Sauver l’Europe malgré les égoïsmes

par Michel Santi
samedi 27 novembre 2010

Pour les nations Européennes à risque (comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal), la reprise de la croissance reste la seule issue honorable. C’est pourquoi ces pays très fragilisés ne doivent plus compter sur l’investissement privé afin de financer leur train de vie car les taux d’intérêts exorbitants exigés par les marchés y neutraliseront toute velléité de reprise économique tout en exacerbant la spirale de l’endettement. La Grèce ne doit-elle en effet pas payer aujourd’hui 11.3% aux marchés pour s’endetter à 10 ans ? Un fonds spécial Européen doit être mis en place afin de prêter à ces pays à des taux compatibles avec une reprise de la croissance car il est totalement indécent de ne laisser à ces pays – et à leur population – d’autre choix que de s’acquitter de taux usuraires. Ainsi, la Grèce dont l’endettement est de 15.4% du P.I.B. pour 2009 ou l’Irlande qui suit de près avec 14.4% (source Eurostat) subiront-elles une contraction notoire de leurs économies respectives ces prochaines années principalement du fait du service de cette dette. Le Gouvernement grec n’a-t-il tout récemment pas admis que la croissance du pays serait de – 4% en 2010 et de – 3% pour 2011 ? 

En réalité, l’équation fondamentale à résoudre consiste à restaurer la compétitivité extérieure de ces nations (dans le cadre rigide d’une union monétaire) tout en mettant en place des mesures d’austérité dans un contexte d’endettements sur le point d’échapper à tout contrôle. N’oublions pas qu’un pays comme la Grèce doit survivre avec une masse de dettes de 126.8% de son P.I.B. en 2009 et que ce chiffre pourrait atteindre les 150% cette année ! La Grèce et l’Irlande ne doivent plus être acculées à la déflation, présentée comme seule et unique manière d’améliorer leur compétitivité. En d’autres termes, certains pays – comme l’Allemagne bien-sûr – doivent accepter de sacrifier une partie de leurs excédents afin de stimuler la compétitivité des nations sinistrées. Car, en l’absence d’une dévaluation de l’Euro qui doperait leurs exportations, ces pays ne pourront corriger leurs déséquilibres qu’en faisant un usage excessif de la déflation qui nécessitera à l’évidence de douloureuses réductions salariales… Le rétablissement de ces pays ne doit donc pas dépendre de la seule variable intérieure, le risque étant que les niveaux des endettements atteignent des intensités telles qu’ils ne pourraient être résorbés que par une série de banqueroutes privées, voire par le défaut de paiement désordonné du pays en question. 

Nulle nation ne peut en effet assumer de tels paliers d’endettements (comparés à son P.I.B.) dans un contexte où la déflation et un taux de croissance nominal négatif se superposent de manière prolongée. Il va de soi qu’une baisse de l’Euro serait favorable pour la Grèce ou pour l’Irlande du point de vue de l’amélioration de leur compétitivité internationale mais également au sein même de l’Union. Cette hypothèse est néanmoins peu vraisemblable aujourd’hui eu égard aux nouvelles injections de liquidités américaines et du fait du refus de la BCE de mettre en place de nouveaux stimuli. Dans une telle conjoncture, ces pays devront-ils subir une longue traversée du désert déflationniste pendant que le noyau Européen (Allemagne, France) bénéficie d’une expansion économique ? Une décennie perdue à la japonaise qui toucherait certaines nations Européennes sous le regard sévère de certaines autres serait politiquement insupportable. 

Le défaut de paiement de la Grèce se doit donc d’être programmé et arrangé sachant que certains créanciers devront être contraints de prendre des pertes (de 20 à 40% sur leurs prêts) pendant que d’autres devront se résoudre à patienter plus longtemps avant de revoir leurs placements. Un tel ré échelonnement, voire un défaut partiel de paiement, n’entraînera pas nécessairement des conséquences cataclysmiques sachant que d’autres pays (comme l’Irlande) devront être capitalisés soit par la BCE soit par un fonds structurel Européen. A l’évidence, les établissements financiers nationaux porteurs de Bons du Trésor de ces pays d’Europe périphérique devront être soutenus par leur Etats, sauf à transférer ces obligations à prix coûtant à la BCE qui prendra les pertes… 

En conclusion, nulle source exogène ne permettra à ces nations au bord du précipice de renouer avec la croissance tandis que l’amplification de la rigueur y ancrera encore plus la déflation et la contraction économique avec, à la clé, une dégradation irrémédiable de leur P.I.B. L’Allemagne et la France devront donc consentir un effort de solidarité en faveur de ces pays pendant que la BCE devra obligatoirement innover et faire appel à des méthodes peu orthodoxes, à l’image de la Réserve Fédérale Américaine. Le cercle vicieux où sont enlisés ces pays Européens périphériques ne pourra être brisé sans la contribution active des autres membres en meilleure posture qui devront impérativement partager une part de leur fardeau et de leur souffrance.


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