Une autre piste pour le problème du logement
par Oliver Trets
vendredi 5 janvier 2007
Face à la montée du problème de la pauvreté et du logement dans le débat politique, on peut se demander s’il continue à être raisonnable qu’à travers la location libre, les propriétaires puissent utiliser l’investissement dans la pierre comme n’importe quel investissement économique.
La question est avant tout morale : le logement est un besoin vital pour tous, est-ce raisonnable que le logement soit profitable économiquement aux propriétaires louant ? Que n’importe qui puisse s’acheter ou louer un logement pour avoir un toit sur la tête, c’est indiscutablement souhaitable. En revanche, que les plus fortunés puissent acheter des logements par poignées dans le seul but de se créer une rente sur le dos des moins bien lotis économiquement, c’est problématique.
Après l’éclatement de la bulle économique de l’an 2000, les investisseurs se sont portés sur l’immobilier, entraînant ainsi une accélération de l’augmentation de l’immobilier, qui continue encore aujourd’hui à biaiser tout le système économique. Si l’énergie financière placée dans l’immobilier retournait dans la sphère économique des entreprises, peut-être cette création de richesse plus dynamique serait-elle très profitable à l’économie en général.
Aujourd’hui, la solution avancée pour résoudre le problème des SDF, c’est le droit opposable. On commence à sentir que la mise en place de ce droit va se traduire par une judiciarisation du problème et que l’Etat va devoir dépenser des sommes considérables en construction de logement sociaux ou acquisition de logements existants. Dans un contexte économique où l’immobilier coûte cher, il est évident que l’Etat devra mettre beaucoup de sa poche, comme n’importe quel agent immobilier. Mais un agent immobilier bénéficie d’un bon retour sur investissement, en louant ou vendant assez cher les logements construits, ce qui ne sera pas le cas de l’Etat. Avec la mise en place du droit opposable, il n’y a pas de raison mécanique pour que l’immobilier baisse enfin.
Et enfin, ce droit opposable pourrait également faire naître un système de réquisition arbitraire de logements, que certains de nos hommes politiques parmi les plus réactionnaires n’ont pas manqué de montrer du doigt ces derniers jours.
Peut-être la solution est-elle ailleurs. Par exemple dans le plafonnement des loyers, tout simplement. Non pas un plafonnement qui, comme aujourd’hui, se contente d’encadrer les hausses de loyer (indice de la construction) mais carrément, une définition d’une grille de loyers imposés par l’Etat et indexés sur l’impôt foncier, dont le montant est déjà défini par des critères de superficie et de position géographique dans la ville.
Concrètement, pour faire accepter une telle mesure, il faudrait certainement commencer en douceur, par exemple en gelant les loyers et en imposant une baisse de ceux-ci de 3% l’an, jusqu’à atteindre le montant défini par la grille des loyers décrite plus haut.
Maintenant, analysons l’impact qu’aurait une telle mesure au bout de cinq ans, avec donc une baisse des loyers de 15%.
Tout d’abord, en forçant les loyers à la baisse, on commence par résoudre le problème du logement et de la hausse incessante et scandaleuse de son coût depuis plus de dix ans. Le locataire moyen dépenserait ce gain financier en biens de consommation courante, et ainsi redynamiserait l’économie (un ménage à revenu modeste qui doit se loger en location a rarement les moyens d’épargner, donc il consomme).
Ensuite, le propriétaire qui loue verrait son investissement dans la pierre de moins en moins intéressant pour constituer ses revenus financiers. Il serait donc plus à son avantage de vendre son bien (par exemple à quelqu’un qui veut se loger et qui n’achèterait donc pas ce logement pour gagner de l’argent). En vendant son bien, il disposera d’un potentiel d’investissement financier conséquent, qu’il pourra utiliser dans l’économie de marché générale, pour placer son argent en Bourse ou encore pour entreprendre (ou participer à un investissement industriel).
Si les locataires se logent plus facilement, et si le prix de vente de l’immobilier chute (l’augmentation de l’offre fait baisser les prix), on se retrouve avec un marché de l’immobilier plus sain et plus juste, puisqu’il n’est plus une variable d’ajustement permettant aux plus fortunés de s’enrichir sur la misère économique d’une population moins aisée (la rente locative n’est pas ce que l’on peut appeler un investissement dynamique digne de ce nom).
Si le pays place moins d’argent dormant dans la pierre, et qu’il dispose d’une manne financière plus conséquente pour investir dynamiquement et consommer, nous pouvons résoudre un problème social et un problème économique en même temps, ce qui, convenons-en, ne serait pas du luxe.