Travailler c’est trop dur...

par olivier cabanel
lundi 13 novembre 2023

C'est le début d’une chanson folk québecoise sur le thème du travail, repris avec intérêt sur l’antenne de France Culture, ouvrant un joli champ de réflexion…

 Alors que le gouvernement choisit l’option de faire baisser les chiffres du chômage, plutôt que de faire baisser le chômage lui-même, les philosophes invités dans l’émission ont tenté de faire le point… lien

 Ne faut-il pas aussi s’alarmer lorsque le gouvernement choisi de faire travailler quasi gratis 15 heures par semaine les bénéficiaires su RSA ? lien

Et quid des auto-entrepreneurs avec leur statut qui les fait échapper aux multiples charges sociales habituelles, et qui, du même coup, permet au gouvernement de les faire sortir des chiffres du chômage ?

Sauf que si l’état se félicite de n’avoir officiellement que 2 ou 3 millions de chômeurs (lien), un acte de malveillance récent fait apparaître que notre pays en compterait au moins 10 millions de chômeurs. lien

c’est ce que constate le site « Mr mondialisation » qui évoque « une manipulation des chiffres.... ».

La réalité est donc ailleurs : « en s’attaquant au code du travail, et en libéralisant encore plus le marché, le gouvernement a également permis la multiplication des contrats précaires et courts, notamment en intérim » écrit Simon Verdière dans les colonnes de Mr Mondialisation, continuant « en réalité, toutes catégories confondues, le nombre de demandeurs d’emploi a bien augmenté de près de 2 millions de personnes depuis la crise de 2008 ». lien

passons…

des médias évoquent aussi depuis quelques temps la notion de « la grande démission » laquelle ne serait pas une manifestation de paresse...

Comme l’a dit Marie-Anne Dujarier, professeure de sociologie clinique à l’Université Paris-Cité, du laboratoire LCSP, invitée dans l’émission : « on voit surtout des jeunes qui sont au seuil du marché de l'emploi et qui ont très envie de travailler mais qui se font refouler, des aides-soignantes qui se sont levées le matin à 5h pour aller s'occuper de personnes dépendantes et qui vont courir pour aller faire une autre toilettes et des cadres supérieurs qui sont préoccupés toute la journée par leurs chiffres à faire ».

Ce que confirme Dominique Méda, professeure de sociologie à l’Université Paris-Dauphine, autre invitée de l’émission : «  le Ministère du Travail qui a fait un point sur la grande démission, expliquant que ce n'est pas un refus du travail, mais que c'est l'occasion, l'opportunité, la possibilité d'aller trouver des emplois plus supportables (…) Autrement dit, ce n’est pas que nous ne voulons plus travailler, mais que nous souhaitons travailler autrement  », ajoutant : « il y a tant de gens qui ont envie d'aller se faire subordonner dans l'emploi, c'est-à-dire qui acceptent presque tous les jours de leur vie, pendant 42 ans et maintenant plus, de faire des choses qui ne sont pas dans leurs objectifs à eux, qui sont les finalités imposées par l'employeur, avec des modalités d'action qui ne sont pas non plus celles et ceux qu'ils ont choisis”.

La question du salaire est aussi l’une des raisons invoquée, car comment peut-on accepter de ne recevoir qu’un maigre Smic, même avec de l’ancienneté, alors que les dirigeants de ces entreprises accumulent des milliards ?

Comme l’écrit « Reporterre » : « Ainsi entre mars 2020 et mars 2021, les 42 milliardaires français (dont 6 femmes) se sont enrichis de plus de 200 milliards d’euros. L’homme le plus riche au monde, Bernard Arnault, a doublé sa fortune, passant de 85,7 à 179 milliards d’euros depuis le début de la pandémie de Covid-19 »...lien

cette situation engendre de logiques démissions…

En effet, certains affirment “on ne veut plus travailler”, s’appuyant notamment du fait que des secteurs du travail n’arrivent plus à recruter malgré un taux de chômage encore important et sur l'observation d’une grande démission.

