« Sauvetage de l’euro » : les voix discordantes de deux économistes

par Catherine Segurane
samedi 29 octobre 2011

Les dirigeants de la zone euro ont conclu un accord en pleine nuit, pour tenter de sauver l'euro, ce qui semble devenu un but en soi, y compris au détriment des populations. Toute la bien-pensance europhile et mondialiste applaudit, ravie de cette occasion de faire encore une avancée sournoise en direction du fédéralisme, comme s'il ne suffisait pas d'avoir voté le traité de Lisbonne malgré le refus du peuple français exprimé par référendum.

Nous présentons ici deux voix discordantes, celles de deux économistes reconnus.

Je premier est Jacques Sapir, universitaire de gauche, spécialiste de feu l'URSS et des économies en transition.

Le second est Bruno Lemaire, professeur Emérite HEC, conseiller économique auprès de Marine Le Pen.

JACQUES SAPIR

Pour Jacques Sapir (source), l'accord signé ne fait que prolonger l'agonie de l'euro. De plus " il compromet très sérieusement l'indépendance économique de l'Europe et son futur à moyen terme. C'est en fait le pire accord envisageable, et un échec eût été en fin de compte préférable." Sapir conclut : "La seule solution, désormais, réside dans une sortie de l'euro, qu'elle soit négociée ou non."

Cet accord, Sapir l'analyse pour en faire ressortir huit mesures :

 Sapir estime que les conséquences suivantes sont à attendre :

Il ajoute :

"Pour ces trois raisons, on peut considérer que cet accord est pire qu'un constat d'échec, qui eût pu déboucher sur une négociation concertée de dissolution de la zone Euro et qui aurait eu l'intérêt de faire la démonstration des inconséquences de la position allemande, mais qui aurait préservé les capacités d'indépendance des pays et de l'Europe.

Les conséquences de cet accord partiel seront très négatives. Pour un répit de quelques mois, sans doute pas plus de six mois, on condamne les pays à de nouvelles vagues d'austérité ce qui, combiné avec le « credit crunch » qui se produira au début de 2012, plongera la zone Euro dans une forte récession et peut-être une dépression. Les effets seront sensibles dès le premier trimestre de 2012, et ils obligeront le gouvernement français à sur-enchérir dans l'austérité, provoquant une montée du chômage importante. Le coût pour les Français de cet accord ne cessera de monter. "
 
 BRUNO LEMAIRE
 
Faut-il faire payer les pauvres pour sauver nos créanciers ? Telle est la question que pose Bruno Lemaire (source).
 
Il s'insurge que l'on préfère "le signe" (la monnaie) à l'économie réelle, la seule qui crée des biens et services tangibles pour le consommateur.
 
Il va jusqu'à poser la question de la légitimité de certaines dettes, parle de les renégocier et d'exiger un moratoire. Voici quelques questions et leurs réponses :
 
"Q. Et pour les dettes publiques en cours ?

Deux solutions complémentaires semblent s’imposer.

Tout d’abord, il faut renégocier les contrats pour que le taux d’intérêt réel soit indexé sur le taux de croissance (et ce, d’autant plus que l’on annonce une croissance zéro, voire ‘négative’ pour les prochains semestres). Si la croissance est au rendez-vous, même les créanciers en seront satisfaits. Sinon, il n’y a aucune raison que ces mêmes créanciers s’enrichissent à nos dépens.
Sur les 1700 milliards de dettes publiques françaises, 1400 à 1500 milliards sont dus aux intérêts qui nous ont été facturés depuis 1973, et la tristement fameuse loi Pompidou-Giscard.

Q. Et la deuxième solution ?

Exiger un moratoire de un an ou deux sur nos dettes, ce qui permettra de remettre l’économie française sur de bons rails.

Q. Pourquoi pensez-vous que nos créanciers accepteront cela ?

Parce qu’il n’y a pas d’autre choix. Entre ne pas être remboursés du tout, ou être remboursés avec retard, même les plus avides de nos créanciers comprendront que la deuxième solution est moins mauvaise pour eux."

A la question de savoir si l'on peut laisser le système financier s'effondrer, il répond :
 
"Pourquoi pas ? Si ce système conduit à la faillite de notre économie, à une récession « à la grecque » pourquoi faudrait-il le sauver ? S’il faut choisir entre sauver le monde financier, et sauver le monde réel, on peut au moins se poser la question."
 
Ce qui compte est de protéger nos concitoyens, et, pour Lemaire, cela n'implique pas forcément de soutenir toutes les banques :
 
"Depuis ce qui est arrivé, dit-on, au roi Midas, on sait que la véritable richesse n’est ni l’or, ni l’argent, mais les biens et services réels. Si l’économie réelle s’effondre, quelle sera la valeur de cette épargne, qui, en définitive, est nécessairement gagée sur du réel, pas sur du virtuel. Qu’est-ce qui est le plus important, les richesses réelles, ou le signe correspondant ?

Par ailleurs, qu’est ce qui empêcherait la banque centrale française – une nouvelle Banque de France, ou l’ancienne redevenue souveraine – de reprendre cette épargne à son compte. Que cette épargne soit inscrite directement dans les comptes de notre banque nationale au lieu d’être dans ceux de nos banques privées serait plutôt une bonne chose. De ce point de vue, les épargnants ont tout à y gagner. Là encore, on tente de faire peur à nos compatriotes en leur faisant croire que, pour sauver leurs économies, il faut donner encore plus d’argent aux banques."

 D'autres points sont plus techniques : comme Sapir, Lemaire note que l'allègement du fardeau de la Grèce est moins important qu'annoncé.

Il souligne lui aussi les pertes de souveraineté qui sont en filigrane dans ce plan.


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