Sécu : Les ménages trinquent... à la santé des entreprises

par Napakatbra
lundi 30 novembre 2009

Depuis quelques années, le financement de la Sécurité Sociale se voit profondément remanié. L’effort des entreprises est allégé tandis que celui des ménages est systématiquement alourdi. Décryptage d’un transfert pondéral aux conséquences sanitaires dangereuses...

La structure du financement de la sécurité sociale se modifie, lentement mais sûrement, et à tous les niveaux. En août 2008, une enquête de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) relevait qu’en 1990, les entreprises contribuaient à 42% du financement de la protection sociale (toutes branches confondues), l’administration publique 27% et les ménages 31%. En 2006, les entreprises ne s’acquittaient plus que de 36% (-6), contre 24% (-3) pour l’administration et 40% (+9) pour les ménages.

Un glissement fondamental en toute discrétion

Sans avoir l’air d’y toucher, ce rapport de 2008 expliquait qu’en 1990, "le financement répondait ainsi à une logique selon laquelle les prestations correspondent au remplacement des revenus d’activité ou à leur prolongement [mais on constate aujourd’hui] une évolution significative du système français avec le développement de prestations universelles et leur financement par l’impôt". En clair, il y a 20 ans, on considérait que la Sécurité Sociale remplaçait l’employeur en cas de pépin. D’où la prépondérance du financement par les cotisations sociales des entreprises.

"1990, l’heure de la conscientisation" dit la chanson...

Mais aujourd’hui, les choses ont changé et l’Assurance maladie devient une assurance individuelle comme une autre. La santé s’assure comme une voiture, comme dirait Sarko (justifiant les franchises). Cynique, quand on sait que les entreprises grugeraient l’Assurance Maladie jusqu’à 1 milliard d’euros tous les ans en ne déclarant pas les maladies professionnelles (chiffre régulièrement révisé à la hausse). D’autant qu’une enquête Eurostat vient de montrer qu’en 2007, 8,6% des travailleurs européens avaient eu un problème de santé lié au travail durant l’année précédente et que 41 % des travailleurs de l’Union Européenne sont exposés à des facteurs qui peuvent affecter leur santé physique, tandis que 28% travaillent dans des conditions qui peuvent affecter leur bien-être mental (lire "La Sécu n’est pas une maladie"). Pour résumer, travailler devient de plus en plus dangereux, mais les employeurs se désengagent du financement de la protection sociale. Dont acte.

Les assurés passent à la caisse

Un nouveau rapport de la DREES a été publié en septembre 2009, qui concerne spécifiquement les dépenses santé de la Sécu. Et le résultat est du même tonneau : entre 2004 et 2008, la part payée par la Sécurité Sociale est passée de 78,5 à 76,8%, tandis que celle des mutuelles augmentait de 13,2 à 13,7% et celle des assurés grimpait de 8,3 à 9,4%. Déficit oblige, aujourd’hui, ce sont plus de 3 milliards d’euros qui sont annuellement transférés de la Sécu aux ménages, dont 1 milliard via les mutuelles qui ont été contraintes d’augmenter leurs tarifs de 50% entre 2002 et 2008 devant le désengagement de l’Etat, selon le Canard Enchaîné du 21/10/2009. La faute aux franchises médicales (pour 890 millions d’euros), aux multiples majorations du ticket modérateur, aux déremboursements de médicaments, dépassements d’honoraires, taxe sur les accidentés du travail... La liste des charges transférées de l’assurance maladie vers les ménages ne cesse de s’allonger, tandis que celle des employeurs s’allège toujours un peu plus.

Notre société se transforme en profondeur, et en silence

Résultat, 40% d’entre nous ont déjà retardé ou renoncé à au moins un soin en raison de son coût ; Pour 14% des Français, c’est le cas chaque année (Irdes). Et 8% (5 millions de personnes) sont dans une situation telle qu’ils renoncent à s’offrir une couverture complémentaire santé, majoritairement pour raisons financières. Une idée de cadeau pour Noël ?

La suite à suivre, sur "Les mots ont un sens"...


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