Team Building : déclin du leadership ou solution à la déshumanisation

par Eric Roux
jeudi 17 janvier 2008

La pratique Team Building est en croissance constante dans l’Hexagone. Représente-t-elle un déclin du leadership de nos entrepreneurs ou, au contraire, un palliatif aux problématiques posées par la déshumanisation de notre tissu entrepreneurial ?

Le monde de l’entreprise en France a depuis plusieurs années tourné une partie de ses espoirs vers les « faiseurs d’équipe » que sont les spécialistes du « Team Building ». Cet anglicisme qui est utilisé pour décrire toutes les activités ayant pour objectif d’améliorer les performances des équipes, que ce soit sur le plan relationnel ou opérationnel, a changé de visage ces dernières années.

Auparavant, les entreprises se tournaient vers des activités à sensations, comme la pratique du saut à l’élastique, l’accrobranche, les safaris, les raids en quad, et entraînaient leurs équipes de collaborateurs vers des horizons qui leur demandaient de se dépasser physiquement autant qu’émotionnellement.

Mais, depuis 2000, c’est la cohésion et l’intelligence d’équipe qui semblent être privilégiées.

Une solution à plusieurs problématiques de l’entreprise moderne qui parfois se dit déshumanisée.

D’abord, les communications intranets, la formation sur réseau, les échanges email, l’utilisation des BlackBerry et les visioconférences ont fait diminuer considérablement les échanges directs entre collaborateurs, que ce soit de manière horizontale ou verticale (hiérarchique).

Ensuite, il pourrait sembler qu’il existe en France un déficit du leadership. De nombreux dirigeants doivent faire appel à des intervenants extérieurs pour insuffler l’esprit d’équipe dans leur entreprise et augmenter ainsi leurs capacités opérationnelles. Ceci concerne principalement les gros groupes, qui sont à l’heure actuelle les premiers demandeurs de séminaires de Team Building, alors que les PME restent encore à l’écart.

Pourtant certains dirigeants qui n’ont plus à faire leurs preuves dans le domaine du leadership font aussi appel à ces faiseurs d’équipes, attirés par les outils pédagogiques proposés.

Les plus grosses entreprises sont aujourd’hui abonnées au Team Building : Renault, Air France, Oracle, Novotel, Publicis, la SNCF, EDF, La Poste, Cégétel, SFR, France Télécom, la BNP... tout le monde y passe.

Le panel d’activités proposées est large. Pour les grands groupes, jusqu’à 3 000 collaborateurs, les sociétés de Team Building peuvent produire des événements où ils transforment en quelques heures les participants en orchestre de samba géant, ou leur faire peindre une fresque de 30 mètres de long en 2 heures, fresque que l’entreprise pourra garder fièrement, ou bien revendre dans un programme caritatif qui lui conférera une valeur ajoutée d’éthique.

On voit même aujourd’hui des sociétés de Team Building proposer de transformer des équipes de centaines de personnes en orchestre symphonique en quelques heures, résultat garanti...

Pour les plus petites équipes, des modules ludiques qui pour une journée ou quelques heures mettent les collaborateurs aux commandes d’une entreprise, aux prises avec la gestion financière d’une holding ou en équipe à la conquête de « l’or du désert ».

Simple jeu de société ou découverte d’autres horizons pour former l’esprit d’équipe nécessaire à la croissance de l’entreprise ?

Certains verront cela comme le signe du déclin de la capacité à générer l’enthousiasme au sein de l’entreprise. D’autres considèrent que nous avons affaire à des outils qui permettent aux leaders d’obtenir de meilleurs résultats avec leurs équipes, et que le jeu est bien souvent un élément d’apprentissage dédramatisant et permettant de contourner les barrières sociales qui pourraient faire obstacle à une formation à l’intelligence d’équipe.

Quoi qu’il en soit, une chose est sûre, importée des Etats-Unis, mais aussi de Suède, du Canada, la pratique du Team Building est en pleine expansion dans l’Hexagone.

Entre 2005 et 2006, on a noté un accroissement de 10,5 % des prestations de Team Building en France.

Pour Frédéric Bedin, président de l’ANAE (Association des agences de communication événementielle) : « Les entreprises sont de plus en plus demandeuses de convention internes, de séminaires ou de voyages de récompense. Car, aujourd’hui, ces moments constituent l’une des rares occasions de rassembler des collaborateurs, de créer entre eux un lien. »

Guy Bergeaud, PDG de Eagle’s Flight, une société spécialisée dans les prestations de Team Building créatives et participatives déclare : « Les entreprises ont un réel besoin de « booster » pour apporter cohésion et synergie dans leurs équipes. Ce n’est pas que les dirigeants soient moins fédérateurs qu’autrefois, mais ils évoluent dans un monde qui a évolué et dont les facteurs ont changé. L’utilisation des outils du Team Building leur permet de pallier les carences relationnelles au sein de l’entreprise, mais surtout de favoriser des prises de conscience au sein des équipes et de valoriser leur implication dans l’entreprise. »

Les équipes d’animateurs sont doubles. C’est-à-dire qu’elles comprennent à la fois des artistes qui gèrent la partie événementielle pure (par exemple, des musiciens pour gérer les participants lors de la fabrication d’orchestres de Samba) et, d’un autre côté, des « coachs » qui s’occupent du « debriefing » des équipes, avec pour but de faire jaillir des prises de conscience de ces expériences collectives.

Une manière de faire très américaine qui pourtant semble assez bien convenir aux participants français. Vincent Lenhardt, l’un des pionniers du Team Building en France et importateur de nombreuses méthodes venues d’outre-Atlantique, écrivait à propos de ces débriefings : « Lorsque chacun a pu s’exprimer et a eu le sentiment d’être entendu, on observe en général un saut qualitatif dans la nature de la communication dans l’équipe. Ce processus représente une « performance » pour les membres de l’équipe et souvent il nous arrive d’observer que les participants de l’équipe le vivent pour la toute première fois. »

Alors doit-on s’inquiéter de cette prolifération du Team Building comme symbole du déclin de notre leadership entrepreneurial ou, au contraire, se réjouir de l’ouverture que représente cette nouvelle manière de favoriser l’esprit d’équipe ?


Lire l'article complet, et les commentaires