UBS, HSBC, l’évasion fiscale oui, mais pas que !

par Trelawney
vendredi 13 février 2015

Si vous estimez que dans votre pays, vous payez trop d’impôt direct, vous avez 2 solutions :

  1. Vous quittez votre pays pour des cieux fiscalement plus cléments

  2. Vous masquez au fisc une partie de votre fortune que vous planquez dans la banque d’un pays qui a fait du « secret bancaire » un élément de sa constitution.

La première solution n’est pas illégale, mais, même si on parle de notre Johny national, est moralement condamnable. La seconde solution est moralement et aussi légalement condamnable.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que si certains pays ont inscrit le secret bancaire comme un principe fondateur de l’état, ce n’est pas par philanthropie mais parce que ça rapporte à l’économie du pays. Mais avant de rapporter à l’économie du pays, ça rapporte à l’économie des banques qui y résident. Si, pour ne pas déclarer au fisc des rentrées d’argent vous avez opté pour la solution 2, cet argent planqué ne vous rapportera rien et si vous voulez obtenir des dividendes, ces derniers seront taxés, car la Suisse, ainsi que le Luxembourg ou d’autre pays « discrets » taxent très fortement ces intérêts ou dividende parce que (règle n° 1) il faut que tout cela rapporte au pays. Aussi en marge des pays « discrets » il existe des pays où les impôts sur les sociétés ainsi que les taxations sur les dividendes et intérêts sont quasi nuls. On les nomme « paradis fiscaux »

Le « paradis fiscal » est un pur produit du libéralisme économique et a pris naissance (bien avant la Suisse et les iles caïman) aux USA. En effet 2 états ; le Delaware (en 1898) mais surtout le New jersey (en 1880) qui ont décidé de fournir un « droit de franchise » aux firmes qui y domicilient leur siège social et en même temps de réduire considérablement l’imposition sur les sociétés. Ce qui permit à de nombreuses sociétés de bénéficier des largesses fiscales de ces états en y plaçant leur conseil d’administration et en y inventant la « résidence fictive ».

Nous avons donc : des états « discrets » où l’argent que vous placez restera inconnu de tous, et des « paradis fiscaux » où l’argent que vous investissez restera net d’impôt. Il suffit pour les banques de créer des passerelles entre ces deux états et vous vous trouvez avec de l’argent net d’impôt (parce que planqué) qui vous rapporte de l’argent net d’impôt (parce que pas taxé). Ces passerelles se nomment « société fantôme » ou « société off-shore ».

Ces banques armées de leur produits financier, vont se chercher des gens fortunés prêts à ne pas payer d’impôts et à continuer à gagner de l’argent. Et dans le monde ces gens-là sont nombreux et très facilement localisable dans les « pays riches ». Alors les banques vont chasser en meute, et le super chasseur se nomme UBS (Union des Banques Suisses).

UBS dont les sièges sont à Bâle et à Zurich, en Suisse, est la plus grande banque de gestion de fortune dans le monde. Ses activités principales sont la banque privée, la banque d'investissement, et la gestion de fortune. Elle est présente dans plus de 50 pays, notamment aux États-Unis avec des bureaux à Manhattan (banque d'investissement) et un siège social à Jersey City (gestion privée). UBS employait plus de 80 000 personnes en 2007. Le montant total des actifs sous gestion s'élevait à 2 652 milliards de francs suisses pour une capitalisation boursière de 156 milliards de CHF au 9 janvier 2007 (48 milliards de CHF mi-septembre 2008 crise des « sub-prime » oblige) et des fonds propres de 40 milliards. Le montant total des actifs sous gestion s'élèvent aujourd’hui à 1 700 milliards de francs suisses.

