Strauss-Kahn battu au poteau ?
par Pierre R. Chantelois
mardi 10 juillet 2007
C’est ainsi que l’hebdo spécialisé de Montréal, Les Affaires, coiffe l’article d’Anne Robert qui porte sur la candidature de Strauss-Khan à la direction générale du FMI. Son propos est simple : le candidat français pourrait buter sur des demandes de transparence pour cette nomination.
Anne Robert fait état du Financial Times qui soutient que le chancelier de l’échiquier du Royaume-Uni, Alistair Darling, devrait, lors d’une réunion avec ses homologues européens, les conjurer de ne pas prendre une décision précipitée. Il plaidera pour un processus de sélection « ouvert et transparent » pour le recrutement du directeur général du FMI. « Quitte à ce qu’il ne soit pas un Européen », a-t-il ajouté.
Qualifié de « très bon candidat » à Berlin, M. Strauss-Kahn a « toutes les qualités » pour diriger le FMI, selon le président de l’Eurogroupe, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker qui a laissé entendre qu’il avait été à l’origine de cette idée « il y a une dizaine de jours ». Pierre Taribo confirme dans son éditorial, publié dans l’Est Républicain, cette mise au point de Jean-Claude Juncker : « Avant de soupçonner DSK de la moindre traîtrise, [les membres du Parti socialiste] devraient se souvenir que le FMI n’est pas un organe qui dépend du gouvernement, dont la vocation serait de servir Nicolas Sarkozy. Ils devraient aussi savoir que le président n’a fait que sauter en marche dans un train mis sur les rails par Jean-Claude Juncker, Angela Merkel et Romano Prodi, les premiers à émettre l’hypothèse DSK pour diriger le FMI. Simplement, super Sarko l’a fait à sa façon, comme si l’idée venait de lui ».
Nicolas Sarkozy, qui assistait, exceptionnellement, à la réunion des ministres des Finances, a déclaré qu’il y avait « deux personnes qui sont pour la candidature de Dominique Strauss-Kahn, c’est Jean-Claude Juncker et... moi », sous-entendant ainsi qu’il n’était pas pour l’instant soutenu par d’autres. Le ministre des Finances belge, Didier Reynders, a souligné que le processus de désignation serait « long » et il a souhaité qu’à ce stade, « chaque État qui souhaite présenter un candidat le fasse ». Pour l’Espagnol Pedro Solbes, il faut d’abord parler « du profil du candidat » avant de discuter des noms. À Londres, le porte-parole de Gordon Brown a estimé lui aussi qu’il était « très prématuré » d’engager une discussion sur les qualités et les défauts des uns et des autres.
La partie ne sera pas facile à gagner. Selon le Wall Street Journal : « DSK pourrait rencontrer une certaine résistance transalpine ». Certains pays inclinent à penser que les Français dirigent déjà suffisamment d’institutions internationales. En effet, Pascal Lamy chapeaute l’Organisation mondiale du commerce, Jean-Claude Trichet est à la Banque centrale européenne et Jean Lemierre dirige la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd).
Comme nous l’avons indiqué, en début d’article, Alistair Darling se ferait l’écho des prétendants au poste en provenance du Moyen-Orient et d’Amérique latine. Réunis à Washington, ils ont fustigé auprès du Financial Times la démarche des Européens. Ils voient dans cette règle non écrite un écart aux bonnes pratiques et souhaitent voir le processus de recrutement d’un directeur général ouvert à tous les candidats : « Le poste de directeur général doit être attribué à l’issue d’un processus ouvert (...). Je ne pense pas que l’Europe puisse simplement dire : c’est notre position est nous ne sommes pas prêts à en discuter avec quiconque », a déclaré le ministre des Finances britannique Alistair Darling au quotidien le Guardian.
La voix décisive devrait être celle des États-Unis. Toujours selon le Financial Times, Washington auraient indiqué qu’il allait soutenir la candidature d’un Européen, geste par lequel il renverrait l’ascenseur à Bruxelles pour la nomination de Robert Zoellick à la Banque mondiale.
Terminons ce tour d’horizon sur une hypothèse que soulève le Financial Times : « Some Socialist politicians suspected that Mr Sarkozy was backing Mr Strauss-Kahn’s candidacy to marginalise a potentially dangerous opponent. However, others suggested Mr Strauss-Kahn might be even stronger placed to contest the presidency in 2012 if he made a success of the IMF job and Mr Sarkozy stumbled ». Dominique Strauss-Khan, candidat aux prochaines présidentielles françaises en 2012 ? Beaucoup d’eau va couler sous les ponts.
Sources : AFP, Courrier international, Financial Times, Les Affaires, Reuters, Wall Street Journal
_________________________