Une dette si enrichissante... pour certains

par socrate&co
jeudi 16 février 2012

La dette n'est pas un mal mystérieux tombé des "cieux économiques", c'est un calcul bien réfléchi de quelques grands groupes de la finance mondiale (ils ne sont pas plus d'une cinquantaine sur la planète) : un Etat peut toujours rembourser et personne n'est responsable des milliards perdus en taux d'intérêts... La France a "perdu" sur ces dernières années 1700 milliards d'euro simplement pour payer les intérêts de sa dette. Et, il n'y a pas que la France. L'astuce de ce jeu, c'est de provoquer le besoin d'une dette... le déficit... après on se partage un énorme marché (et Bouygues semble bien petit dans tout cela. Attention, il y a qu'une limite : si la croissance est en berne, impossible de rembourser. Alors il faut se retourner contre les peuples et les écraser d'impôts. C'est le scénario actuel. Celui qui mena tout droit à 1789...

Une dette...si enrichissante !

Tous les économistes ne sont pas forcement à plat ventre. Même si ceux qui restent debout, subissent les pires tourments...Tous ne sont pas des admirateurs d'un Jacques Marseille qui expliquait, en bon néo-c onservateur, que la faute du déficit était la gabegie que représentait le petit postier qui osait rentrer chez lui en emportant une gomme...ou d'un Jacques Attali qui voyait le rôle des "taxis" en première place comme frein à la croissance.

La dette et le fameux déficit, qui l'accompagne, ne sont pas des malheurs de l'économie qui tombent sur les pauvres humains du fait d'un méchant sorcier et de ses sortilèges...C'est beaucoup plus simple et hélas très humain...

De tous les moyens qui existent pour s'enrichir, l'Etat a toujours été le plus profitable et ce quelle que soit la forme prise par celui-ci, de dictature la plus dure à la démocratie la plus molle. Seules les méthodes changent, mais en dernier lieu, il y a toujours une constante : ce sera au peuple de payer l'enrichissement d'une minorité.

La dette des Etats est un des moyens parmi les plus faciles et les moins voyants, et sans conteste parmi les plus efficaces. Cette efficacité s'est d'ailleurs nettement améliorée aujourd’hui dans le monde occidental du XXIème siècle avec la déréglementation sauvage de la finance internationale. Mais, il semblerait bien aussi que la nouvelle « poule aux œufs d'or  » soit en passe de terminer sa carrière comme celle de la fable.

Il n'y a pas besoin d’être un génie de la finance, comme une certaine presse tend à vouloir le faire croire, pour « réussir  » ce type d’opération qui rapporte bien plus qu'aucune autre.

 

L'enseignement de l'Histoire

L'histoire nous a enseigné un certain nombre de ces folies. On se souvient (entre autres !) que Louis XIV emprunta sans compter pour construire le château de Versailles. Ces emprunts étaient tantôt réalisés de façon claire  : le roi emprunté à la somme de X à Monsieur Y. Ils pouvaient être aussi de nature plus discrète comme lorsqu’il s'agissait des fournisseurs. Ainsi un menuisier devait livrer tels agencements pour telle date et il était convenu que le paiement lui soit fait lors de la livraison. Toutefois, lorsque les dépenses dépassent les recettes, et c'était le cas du roi en question, il s’avérait bien vite difficile de faire les remboursements ou les paiements attendus.

Les dettes s'accumulaient et les délais de paiements des commandes royales s’allongeaient de plus en plus. A la fin, le roi dû convenir, qu'il n'avait pas les moyens d'honorer sa signature. Il utilisa alors son pouvoir "régalien" pour accorder des remises d'impôts à ces malheureux créanciers. Quoique bien souvent, ces remises furent purement symboliques...

On sait que de nombreux historiens n'ont pas hésité à déclarer que c'était Louis XIV (avec l'aide de Louis XV, faut-il le préciser) qui avait dressé la guillotine sur laquelle Louis XVI devait mourir.

 

Le fonctionnement du couple Dette-Déficit dans le monde contemporain

Le procédé royal, évoqué ici, manquait singulièrement de discrétion. De toute évidence, le roi était le débiteur et il devait donc régler ses dettes. En s'abstenant de le faire, il était identifié directement comme un fauteur de troubles pour ses créanciers.

Dans le contexte des démocraties contemporaine, les choses sont beaucoup plus diluées, abstraites et même hypocrites.

Examinons en détails le processus :

Un déficit apparaît - pour le moment suivons le pseudo raisonnement officiel qui tend à faire croire que le déficit est une sorte de malheur qui tombe directement du ciel sans autre forme de procès - dès lors, il est nécessaire de le combler en faisant appel à un emprunt.