Mais revenons à ce qui nous préoccupe. Donc au début des années 2000, UBS décide de lancer un grand plan d’action sur toute l’Europe, les USA et l’Asie, afin de rechercher des personnes fortunées désireuses d’échapper au fisc et de leur proposer un florilège de procédures fiables afin de capter discrètement leur argent, de les transférer sur des comptes secrets en Suisse et de les faire fructifier par le biais d’une société off-shore. La manœuvre n’est pas simple, car elle est totalement illégale. Car le démarchage sur le sol français de banquiers étrangers est totalement interdit. Ce n’est d’ailleurs pas qu’une loi française c’est une loi internationale. Mais pour venir démarcher en France, incognito, tout est prévu pour justifier d’un but de visite : une formation dans une école de commerce, un spectacle dans la capitale… Un guide digne des films de James Bond, intitulé Security Risk Governance, (https://www.scribd.com/fullscreen/240980232?access_key=key-TK1qX9oybOazL9B7ThJl&allow_share=true&escape=false&view_mode=scroll) est même distribué au commerciaux suisses. Pour assurer les protections de la Banque mais aussi de ses clients, il faut que le stratagème ne soit pas dévoilé. Aussi, une fois les procédures mises en place, UBS décide de tester son système sur un pays très perméable en raison de sa défaillance chronique de service de lutte contre la fraude fiscale : la France !

En France, la fraude fiscale n’est pas à proprement parlé un délit pénale. Pour que le délit soit constitué, il faut en effet que l’administration fiscale et elle seule porte plainte auprès des tribunaux. Bercy vous dira que l’important dans la fraude fiscale est de récupérer l’argent et les amendes qui vont avec, et que quand le fraudeur n’est pas inquiété par la justice, les négociations sont plus faciles. La justice vous dira que la plainte peut être constituée sans que pour autant les négociations pour récupérer les sommes soient interrompues. Il est évident que la personne ayant rendu l’argent pourra bénéficier de la clémence de la justice. Pour ce cas de figure, je suis plutôt en accord avec la justice.

UBS voie la chose différemment. Comme le ministère des finances a la main mise sur le déclanchement des procédures judiciaires qui touchent à la fiscalité et comme il existe des passerelles entre les hauts fonctionnaires de Bercy et les cadres de l’UBS qui ont fait leurs études dans les mêmes écoles, ce sera simple pou UBS d’échapper à la justice si jamais il se fait rattraper par la patrouille.

 

En 1999, la banque Suisse embauche pour sa filiale française, Stéphanie Gibaud en tant que directrice de la communication. Elle sera chargée d’organiser les événements de la banque en France. Cette personne consciencieuse fait bien son travail. Elle invite des personnes à des vernissages, des concerts de musique classique, des festivals, des tournois de golf etc.

Après chaque événement a lieu un diner où les invités sont accompagnés de collaborateurs de la banque suisses, qui leurs explique dans le détail comment échapper au fisc en toute sécurité. Car sortir les clients potentiels de l’univers de la banque, permet à UBS de dévoiler sa stratégie en toute confidentialité. Cela marche très bien. Les comptes en Suisse s’ouvrent et l’argent arrive par millions d’euro. Ce petit buisines va perdurer sans que le fisc ne le remarque, de 1999 à 2007.

 

UBS veut devenir une des 3 plus grandes banques mondiales et décide d’appliquer la même méthode sur un terrain beaucoup plus juteux que l’Europe : les USA. Ce qu’UBS ne sait pas, c’est que depuis le 11 septembre, les services de renseignement américains traquent partout l’argent illégal. Elle pense à juste titre, qu’une partie de cet argent sert à financer le terrorisme. La CIA est au courant de tout ce qui se passe en France et a déjà piraté pas mal d’intervenant chez UBS France dont Stéphanie Gibaud. Les premières informations ne concernant que de la simple évasion fiscale n’intéressent pas la CIA qui transfère néanmoins le dossier aux services fiscaux américains. Lorsque ces derniers sont informés de la même manœuvre d’UBS sur le territoire américains, ils ne bougent pas mais tendent un large filet sur tout le territoire et la réponse va être très violente

