommateur, le salarié, l’investisseur ou le politique.

Oui mais dans les faits, de quelle priorité ces buts disposent ils effectivement ?
Compte tenu du fait, avéré, que l’on y sacrifie désormais tout le reste, il est patent que la priorité absolue est donnée au versement des dividendes et à la création des plus values boursières.



Le choix de cette priorité est il le résultat d’une nécessité vitale ou bien d’un rapport de forces ?

Le MEDEF et les banquiers tentent lourdement d’accréditer l’idée qu’il s’agit d’une fatalité incontournable mais l’histoire a largement démontré que le capitalisme n’est pas monolithique et qu’il existe des capitalismes en dehors du seul capitalisme financier qui a déferlé sur la planète.

Par exemple, le troisième Reich, aussi haïssable fut il, nous a administré la preuve de l’efficacité du capitalisme national en propulsant l’Allemagne d’une situation de quasi faillite sous la république de Weimar à une situation de première puissance du monde à la veille du dernier conflit mondial, et il n’est pas exclu que ce capitalisme là serve encore de modèle à l’économie de quelques états toujours lancés dans l’aventure nationaliste.

Le capitalisme Gaulliste a ensuite permis de reconstruire rapidement, sous la houlette des grands commis de l’état, une France préalablement détruite, démoralisée et vaincue.

A l’inverse, le capitalisme financier aura culminé dans la crise après avoir propagé la désindustrialisation et la déstructuration sociale.

On peut donc légitimement suspecter que le choix de la priorité à la rémunération du capital et du patronat ne soit que le résultat de la toute puissance des actionnaires au sein des conseils d’administration.

La légende selon laquelle il est indispensable de surrémunérer l’investissement et le patronat a vécu, elle se craquelle de toutes parts. Les combats d’arrière garde menés en sa défense par Mr Bouton et Mme Parisot ne témoignent plus que d’une seule évidence : la perte de réalisme d’une pensée occidentale qui, ayant réduit la totalité de l’activité humaine à sa seule dimension de captation des profits, est tombée en décadence, risquant d’entraîner dans sa chute l’influencece politique des états unis d’Amérique et de la communauté Européenne.

Les effets délétères de cette pensée déliquescente et perverse sont tangibles : par exemple, beaucoup d’ingénieurs de l’époque d’après guerre avaient pour but de concevoir qui des automobiles, qui des trains, qui des avions, qui des téléviseurs ou des centrales électriques etc Le "business" est venu de surcroît, après qu’ils eurent créé ces biens.

Beaucoup d’ingénieurs de la nouvelle génération, piégés dans le management par objectifs, ne songent plus qu’à développer le "business" et en viennent à considérer l’activité de création des biens comme un coût qu’il faut réduire a l’extrême ou dont il faut se débarrasser. Ceci, ajouté à la rapacité des intermédiaires et des financiers, résulte en délocalisations, contraintes à la baisse sur les salaires et les droits sociaux, économies sur la recherche, la santé, perte de savoir faire, de moyens industriels, de liquidités etc.

De là à en déduire qu’à l’inverse, la rémunération du capital est critiquable, il y a un pas que franchirent les soviets avec les conséquences que l’on sait. Bien que cette rémunération ne puisse plus être considérée comme la priorité, elle n’en reste pas moins une condition nécessaire à la survie des entreprises et au fonctionnement du système économique factuel.

La problématique posée à nos dirigeants politiques par la crise et par la rébellion populaire, est double :
Comment restaurer l’utilité publique de l’entreprise sans décourager l’investissement ?

Puisque le choix des priorités n’est que le reflet des rapports de forces, il faut rééquilibrer le pouvoir au sein des conseils d’administration : on pourrait imaginer trois tiers afin d’éviter les chocs frontaux tout en permettant le jeu des majorités : un tiers d’actionnaires, un tiers de salariés, un tiers de représentants de l’état.

Dans un tel dispositif les actionnaires n’ayant plus le pouvoir d’essorer l’entreprise à leur convenance risquent de se décourager et de ne plus investir. Il y a donc lieu d’offrir à l’actionnaire une part limitée mais garantie de retour sur investissement, ce qui pose la question de la création d’une caisse d’assurance profit, à l’échelle Européenne de préférence, voire plus étendue si possible. Jadis les armateurs Vénitiens eurent recours à de telles assurances, alimentées par une dime prélevée sur les cargaisons, pour indemniser les nombreux naufrages qui altéraient leur commerce.


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