Et comment ne pas s’offusquer du décalage quasi monstrueux entre les rémunérations des « patrons » et celles des employés...y compris dans l’éducation nationale, laquelle n’arrive plus à recruter : l’an dernier plus de 3000 places n’ont pas été pourvues...et la tendance pour l’an prochain n’est pas à l’optimisme, malgré la promesse de faciliter le recrutement. Lien

Mais où vont-ils ces démissionnaires, et qui sont-ils ?

On en retrouve certains, comme Xavier Fender, quittant son bureau d’ingénieur parisien, part s’installer en Seine et Marne pour devenir paysan. lien

d’autres, tel Yann Henry, cet ex-directeur adjoint de Guingamp prend, à 50 ans, un sacré virage professionnel et devient lui aussi paysan. lien

Mais alors comment expliquer le fait que certains secteurs peinent à recruter ? Comment comprendre cette "grande démission" ?

Et si on parlait des « métiers en tension », nouveau sujet à polémiques diverses et variées ?... polémiques alimentées par la droite, et surtout par l’extrême droite, qui voit là l’occasion d’enfourcher leur habituel cheval de bataille, le racisme...malgré les tentatives de dédiabolisation du RN. lien

Comme le constate Xavier Denamur, patron de plusieurs restaurants dans le Marais, à Paris : « les français ne veulent pas faire la plonge, le service en salle ou le nettoyage. Et ça fait longtemps que ça dure »….ajoutant : « sans immigrés, on va faire comment ? On va bientôt être un pays de centenaires ! il faudra bien que des gens s’occupent de nous  ».

Alors il a trouvé la solution et pour 45 salariés il ne compte pas moins de 16 nationalités différentes ...Sri Lanka, Tunisie, Mauritanie...c’est ce que l’on peut découvrir dans un article du « Point », sous la plume de Philippine Robert. lien

Aujourd’hui la France compte 2,7 millions de travailleurs immigrés, soit un emploi sur 10, « et ils constituent une part importante de la main d’œuvre dans la logistique ou des travailleurs des plateformes » assure la secrétaire nationale de la CFDT.

Pas fou, un certain patronat, dans un amusant « serment d’hypocrite », se tait dans un silence complice, ne voulant pas se priver d’une main d’œuvre bon marché, corvéable à merci, et non syndiquée... alors qu’un simple partage des richesses plus équitable suffirait à encourager les vocations. C’est du moins ce que remarque Julia Pascual dans les colonnes du « Monde » évoquant un « niveau historique de l’immigration, ce qui semblait réjouir à l’époque Darmanin : « Nous reprenons une tendance de long terme. Les effets de la crise sanitaire, qui ont marqué les flux migratoires en 2020 et 2021, sont partiellement effacés »... c’est le même aujourd’hui qui tient un discours plus radical .

Soutenu par une majorité de sénateurs, il vient de renforcer ses tendances racistes et xénophobes dans le projet de loi « immigration »...dans la droite ligne de l’extrême droite et il se justifie en déclarant « j’ai besoin d’instruments nouveaux pour expulser des étrangers  », précisant : « ce que nous voulons, c’est pouvoir régulariser l’ouvrier qui respecte les règles de la république et expulser l’étranger délinquant  », dans une surenchère xénophobe comme l’écrivent Antoine Weil et Mathias Lecourbe dans les colonnes de « Révolution Permanente ».

Précisons que ce projet de loi inclut la fin de l’AME, la restriction des aides sociales, et les expulsions après une condamnation, le vote solennel aura lieu le 14 novembre prochain. Lien

Comme dit mon vieil ami africain : « aux uns le profit, aux autres la peine ».

Le dessin illustrant l’article est de Franquin

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

Articles anciens

rien faire c’est la conserver

Après la gifle, la fessée

la folie des glandeurs

les dingos au pouvoir

floutage de gueule

des fleurs, des médailles, des discours

La parole des politiques

Un Valls à trois temps

Les belles histoires de l’oncle Jules

Radio Paris ment

Le mensonge en politique

Le naufrage de la Marine

Le bal des filous

La vie en jaune

Macron a peur

2019 l’année des bonnes révolutions

Passer du Macron au Micron

Le syndrome de Lisbonne

 


Lire l'article complet, et les commentaires