A la même époque, Hervé Falciani est embauché par HSBC pour améliorer la sécurité dans le transfert de données cryptées. Quand vous transférer des données cryptées, il faut s’assurer qu’aucun caractères ne manques, car c’est tout le fichier qui risque d’être corrompu. C’est à cela qu’Hervé Falciani travaille et il reçoit donc la totalité des données cryptés d’HSBC. Données qu’il ne peut pas lire puisqu’elles sont cryptées. Il fait bien son travail et monte en grade. N’en déplaise aux colporteurs de ragots : 2 mois avant son départ d’HSBC, il était promu directeur de son service.

En 2005 il est contacté par des agents de la CIA qui lui expliquent qu’ils ont de fortes présomptions qu’HSBC est en relation avec des banquiers du terrorisme. Il lui demande de transmettre les données cryptées en sa possession. Hervé Falciani ferra mieux que cela. Il créera un cloud où toutes les données cryptées d’HSBC y seront automatiquement chargées, la NSA fera le reste en piratant ses données et en les décryptant. Ce sont des quantités incroyables d’informations sur le blanchiment d’argent de la drogue, de trafic d’armes, d’êtres humains, de financement du terrorisme et accessoirement d’évasions fiscales que la CIA aura à traiter. Cette dernière remercie Hervé Falciani de son aide, mais le met en garde des rétorsions possibles de son employeur. Pensant que cela pourra lui servir de monnaie d’échange, elle lui remet toutes les informations concernant l’évasion fiscale, charge à lui d’en faire ce qu’il veut. Il alertera les autorités Suisse, qui ouvrent une enquête pour espionnage industriel et lance un mandat d’arrêt international à son encontre. Il est arrêté à son domicile à Nice qui est perquisitionné et le fichier est découvert. Suite à cette investigation, Michel Alliot Marie, garde des sceaux de l’époque, demande au procureur de Nice, Éric de Montgolfier de rendre à la Suisse les listings découverts. Ce dernier ouvre sa propre enquête, non pas contre Falciani, mais contre les auteurs présumés de fraude fiscale figurant sur la liste. Cette enquête n’a pas lieu d’être puisqu’il faut l’autorisation de Bercy pour cela. Mais elle alerte les juridictions d’autres pays qui demandent cette liste afin de procéder à leur propre enquête. Pendant que la France se débat dans un « incident diplomatique » avec la Suisse, une collaboration internationale se met en place et les autres pays travaillent sur ces listes. Bercy n’a toujours pas porté plainte auprès du procureur.

En juillet 2012, la CIA a des informations alarmantes pour la sécurité de Falciani. Elle lui demande de se rendre en Espagne où une équipe chargée de sa protection l’attend. Elle le remettra à la police espagnole qui l’arrêtera en raison du mandat d'arrêt international suisse. Il sera mis en détention à la prison de Valdemoro, le temps que la justice espagnole décide de son extradition ou non vers la Suisse. Le 18 décembre 2012, il sera libéré provisoirement et dans des conditions de sécurité maximales : huit gardes du corps et port d'un gilet pare-balles. Cette protection sera financée par l’ONU. Etant donné qu'il a fourni des informations démontrant des « activités suspectées d'enfreindre les lois et même constitutives d'infractions pénales. », Falciani sera définitivement libéré en 2013, mais restera encore sous protection policière pendant quelques mois.

