Sale temps pour le FMI et la Banque mondiale

par Théophile Kouamouo
jeudi 3 mai 2007

Paul Wolfowitz, président de la Banque mondiale, secoué par un scandale. Hugo Chavez, président du Venezuela, annonce son intention de retirer son pays du FMI et de la Banque mondiale. L’ère de la toute-puissance des institutions de Bretton Woods est-elle finie ? Serait-ce un bien pour les pays pauvres ?

Tout pouvoir a une fin. Devenus incontournables grâce à la mode des « programmes d’ajustement structurel », sous fond de fin de guerre froide et de soumission de tous les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux à leurs analyses, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale étaient craints dans les palais présidentiels, les ministères des Finances et toutes les administrations financières des pays en développement. Grands prêtres de la bonne gouvernance, ses représentants-résidents et ses chargés de mission étaient révérés. Ils pouvaient faire sombrer les économies, les pays et les régimes. Ils étaient l’alpha et l’oméga.

Mais ces dernières années, les choses sont en train de changer. Les deux vénérables institutions ploient sous le poids des critiques et redoutent leur marginalisation.

La fronde est venue de l’intérieur. Notamment quand Joseph E. Stiglitz, ancien vice-président de la Banque mondiale, a publié, en 2002 son livre La Grande Désillusion, après avoir démissionné avec fracas. Dans son ouvrage, Stiglitz stigmatisait l’arrogance des « missionnaires » de ces institutions, qui portaient un regard condescendant sur les pays-clients du Sud et qui voulaient avoir raison même quand ils avaient tort. Il dénonçait, en gros, une technostructure irresponsable.

Les bouleversements de la mondialisation ont fait le reste. Se détachant des règles du FMI, la Chine, qui veut se positionner en puissance mondiale alternative et mobiliser les matières premières nécessaires à son expansion, s’est libérée des contraintes du FMI et a décidé de faire des prêts avantageux aux pays en développement, et différents types de business - on a ainsi vu la notion de « troc » revenir.

Isolés par le FMI et la Banque mondiale, certains pays ont testé la capacité de mobilisation de l’épargne intérieure, et en ont été édifiés. En Côte d’Ivoire par exemple, l’Etat lance un emprunt obligataire par appel public à l’épargne tous les ans, et récolte facilement ce qu’il attend - cette année, l’emprunt s’élève à 30 milliards, et le taux d’intérêt est de 6% sur trois ans.

Dans ce contexte, la révélation des malversations de Paul Wolfowitz, figure néoconservatrice américaine et actuel président de la Banque mondiale, vient comme le coup de grâce. Hugo Chavez, le président vénézuelien, n’a pas boudé son plaisir : il a annoncé, lundi dernier, le retrait de son pays du FMI et de la Banque mondiale. « Je veux formaliser la sortie du Vénézuela de la Banque mondiale et du FMI (...) Qu’on nous rende nos sous avant qu’ils nous les piquent, car ils sont en crise, le FMI n’a pas de quoi payer les salaires (de ses fonctionnaires, ndlr) ». Les pays d’Amérique latine ont déjà un système de financement alternatif...

Et l’Afrique ? Certes, le président ivoirien Laurent Gbagbo a évoqué, dans une interview au mensuel New African, l’idée de création d’un Fonds africain de solidarité, alimenté par des taxations sur les hydrocarbures notamment, pour financer « les grands projets » pensés par le continent. Mais la méfiance au sein du « syndicat des chefs d’Etat », les limites intellectuelles objectives et l’absence de vision de certains présidents africains, la tendance à ne considérer comme contrainte que ce qui vient de l’Occident peuvent ralentir un projet qui, de toute façon, n’est pas encore vraiment « sur le marché ».

De plus, quand on entend les ricanements de plaisir venus de Brazzaville, capitale congolaise championne de la mauvaise gouvernance, suite aux déconvenues de Wolfowitz, il y a de quoi être glacé. Il y a de bonnes et de mauvaises raisons d’en vouloir au FMI et à la Banque mondiale. On peut contester leur autisme, leur rigidité dogmatique qui les pousse à demander aux gouvernements d’affamer leurs peuples, leur manière incroyable de ne financer que les projets entrant dans les stratégies d’approvisionnement des grandes puissances - le pipe-line Doba-Kribi plutôt qu’un vaste projet d’irrigation ou de chemin de fer, par exemple. Mais on ne peut pas se révolter sournoisement contre le principe d’une utilisation honnête de l’argent du contribuable africain, ainsi que le fait un Denis Sassou N’Guesso kleptocrate et inconscient.


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