Deux formules sont possibles : emprunter au niveau national ou comme aujourd’hui avec la mondialisation au niveau international.

 

Emprunt National

a) Dans le premier cas, l'Etat emprunte auprès des citoyens de son pays. Nous sommes dans la situation classique de la IVème République en France avec les célèbres emprunts Pinay et que l'on peut résumer ainsi : un bon est vendu par l'Etat à 40 euros pour une valeur de 50 euros dans 5 ans. Dans 5 ans, celui qui a acheté le bon en question, recevra donc un plus du remboursement de ses 40 euros, 10 euros représentant le taux d’intérêt que l'Etat a consenti à lui payer. C'est d'ailleurs à ce mécanisme que faisait récemment référence la commission Jupé-Rocard.

 

Emprunt « Financier International »

b) Deuxième cas : l'Etat s'adresse à la finance internationale (qui est représentée en fait par quelques groupes bien connus et bien délimités). Il emprunte les 40 euros contre un taux d’intérêt qui fait qu'au bout de 5 ans, il aura à rembourser 50 euros. Donc, 10 euros d'intérêt. Dans les deux cas, l'Etat aura donc payer 10 euros.

 

De la distinction entre les deux méthodes

A première vue, si on ne fait pas trop attention au processus ainsi mis en place, on pourrait penser que les deux méthodes se valent.

Certains, et cela a encore été dit récemment , déclareront même que la première méthode est plus coûteuse et plus lente que la seconde (c'est ce qui fut mis en avant pour éliminer les conclusions de la commission Jupé-Rocard) : lancer une campagne de presse pour promouvoir l’emprunt, le placer auprès des citoyens et ensuite gérer les remboursements à des milliers de compte (on simplifie volontairement à l’extrême).

En fait ces deux méthodes n'ont rien en commun. Elles sont aux antipodes l'une de l'autre si l'on se place dans l'optique des financiers qui ont conduit à la catastrophe de 2008...

Lorsque l'emprunt est diffusé à travers des milliers de citoyens, c'est chaque citoyen qui percevra les remboursements de l'Etat. C'est-à-dire dans notre exemple les 10 euros. Les grands groupes financiers devront se contenter des commissions et autres frais de gestion sur le placement des titres en question.

Lorsque l'emprunt passe en direct par ces grandes organisations financières, ce sont ces dernières qui perçoivent les remboursements en provenance direct de l'Etat. Et toujours dans notre exemple les 10 euros par bon pris en pension. La différence est de taille, puisque les intérêts ainsi reçus n'ont rien de commun avec les sommes insignifiantes des commissions ou frais bancaires de la première solution.

La dette au niveau international prend ainsi une toute autre dimension. Elle devient un marché des plus convoités et de fait tous les grands groupes financiers du monde, y compris les fonds souverains (les "vrais" pas ceux inventés pour faire plaisir aux errements de vocabulaire d'un président) jouent un rôle décisif sur ce marché très fermé (et pour cause). Ajoutons que certaines commissions peuvent être versées aux "apporteurs" de ces marchés rentables.

Car,t ous ces acteurs de la finance internationale savent bien qu'en dernière instance, il suffira d’accroître les impôts sur les peuples pour rembourser les sommes qu'ils ont avancées. C'est dans ce contexte que l'on comprend deux choses, si on se rapporte à une démocratie comme la République Française.

 

Le déficit...où les projets "fous"

D'abord le déficit n'est en aucun cas une fatalité mais un choix politique de projets qui "plombent" le budget. Lorsque l’impôt ne rentre que 100, il est évident que les dépenses que l'Etat peut faire sont limitées à 100. Le choix des projets étant soumis à cette limite : on choisira ainsi de faire plus de "social" ou plus d'immeubles de luxe comme ceux de La Défense etc.

Au cas, où une dépense exceptionnelle doit être envisagée, alors un emprunt placé dans le public doit être la règle. (Ne confondons pas ici avec un déficit keynésien qui permet d'injecter de la monnaie dans l'économie...la fameuse "planche à billets")

Mais cette pratique n'est pas du goût de la haute finance qui ne "gagne" rien dans un budget trop bien étudié ou dans le recours à un emprunt auprès des citoyens. En revanche, un déficit qui nécessite la mise en place d'un prêt dont les conditions sont directement débattues entre cette haute finance et quelques « élus  » permet d'envisager des profits des plus attrayants ...