Pendant ce temps, aux USA le filet se resserre autour d’UBS. L'Internal Revenue Service (IRS), le fisc américain, menace de rendre public une liste de 52 000 clients américains d'UBS soupçonnés d'avoir fraudé le fisc, et obtient l'aveu spontané de 7 500 d'entre eux. Elle arrête Bradley Birkenfeld, un cadre d’UBS responsable en chef de la « gestion de fortune » qui a permis à Igor Olenicoff, un des 20 hommes les plus riches du pays, surnommé ironiquement « le milliardaire aux poches vides », de dissimulait sa fortune (2.6 milliards de dollars) en la jonglant dans des structures de sociétés fictives dans plusieurs banques suisses et au Liechtenstein. Bradley Birkenfeld, par peur de la prison dévoile tout le système et donne tous les fichiers, les noms et les sommes. Il revendique même le statut de « lanceur d’alerte ». Il touchera du fisc américain 104 millions de dollars pour ses révélations.

Pendant ce temps, un jeune auditeur interne d’UBS France, Nicolas Forissier, mène une mission de routine dans des agences de province et apprend de façon fortuite, que des chargés d’affaires d’UBS Suisse viennent démarcher en France, ce qui est illégal. On lui évoque pour la première fois, l’existence d’un mystérieux “carnet du lait”. Il n’en comprend l’utilité qu’en 2007 lorsqu’il « tombe sur des notes internes qui évoquent une comptabilité fantôme ». Tenu hors de tout registre officiel, le carnet du lait – en référence à la comptabilité manuscrite des propriétaires de vaches dans les alpages – enregistrait les flux financiers entre UBS France et la maison mère en Suisse, UBS AG, pour permettre de répartir les commissions entre les commerciaux français, qui envoyaient leurs clients sur les rives du lac Léman, et leurs homologues helvètes, qui les récupéraient. Il alerte plusieurs fois sa hiérarchie sur le système d’évasion fiscale dont il a acquis la certitude, et est licencié pour faute grave. Il gagnera aux prud’hommes en première instance, trois ans plus tard. Dans le jugement, le juge déclare qu’il « a été licencié pour avoir refusé de souscrire aux pratiques illicites de la SA UBS France et de la banque UBS ».

 

Après les révélations de Bradley Birkenfeld, UBS décide de se séparer d’un grand nombre de collaborateurs gênants, partout dans le monde. En France, un plan social est mis en place et de nombreux commerciaux sont licenciés. Certains iront devant les prud’hommes et feront part de l’existence du « carnet de lait » pour justifier de leurs primes commerciales.

Panique boulevard Haussmann : une perquisition a lieu dans le bureau du directeur, Patrick de Fayet (aujourd’hui mis en examen pour complicité de démarchage illicite). On demande à Stéphanie Gibaud, qui était sans même le savoir au centre de l’affaire française, de détruire l’intégralité de son disque dur qui comprend les noms des clients français, mais aussi la corrélation avec les banquiers suisses et le contenu de ses armoires d’archives. On lui interdit de sortir, de rencontrer des partenaires. On lui supprime son assistante. Elle se sent traqué : son appartement est cambriolé elle est constamment suivi à pied ou en voiture. UBS France tenté de la mettre dans le plan social, mais son licenciement est refusé par l’inspection du travail. Le harcèlement moral commence, elle est constamment dénigrée, son « incompétence » est dénoncé devant témoin, son poste est donné à une personne plus jeune dont elle devient sa subalterne. En sa présence, tout le monde se tait ou part. Ne sachant pas vers qui se retourner, elle raconte tout à l’inspection du travail qui a vite fait de lui faire comprendre qu’elle peut perdre plus que son travail, car elle est sans le savoir complice de ce trafic. Stéphanie Gibaud décide de se rendre à la justice avec toutes les informations qu’elle a et dépose plainte. Le rouleau compresseur aura vite fait de l’avaler. Toutes ses données informatiques sont piratées et effacés et elle est mise sur écoute par la DCRI. Bercy ne bouge pas et la justice est au point mort. Stéphanie Giraud devient une bête traquée. Sur les conseils d’Antoine Peillon journaliste, elle décide d’écrire son histoire.

