Uramin : le lent poison nucléaire ?

par PierreDretio
mardi 21 octobre 2014

Il y a quelques jours, le journal le Figaro titrait : "Areva, le dossier qui va empoisonner l'automne du gouvernement", et il a raison. La société va mal, très mal. Avec 694 millions d'euros de perte au premier trimestre 2014, Areva joue les scaphandriers et la descente n'est pas terminée. L'EPR finlandais, Fukushima, un Directoire défaillant, autant d'explication pour tenter de comprendre la situation catastrophique du groupe. Pourtant, le sujet qui dérange, et qui a plombé les comptes d'Areva de près de 5 milliards d'euros, est soigneusement évité.

L’affaire Uramin empoisonne la vie des dirigeants d’Areva autant qu'elle dérange l'Etat, actionnaire à 87% de la société, qui ne trouve ni excuses, ni pistes pour expliquer les milliards perdus dans cette transaction fumeuse.

Tout commence en 2007, quand le groupe public nucléaire achète, investissements ultérieurs compris, cette start-up canadienne pour un montant total d'environ 5 milliards d'euros. Fin 2011, la valeur de la société Uramin dans les comptes d'Areva est de zéro.

En 2007, Daniel Wouters, un banquier belge, spécialiste des financements miniers, met en contact la direction d’Areva avec une société canadienne d’extraction d’uranium, Uramin, pour lui permettre d’internaliser les approvisionnements du groupe.

A l’époque, le prix de l’uranium est orienté à la hausse et Areva cherche à sécuriser son approvisionnement. C’est dans ce contexte que le banquier belge à la réputation douteuse présente Stephen Dattels (CEO d'Uramin) au groupe public français.

En l’espace de quelques mois, la vente est officialisée, le prix payé, l'argent public envolé et les actifs acquis rapidement dépréciés.

La sécurité du groupe s'interroge, tardivement.

Suivant un premier rapport de la société d'intelligence APIC, Sébastien de Montessus, alors patrons des mines, et le général Jean-Michel Chéreau, alors chef de la sécurité, sollicitent la société suisse Alp Services et son directeur, Mario Brero.

L'enquête démarre au début 2011 et doit faire la lumière sur cette transaction. Le dossier est sensible, politique, secret. Mario Brero est pris dans la tourmente et renvoyé devant le tribunal correctionnel. Jugé le 16 mai dernier en compagnie de Sébastien de Montessus, Mario Brero est exempté de toute peine et le second relaxé.

Mais l'affaire Areva, la vraie, n'est pas terminée.

Certains journalistes, comme Olivier Drouin, regrettaient au sortir de ce premier volet judiciaire que les parlementaires n'aient pas « jugé utile de creuser la piste de l’escroquerie » qui mène en dehors de l'hexagone.

Saisi du dossier depuis cette année, le Parquet national financier a finalement effectué 11 perquisitions, notamment au siège d'Areva, chez Daniel Wouters, ou encore chez Anne Lauvergeon, ancienne directrice d'Areva, et son mari, Olivier Fric.

Dans son livre "Radioactif", la fiction très réelle de la transaction Areva/Uramin, l'auteur Vincent Clouzet estime que cette affaire se résume à une grande opération de rétro-commissions ; reste à savoir quels furent les vrais bénéficiaires... si tant est que le gouvernement français souhaite le savoir.

Crédit Photo : TV5 Monde


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