Surveillance renforcée des chômeurs : l’arbre qui cache la forêt

par Ronny
vendredi 22 mai 2015

Un document présenté par l’AFP voila quelques jours indiquait que Pole Emploi allait affecter 200 agents pour vérifier que les chômeurs inscrits auprès de cette agence font bien le maximum d’efforts pour retrouver un emploi. Le ministre du Travail, François Rebsamen, déclarait ce mercredi 20 mai 2015 que l'objectif de ce nouveau dispositif de contrôle des chômeurs était de mieux accompagner les chômeurs de longue durée. Certes louable, cette volonté n’est elle pas décalée par rapport à d’autres priorités, et l’agence - comme le gouvernement - ne se tromperaient-ils pas de cible ?

Ce sont 200 agents de Pôle emploi qui dès le mois d’août s’assureront que les chômeurs font bien tout leur possible pour retrouver un emploi. Le processus mis en place prévoit quelques garde-fous tels que l’absence d’objectif « en termes de nombre de contrôles et/ou nombre de radiations ». Cependant, cette volonté est d’ores et déjà sujette à caution puisque dans le même temps, l’agence indiquait qu’elle visait un total de 200 000 contrôles annuels. Par ailleurs, le projet indique clairement, qu’après examen des dossiers, contact téléphonique puis convocation des personnes concernées, que des procédures de radiations pourraient être engagées si un doute (et non pas une preuve) persiste sur la volonté réelle du chômeur à rechercher un emploi.

Il est bien entendu louable dans toute activité humaine, qu’elle soit industrielle, culturelle, sociale, etc., de recherche à détecter des faiblesses, des arnaques, des tricheurs... Or dans le cas de Pole Emploi, derrière le souhait sans doute réel d’aider les chômeurs de longue durée, se cache sans aucun doute la volonté tout aussi réelle de détecter les chômeurs qui abuseraient d’un système de protection sociale et bien que Pole Emploi s’en défende, de détecter de possibles fraudes aux allocations. Encore une fois si cette volonté est logique en termes d’intérêt général, elle doit être mise en regard de chiffres qui nous en indiquent l’importance. Premier chiffre : le montant des fraudes aux allocations chômage. Pole emploi estimait que celui-ci s’élevait à un peu plus de 100 millions en 2014 (1). Environ 10 000 chômeurs étaient concernés sur les 2,7 millions de personnes inscrites cette année là, ce qui correspond à un taux de fraude de 0,3 % environ. Ce chiffre a été corroboré par la cour des comptes.

Or dans le mêmes temps, et pour replacer la question de la « fraude au chômage » en perspective, il semble nécessaire de s’intéresser au montant des fraudes aux cotisations patronales. Selon la cour des comptes, la fraude aux cotisations sociales des patrons français représenterait environ 20 milliards d’euros par an (2) soit environ 5% du total des cotisations et contributions sociales. Cette fraude couvre le travail dissimulé (entendre « au noir »), les heures non déclarées, l’assurance chômage, etc.

On constate donc que le montant de la fraude des chômeurs ne représente que 0,5% de la fraude patronale. Or curieusement, c’est sur ces 0,5% que le gouvernement actuel souhaite faire porter un effort de contrôle. Encore une fois, bien que la recherche d’abus de toute sorte soit tout à fait louable et nécessaire en démocratie, comment expliquer que l’urgence de l’action ne porte que sur ce montant ? Et l’affectation de 200 agents au contrôle des chômeurs n’est elle pas quasi aberrante, alors que la cour des comptes écrit que la fraude patronale reste « difficile à détecter et à réprimer ». Le taux de recouvrement est en effet ridiculement bas, et en lien avec la chute des effectifs des inspecteurs de l’URSSAF… Bref, probablement pour des raisons idéologiques, cette mesure gouvernementale n’est-elle pas un arbre qui cache la forêt ?

 

Références

1. Pôle emploi a détecté près de 90 millions d’euros de fraude en 2014 - LesEchos.fr - 28/11/14

2. La fraude patronale s’élève à plus de 20 milliards d’euros – L’humanité.fr – 17/09/2014

 

Crédit photo  :

http://lesoufflecestmavie.unblog.fr


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