Le livre d’Antoine Peillon, Ces 600 milliards qui manquent à la France, contenant les révélation de Stéphanie Giraud fait l’effet d’une bombe. Un mois plus tard, une information judiciaire est ouverte, presque trois ans après la plainte de Stéphanie Gibaud. Il ne faut pas perdre de vue, qu’entre temps les américains ont bougé et leurs réactions est à l’image du pays : violente !

Le 18 février 2009, un tribunal américain condamne l'UBS à une amende de 780 millions de dollars (un pourboire), et menace de retirer sa licence aux États-Unis et de l’interdire ainsi d'exercer sur le sol américain, ce qui serait un arrêt de mort pour UBS. La justice américaine demande sous la pression les noms et adresses de la totalité des détenteurs de compte UBS américains comme étrangers. Le droit du secret bancaire en Suisse interdit à une banque de divulguer les noms de ses clients, c’est un bras de fer qui commence entre les deux pays. Les autorités suisses ont conclu que le secret bancaire était destiné à « protéger la vie privée et non la fraude fiscale ». Sous la menace d'une procédure pénale internationale, la Suisse accepte en août 2009 un accord de coopération avec l'IRS. Une procédure civile est ouverte à New York afin d'obtenir l'identité des titulaires de comptes numérotés en Suisse. En Suisse, un conseil des ministres se réunit dans l’urgence et il décide de donner à l’administration américaine l’intégralité des détenteurs de compte en Suisse (comptes numérotés ainsi que comptes bancaires). Même les noms des employés des banques détenteurs de comptes dans leur banque seront donnés. Pour les USA, c’est la fin du secret bancaire avec les Suisses. Par contre si un Suisse veut ouvrir un compte ou une société fantôme dans le new jersey, l’état Suisse n’en saura rien parce que ça ne marche que dans un seul sens. Le secret bancaire existe aux USA mais que pour les non américains qui paient des impôts ailleurs que sur le sol américain.

Si en France la justice avance dans la discrétion, bien qu’il faille souligner que Nicolas Forissier, Stéphanie Giraud et Hervé Falciani ne seront plus trop inquiétés, dans les autres pays elle avance à grand pas et les condamnations pleuvent. Le président d’un des clubs de football le plus riche de la planète (Bayern de Munich) est condamné à 3 ans de prison ferme. Messi autre star du ballon rond doit se démener avec la justice et faire des chèques de plusieurs millions d’euro pour éviter la prison à son père et, aux vus des derniers éléments, ce n’est pas gagné.

Le 24 juillet 2012, la Commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion fiscale publiait son premier rapport. Le sénateur du Nord Eric Bocquet, témoignait trois jours plus tôt : « Ce qui m’a le plus frappé, ce sont les sommes que représente l’évasion fiscale. Selon les estimations, ce sont entre 40 et 50 milliards qui manqueraient au budget annuel de l’Etat. Sur un budget total de 275 milliards d’euros, ce ne sont pas des sommes négligeables. ». Depuis, les estimations de l’évasion fiscale annuelle subie par notre pays convergent plutôt vers les 80 milliards d’euros !

En septembre 2014, la cour d’appel de Paris a confirmé, la caution de 1,1 milliard d’euros, qui doit être versée par UBS AG. Si, à l’issue du procès, la banque est condamnée en France, elle risque, par le jeu des conventions financières internationales, de perdre sa licence aux Etats-Unis. Un coup qui pourrait lui être fatal.

