Un petit pas, mais réel, contre la spéculation vient d’Allemagne
par Imhotep
jeudi 20 mai 2010
Il aura fallu le redoublement de la crise européenne pour qu’un tout petit pas soit fait dans la lutte contre la spéculation, et les barbares de la finance n’ont pas aimé.
Pendant que Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse depuis 3 ans de bramer qu’il allait au choix : remoraliser le capitalisme, faire payer les patrons voyous, légiférer contre les parachute en or massif, les golden hello, les retraites chapeau et la crémière, qu’il clamait sur les perrons des G7, G20 et autre point G, que ça y était les manipulateurs d’hedge funds n’avaient plus qu’à se planquer, le tout bien évidemment sans rien faire, Angela Merkel, madame Nein comme elle est appelée outre Rhin, puisqu’elle a été obligée de lâcher du lest, a pris le mors au dent et a décidé de légiférer. Ce ne sera cependant pas la première fois (LeNouvelOb) : L’Allemagne interdit à partir de ce mercredi 19 mai les ventes à découvert à nu sur les dix plus importantes institutions financières du pays, a annoncé un porte-parole du ministère des Finances. Cette interdiction concerne également les emprunts d’Etat de la zone euro et les CDS adossés à ces obligations, a précisé ce porte-parole.
Et de façon plus complète (radiobfm) : Faisant suite aux déclarations du ministère fédéral des Finances, l’autorité de régulation financière d’Allemagne, la BaFin, a interdit depuis minuit la vente à découvert sans contrepartie (à nu) de 10 grandes actions financières, des emprunts d’Etat de la zone euro et des ’credit default swaps’ (CDS). Cette mesure sera en vigueur jusqu’au 31 mars 2011.
Les actions concernées sont les suivantes, selon le communiqué de la BaFin : Aareal Bank, Allianz, Commerzbank, Deutsche Bank, Deutsche Boerse, Deutsche Postbank, Generali Deutschland Holding, Hannover Re, MLP et Munich Re.
Cette interdiction n’est pas définitive elle court jusqu’en mars 2011. Elle avait déjà eu lieu en début d’année pendant quelque temps.
Mais déjà cela a des conséquences :
1- les prédateurs n’ont pas aimé, mais pas aimé du tout. Londres encore moins que tout autre pays car 80 % des ce genre de transactions et de réserves s’y trouvent. (Boursorama) Cette annonce unilatérale intervient "à un moment où le marché attend de la solidarité dans la réponse de l’UE à la crise budgétaire", a de son côté estimé Patrick O’Hare, du site financier Briefing.com. "En outre, les opérateurs ont mal pris cette attaque contre le libre fonctionnement des marchés".
2- effet très positif (Le Nouvelobs) : Sur le marché des CDS (credit default swaps), le coût de l’assurance pour se prémunir contre le défaut d’un pays a reculé pour la plupart des pays de la zone euro, les CDS à cinq ans allemands reculant ainsi de 5 points de base à 44, ce qui signifie que cela coûte 44.000 dollars par an pour assurer 10 millions de dollars de dettes.
Les CDS à cinq ans grecs ont reculé de 58 points de base à 607, selon Markit, les CDS portugais de neuf points de base à 271 et les italiens de six points de base à 136.
(Au passage notez la différence du coût de protection entre l’Allemagne (44) et la Grèce (607) !)
Alors que certains applaudissent :
En revanche, le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, a soutenu cette interdiction et invité les régulateurs européens à étudier une action concertée sur ce thème. […]
"Une fois de plus, on assiste à un manque de discours coordonné de la part de l’Eurogroupe. Or, dans la période actuelle, ce n’est pas bon", a estimé Franklin Pichard, directeur de Barclays Bourse.
Pour ce gérant, l’arrêt des ventes à découvert est une "bonne décision" et la réaction des places financières est "une aberration" d’un marché qui regarde chaque nouvelle "sous l’angle du verre à moitié vide".
d’autres non et qui retrouve-t-on dans les non ? Ceux qui crient ubi et orbi qu’il faut réguler mais qui dînent avec les spéculateurs (c’est une image) : Christine Lagarde : La ministre française de l’Economie Christine Lagarde a ainsi estimé qu’il n’était "pas inutile" que certaines transactions "puisse continuer sans que soit interdite la vente à découvert", notamment "pour des besoins de liquidités".
Pour parler il y a du monde devant la caméra, mais quand il s’agit de frapper dans le foie des barbares, plus personne. Il faudra que la meilleure économiste d’Europe nous explique à quoi sont utiles ces liquidités virtuelles dans le monde économique réel ?
Que peut-on conclure de ce fait d’arme de la chancelière de fer ?
1- qu’on peut agir et que foin de blabla devant les micros il existe des manières de réguler le marché
2- que cela montre une fois de plus que l’Europe a du mal à parler d’une seule voix à agir en commun, ou que certains pays européens ont du mal avec l’unité, la concertation. Ces pays (au moins trois : l’Allemagne, la France et le Royaume Uni) sont européens dans les mots (sauf le RU), nationalistes dans leurs actes et ou discours préélectoraux.
3- que ce qu’a fait l’Ange hambourgeois, aurait pu l’être par la commission européenne engageant une directive qui interdisait sur tout le sol européen et donc la bourse de Londres la place extra-dominatrice dans la gestion de tous les produits monétaires et que pour le coup cela aurait un impact majeur contre la spéculation, les ventes à découvert.
Vignette, Wikipédia, quartier de la bourse de Londres