Inventer des projets inutiles ou qui ne correspondent pas au revenu d'une nation est chose bien simple dans les démocraties laxistes de l'occident d'aujourd'hui. On peut viser la lune, ou déclarer d'utilité publique l'envoi d'un homme sur mars ou encore avancer que la Défense pour concurrencer en tant que quartier d'affaires mondial les autres places comme Francfort ou Londres nécessite des travaux sans fins, ou promouvoir des constructions de bâtiments (Déménagement des Archives nationales dans de nouveaux locaux à Pierreffite, idem pour les Archives des Affaires Étrangères à La Courneuve) ou d’équipements sans nombre (la course à l’énergie nucléaire qui permet de creuser encore un peu plus le déficit sans réellement résoudre la question de la production en grande quantité d'énergie électrique) ou encore des sommes allouées dans un contexte mystérieux à un certain M.Tapie, etc.

L'Etat n'a besoin pour s'engager dans ces projets que d'un vote de ses "élus" (et parfois, même ce vote peut être omis, le cas Tapie...). Le vote acquis, le déficit est acquis. C'est alors en comité plus restreint que l'on traitera la chose et que l'on pourra répartir les emprunts entre les groupes financiers les "plus compréhensifs". Chacun aura sa part d'un gigantesque gâteau. On ne distingue d'ailleurs pas très bien dans ces opérations très « secrètes  » si ce sont les groupes financiers qui choisissent leurs élus ou le contraire...

 

Faire payer les peuples, vers une limite ?

Cette magnifique "astuce" renforcée par la mondialisation et les « déréglementation de la finance  » ne fonctionne toutefois qu'à une condition, condition dirimante s'il en est dans ce cas de figure : l'Etat doit remplir toute ses obligations, ce qui veut dire en d'autres termes qu'il doit veiller aux remboursement en temps et en heure. On comprend mieux ainsi l'appel de M.Barroso qui fait du paiement de la dette une des obligations sine qua non de l'avenir de l'économie européenne  !

A cause de son dernier président, la France a vu sa dette augmenter dans des proportions significatives (alors qu'il s'était engagé à la réduire de façon drastique lors de sa campagne électorale de 2007) pour atteindre un niveau d'endettement proche de son PNB. On découvre alors soudainement que la dette qui file depuis des années, avec des emprunts accessoires pour payer seulement les intérêts sur la dette principale, auxquels s'ajoutent encore de nouveaux emprunts pour payer les intérêts des intérêts sur les précédents, arrive fatalement à une limite  : la capacité de remboursement d'un pays.

On a pensé jusqu'au grand crack de 2008 que ce jeu n'aurait jamais de fin, puisqu'il devait s'appuyer sur les fruits de la croissance. Mais c'était être un peu optimiste sur cette croissance que les charges trop lourdes de la dette allaient bien finir par tuer.

La perte du triple A n'est donc pas dans ce contexte une simple pseudo sanction pour la France. Elle montre que les groupes financiers qui sont en affaire avec elle, sont désormais de plus en plus "gourmands" et qu'ils veulent en "tirer plus vite la substantielle moelle", car l’augmentation des taux d’intérêts (qui découle de la perte du 3ème A) permet de "soutirer" ainsi de plus gros bénéfices.

Un exemple : L'emprunt de 8 milliards, qui a permis à certains ministres d’expliquer la suprématie de l’économie française, a été négocié à 3,9% ( dans le même temps l'Allemagne négociait un emprunt à 1,6%). Ce qui veut dire que là où la France aurait du payer 160 millions d'euros pour un an d'intérêt, elle a accepté d'en payer le double (en se plaçant ipso facto au rang d'un pays à notation BBB).

 

Et si...

Cette "inflation" des intérêts à payer a permis de détourner du patrimoine national français des sommes considérables (on estime à 1700 milliards la somme des intérêts payés sur la dette au cours de ces dernières années, soit 6 ans du budget de la France !).

Le déficit s'est créé sur des projets surestimés et bien souvent inutiles (en quoi le déménagement des archives nationales du CARAN et la construction d'un nouveau bâtiment était-elle une priorité nationale, alors que les salles de lecture actuelles ne sont utilisées qu'au tiers de leur capacité  ! En quoi construire un nouveau bâtiment pour le Ministère de la Défense est de même présenté comme un projet "urgentissime" au moment où une crise terrible frappe l 'économie française).

On estime la vente annuelle de Rolls Royce à près de 300 000 véhicules par an. Gageons sans grand risque qu'une bonne partie de ces achats ont été payés par les "nouveaux marchands de Venise" avec de l'argent venant des pauvres contribuables Français, Grecs, Espagnols, Italiens etc.. qui ne savent même plus comment acheter les produits de premières nécessité tant les prix montent, montent sans cesse...

Jusqu'où un peuple peut-il supporter ainsi le pillage de ses richesses et de son travail ? Venise l'a appris à ses dépens. Mais là, c'est une autre histoire...


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