Avec HSBC on est passé du simple filou qui veut échapper au fisc au parrain qui finance des opérations illicites. En février 2014, le journal Le Monde reçoit une clé USB contenant les archives numérisées de la banque HSBC entre novembre 2006 et mars 2007. Cette clé contient la liste de Falciani, mais pas seulement. Aussi pas mal de suspicion tourne autour de ces informations. Si vous voulez trouver l’origine de cette clé, regardez plutôt vers un fonctionnaire à la retraite Roland Veillepeau (il porte vraiment bien son nom) car c’est lui seul, qui a décidé, mené, et finalement sauvé, l’opération « Chocolat », c’est-à-dire le recrutement par les services fiscaux français, à Genève, de l’informaticien d’HSBC, Hervé Falciani, et l’exploitation mondiale de ses listings explosifs. Cela lui a même coûté sa fin de carrière puisqu’il a été contraint au départ forcé en raison d’intrigues politiques dépassant largement sa petite personne. Cette clé USB est son dernier pied de nez au gouvernement pas toujours droit dans ses bottes lorsqu’il s’agit d’évasion fiscale. Suite à ses informations qui touchent de nombreux pays, une association internationale de journaliste se crée. C’est l’affaire SwissLeaks !

Des noms du gotha mondain, sportif, politique sont jetés, à juste titre, en pâture, mais le plus important sont les sommes considérables avancées. Rien que 6.2 milliards d’euro d’évasion fiscale par an pour la Belgique avec plus de 500 diamantaires anversois. 5.7 Milliards d’euro pour le France. 21.7 Milliards pour le Royaume Unis.

Des mouvements de fonds étranges apparaissent sur ces listings comme ces deux entrepreneurs saoudiens, Abdelhadi T. et Mohammad Abdullah Abdulaziz Al-J., dont les comptes ont affiché des mouvements de fonds s'élevant à 44 millions de dollars pour le premier et 150 millions pour le second, vers l’International Islamic Relief Organization, une organisation humanitaire proche d’Al-Qaïda.

Dans un proche avenir on découvrira comment se blanchit l’argent de la drogue et des trafics d’armes comme la femme d'un homme d'affaires parisien qui utilisa son compte pour verser de colossaux pots-de-vin à des responsables de l'armée et de l’État angolais afin de décrocher des contrats de vente de chars, de mines terrestres et de navires de guerre en pleine guerre civile. Et cela nous importe plus que Gad Elmaleh ou Dugarry.

Il est certain qu’HSBC, puissante banque anglaise ne fera pas le point face aux procédures judiciaires entamées à son encontre. En Angleterre David Cameron, étant déjà critiqué pour la nomination de Stephen Green, ancien président de HSBC, comme ministre du Commerce et l'Investissement, est mis à mal sur les révélations SwissLeaks concernant la généreuse donation de 5 millions de livres qu’HSBC a remis à son parti (parti conservateur). La procureure américaine Loretta Lynch, future ministre américaine de la justice, déclare que la banque HSBC n'est à pas l'abri de poursuites judiciaires aux États-Unis, en dépit de l'arrangement conclu en décembre 2012 entre les autorités et la banque, qui avait dû verser 1,9 milliard de dollars pour échapper aux poursuites pour blanchiment d'argent de la drogue.

La France quant à elle continue à être inefficace dans sa lutte contre la fraude fiscale internationale, ouvrant ainsi tous les champs du possible aux trafiquants de tout poil. Après l’affaire Kahuzac, tout élu français devait faire une déclaration de patrimoine à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il s’avère que le tiers des membres des 2 chambres (plus de 300) sont sous le coup d’une enquête fiscale, car leurs déclarations ne correspondent pas à leurs déclarations fiscales. Avant l’affaire Kahuzac, en aout 2012, le ministre de l’économie et des finances de l’époque, Pierre Moscovici a entrepris une grande refonte de de la Direction générale des finances publiques en nommant un nouveau patron Bruno Bézard. Cette direction, qui a été créée en 2008 dans le but officieux de ralentir la lutte contre la fraude fiscal, a imposé à ses fonctionnaires des procédures marquée par la primauté de la conformité comptable, autrement dit : pas d’enquête de terrain et aucune coopération entre les services (Douanes DGSE etc.). Bruno Bézard, le nouveau patron de la DGFIP, qui n’avait aucune expérience du contrôle fiscal, a remplacé, à la tête des grandes directions nationales du fisc, les professionnels qui y étaient par des hauts fonctionnaires, qui n’avaient, aucune expérience dans le domaine du contrôle fiscal. Pour l’affaire Kahuzac, c’est Bruno Bézard, et lui seul, qui a pris l’initiative de saisir le fisc suisse d’une demande d’assistance administrative pour savoir si son ministre de tutelle avait ou avait eu des comptes chez UBS. Et c’est cette information qui a été donné à la presse : « Kahuzac n’a pas de compte en suisse, c’est la Suisse qui le dit ! ». On connaît la suite.

L’état continue à tenir un double langage permanent en étant les premiers à condamner les paradis fiscaux et dans le même temps à en profiter et à ralentir volontairement les procédures pouvant les empêcher. La palme de l’hypocrisie revient à Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui, comme premier ministre du Luxembourg, a encouragé les multinationales à lui verser quelques milliards d’impôts en dépouillant les autres Etats européens de dizaines de milliards de recettes fiscales leur revenant.

 

Nicolas Forissier avait alerté sa hiérarchie des faits de démarchages illicites et d’évasions fiscales. Il a adressé notamment un mémo à Françoise Bonfante responsable du contrôle des risques chez UBS France. Cette dernière supervise l'ensemble de la filière risques, activité de gestion de fortune inclus dès mi-2008. Même si elle n'était pas sa supérieure directe, Nicolas Forissier était en contact régulier avec elle, et, "à sa demande", il la tenait au courant des dysfonctionnements qu'il avait relevés dans son audit. Peu de temps après ses révélations, il fut licencié pour faute grave. Pierre Moscovici ministre de l’économie de l’époque nomme six des douze membres de sa Commission des sanctions de l’AMF (autorité des marchés financier), l'organe qui instruit les dossiers sur les fraudes et manipulations du secteur financier. Il nomme Françoise Bonfante à ce poste. Le ministre dit entre autre : « quelle a été choisie en raison de ses compétences en matière de droit des marchés financiers, elle a longtemps exercé dans ce domaine, notamment à la COB". Nicolas Forissier indique que "cette nomination fait passer un curieux message d'impunité !". Devant la bronca des médias, elle sera débarquée 2 mois plus tard. Le communiqué de presse de Pierre Moscovici est éloquant :

Déclaration de Pierre MOSCOVICI suite à la décision prise par Mme Françoise BONFANTE

Pierre MOSCOVICI, ministre de l’Economie et des Finances, salue la décision de Mme Françoise BONFANTE qui a renoncé à sa fonction de membre de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers. Il souligne la dignité de cette décision.

Pierre MOSCOVICI tient à rappeler que Mme Françoise BONFANTE avait été nommée en raison de ses compétences professionnelles et de son expérience dans le domaine de la réglementation des marchés financiers. Il précise également que Mme Françoise BONFANTE n’a jamais été mise en cause personnellement ni es-qualité dans aucune des procédures visant ou ayant visé la banque UBS.

Pierre MOSCOVICI réaffirme ainsi qu’à aucun moment, ni avant sa nomination ni depuis, l’honnêteté, la probité et les grandes qualités professionnelles de Mme Françoise BONFANTE n'ont été remises en cause.

 

En droit français, le ministère public a seul le pouvoir de décider ou non de poursuites lorsqu’une infraction pénale lui est dénoncée, et de déclencher ou de ne pas déclencher l’action publique. Sauf pour les poursuites pour fraude fiscale où c’est uniquement Bercy qui diligente l’action publique. Ce « verrou de Bercy » constitue une exception qui n’a plus aucune légitimité depuis la mise en place du Parquet national financier (PNF), qui a compétence sur les infractions fiscales graves. Si l’administration fiscale s’en sert comme moyen de pression ou monnaie d’échange pour faire accepter des redressements. Le ministre peut également écarter un dossier de poursuites pour des motifs politiques ou amicaux. C’est d’ailleurs ce qu’il fait régulièrement.


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